Jamaïque : Les grossesses précoces et les violences sexuelles sont en constante hausse

Jamaican GirlsEn dépit des campagnes sans cesse plus nombreuses de sensibilisation à la contraception, les grossesses précoces demeurent un problème sanitaire important en Jamaïque, puisque 35% des Jamaïcaines vivent leur première grossesse avant l'âge de 19 ans. La plupart de ces grossesses n'étant bien sûr pas prévues.

Une étude [en anglais] sortie en mars révèle que dans 94% des cas, les jeunes filles mères ont déclaré ne pas avoir programmé leur grossesse. Cette même étude présente chez ces adolescentes, enceintes ou pas, un nombre élevé de cas de violences sexuelles. On y apprend que près de la moitié des adolescentes vivant à Kingston, capitale de la Jamaïque, âgées d'entre 15 et 17 ans, ont déclaré avoir subi des rapports sexuels forcés ou violents. Un tiers d'entre elles dit avoir été  influencées ou forcées lors de leur premier rapport sexuel.

Hormis les rapports forcés, l'UNICEF attribut ces taux élevés de grossesses chez les adolescentes jamaïcaines à des facteurs aussi divers que la faible utilisation de moyens de contraception, une initiation sexuelle vraiment précoce, le marchandage du sexe contre des biens ainsi que le manque d'accès à l'information et aux méthodes pour une sexualité protégée et responsable.

Voici la description faite par la blogueuse Thinkbass, d'une scène  dont elle a été témoin en tant qu'interne à l'hôpital de Sainte Catherine, en Jamaïque. Elle raconte [en anglais]:

“Les soirs de garde, nous voyons en moyenne deux ou trois fausses couches incomplètes (nous préférons ce terme à celui d'avortement)…La plupart de ces femmes a moins de 30 ans, quelques unes ont plus de 40 ans et un nombre très inquiétant de jeunes femmes de moins de 21 ans. On comprend mieux à quel point ce problème est choquant avec quelques courtes anecdotes.

Age: 16 ans/Problème: Fausse couche incomplète

Fait inquiétant: Le stupide docteur (moi) de demander: ‘Quel est le nom du partenaire (père de l'enfant) ?’ Elle regarde hébétée et marmonne ‘Zingy’. Je lâche un soupir puis le stylo, avant de demander: ‘Quel est son vrai nom?’. Elle me regarde et se tourne vers sa mère, désespérée…La mère me demande d'attendre le temps qu'elle sorte et soit fixée sur le nom du père. Oui, oui, vous avez bien compris ! Elle ne connaît même pas l'identité exacte du père ! Elle lui a offert son corps de jeune fille sans même connaître vraiment son nom. Il doit sûrement avoir 30 ans.”

En réponse à un billet sur le blog Jamaica Gleaner, Sasha D. partage [en anglais] son expérience personnelle de jeune fille-mère. Elle raconte qu'elle n'a pu compter que sur sa mère pour s'en sortir:

“A l'âge de 17 ans, fraîchement émoulue du lycée, ingénue et naïve sur les choses de la vie, je me suis retrouvée enceinte après une seule et unique soirée. Mon copain, juste une amourette, a profité du fait qu'il quittait l'île et que j'avais trop bu pour lui dire non ! Voilà qu'après 2 minutes…peut-être 2 secondes…à fricoter… rien que cela… je suis tombée enceinte.

Vers qui pouvais-je me tourner ? Maman! Elle était blessée, troublée, folle de colère et même honteuse…mais elle a tout gardé en elle et m'a soutenue…de A à Z. Et c'est son attitude qui m'a donné le courage et l'inspiration pour poursuivre ma route, après la naissance du bébé. Je suis retournée en cours et ai poursuivi mes études supérieures à l'université. Que se serait-il passé si ma mère m'avait tourné le dos ? Où serais-je allée ? Que serais-je devenue ?”

L'expérience de Sasha D. ne représente absolument pas la norme dans ce type de cas. Seuls 34 % [en anglais] des jeunes filles-mères reprennent leurs études après leur grossesse en Jamaïque. Dans l'étude parue en mars [en anglais], on apprend aussi que les grossesses précoces contribuent à augmenter le taux de mortalité et de morbidité chez la mère et l'enfant et à faire baisser la probabilité que la mère trouve ensuite un emploi décent.

Bob répond aussi aux billet de Jamaica Gleaner, en proposant une solution pour diminuer le taux de grossesse précoce. Il explique [en anglais]:

“Beaucoup de parents jamaïcains font de leurs corps et de leur sexualité de tels tabous qu'il leur est impossible de discuter de sexe avec leurs filles adolescentes. Et ils ne se doutent pas que ces tabous leur coûteront cher, en si vous ne parlez jamais de rien avec vos enfants, comment pouvez-vous leur reprocher leurs erreurs par la suite?… Les parents doivent comprendre la nécessité de parler à leurs fillettes de sexualité dès l'âge de 10 ans.”

Certains pensent qu'il serait nécessaire d'assouplir les lois jamaïcaines liées à l'avortement, afin que les femmes et les adolescentes puissent pratiquer l'avortement dans des conditions sanitaires et médicales décentes et dans la légalité. Un billet traitant de La Perception et de l'Auto-Perception des Femmes et des Conséquences sur la Santé mondiale développe des éléments de ces lois [en anglais]:

“En Jamaïque, l'avortement demeure un crime fédéral excepté dans certains cas (dictés par un “droit commun” des plus ambigus),“(i) anomalie fœtale constatée; (ii) cas où la grossesse représenterait une menace pour le bien-être et la santé de la mère et (iii) dans les cas où la grossesse est le fruit d'un viol ou d'un inceste;” alors qu'en 2004, la troisième cause de mortalité chez les mères en Jamaïque était les avortements illégaux.”

Gordon Swaby, un blogueur jamaïcain, parle de sa conviction quant à la nécessité de légaliser l'avortement en Jamaïque. Il s'explique en disant [en anglais]:

“Bon sang, qui peut décider de ce que je peux ou ne peux pas faire d'un bébé qui n'est pas encore né ! Moi, je vous le dis, c'est n'importe quoi ! Tant d'enfants naissent dans des familles immatures et sans aucune préparation. Ces imbéciles préfèrent voir des enfant naître et finir dans la rue parce que leurs parents ne pouvaient pas s'occuper d'eux, alors que l'état ne propose aucun système efficace pour s'occuper d'eux…s'il est décidé que l'avortement ne sera pas légalisé en Jamaïque, il ne faut pas que ce soit sous le couvert de la religion, il faut trouver une raison logique.”

L'étude suggère [en anglais] d'autres solutions pour combattre les grossesses précoces comme encourager les adolescents à avoir leur première relation sexuelle plus tard et surtout les encourager à ne pas multiplier les partenaires. Il y est précisé que le problème des violences faites aux femmes et aux homosexuels doit être pris à bras le corps par les communautés.

Thinkbass ajoute que les femmes et les filles doivent commencer à se respecter elles-mêmes. Elle dit [en anglais]:

“Il existe de nombreuses jeunes filles enceintes accompagnées des futures grands-mères de 30 ans. Beaucoup de femmes en sont à leur cinquième grossesse ou plus et ressentent le besoin d'autres enfants, parce que “l'homme il en veut” d'autres. Quelques mères séropositives N'EN SONT PAS à leur première grossesse, l'une d'entre elles affichait sa neuvième. Tout cela m'amuse car dans les dernières heures de la délivrance, elles hurlent toutes en appelant Dieu à leur secours.  L'une d'entre elles demandaient même ce qu'elle avait fait pour mériter cela. Mais jamais je n'ai entendu aucune d'entre elles hurler: ‘Plus jamais! J'en veux plus du tout.’

Depuis quand nos femmes sont-elles devenues des réceptacles, des décharges pour le sperme des hommes ? Depuis quand est-il légal pour nous de polluer nos corps de ces effluences ? Quand avons-nous accepté l'idée que de ces pénis brutaux et ces bébés trop gros pouvaient torturer nos jeunes fleurs ? Quand les hommes ont-ils pris le contrôle de nos corps ? Comment se fait-il que leurs désirs soient paroles d'évangile même au prix de nos vies?”

Photo de Jamaican Girls par marco annunziata sur Flickr.

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