Japon : Que penser du Web japonais (Partie I)

Yuka Okada,  reporter pour le site japonais de “tech news” ITmedia [en japonais], a prouvé ses talents reconnus d'intervieweuse lors d'un face à face avec Mochio Umeda.  Conclusion de l'entretien  : “Le web japonais est ‘décevant’ : une interview avec M. Mochio Umeda, Partie I et Partie II [en japonais].”  En réaction, la blogosphère a voulu à donner ses opinions sur Umeda, Hatena, et le web japonais. La Partie I de cet article résume l'interview avec des extraits traduits, et se concentre sur des parties de l'interview peu reprises par les blogueurs.  [A noter : l'interview originale n'est pas ci-incluse ici pour des raisons de copyright.]  La Partie II mettra l'accent sur les discussions dans la blogosphère et la Twittersphère. Okada commence par noter qu'Umeda n'a pas écrit récemment sur le web japonais et lui demande si ses intérêts se sont déplacés vers le shogi, les échecs japonais.  Umeda répond qu'il est actuellement en année sabbatique, et qu'il a publié sept livres depuis Web Shinkaron (“La Théorie de l'évolution du Web”).

Ce n'est pas que je m'abstienne exprès de parler de l'actualité du web.  Cependant, il y a quelque chose qui me déçoit –  le web en anglais et le web en japonais sont devenus très différents l'un de l'autre.

Je ne suis pas vraiment critique, même s'il y a des gens qui le croient.  Je m'implique dans la gestion d'Hatena et je suis du genre de personnes qui pensent pendant qu'elles agissent.  Peut-être qu'il semble que j'ai un point de vue objectif, mais mes espoirs et mes attentes personnelles sont dans mon écriture.   Peut-être que le web est devenu une chose négative ; je n'ai pas la motivation pour l'analyser.”

Umeda, questionné sur la différence entre les deux webs et ce qu'il veut dire par ‘negative’, cite un extrait du livre “Webu wa baka to himajin no mono ウェブはバカと暇人のもの” (traduction : “Le web appartient aux idiots et aux gens qui ont trop de temps libre”) par Junichiro Nakagawa, rédacteur en chef du site Ameba News [en japonais].  Nakagawa prétend qu'Umeda interprète ce qu'est le web pour les gens intelligents et que son livre à lui est pour les gens ordinaires et les idiots.  Umeda répond que cette catégorisation est raisonnable.

Dans ce sens-là, shogi me fascine parce que je suis attiré par des mondes professionnels où les gens remarquablement doués s'engagent pour améliorer leurs talents.  Ils travaillent très dur pour atteindre la grandeur, et en conséquence nous montrent un monde d'excellence suprême.  Je suis attiré par cela.

Okada demande si le web en anglais est meilleur que celui en japonais, ou si c'est une question d'aimer/de ne pas aimer. Umeda concède que sa préférence personnelle influe son opinion, mais objectivement, qu'il ne fait pas de doute qu'il existe une différence entre les deux.  Le web japonais n'est pas encore devenu partie intégrante de la vie et du développement personnel.

Le web est vraiment neutre parce que c'est un outil.  Les choses neutres se représentent comme un modèle de distribution normal ; les bonnes et les mauvaises choses devraient en sortir, et en fin de compte s'équilibrer. Toutes les choses ont leurs bons et mauvais côtés, et le web japonais n'est pas une exception mais il me semble que la proportion [des deux] dans son cas est complètement différente.

Un silence de quinze secondes s'installe quand Okada lui demande des exemples des “mauvaises choses” du web japonais.

Umeda est dans une position compliquée, en tant que membre du conseil d'administration de la compagnie Hatena Co., Ltd., qui offre une plateforme de blogs et une bibliothèque de signets en ligne à plus d'un million d'internautes.  Diffuser des opinions négatives sur le web japonais appelle des commentaires comme “Vous critiquez vos propres clients ?”

Tant que je suis membre du conseil d'administration d'Hatena, je n'ai pas le droit de dire “On devrait faire cela !” ou “Ceux qui parlent comme ça sont mauvais.”

Les lecteurs répondraient “On parle comme ça parce que le système d'Hatena est structuré comme ça” et ils demanderaient d'abord à ce que nous le changions.

Je le comprends.  Je travaille avec Kondo (fondateur et PDG d'Hatena) et avec tout le monde dans la compagnie pour améliorer Hatena.  Je comprends maintenant que je ne peux pas dire ce que je veux, parce que j'aime bien Hatena.

Ils changent de sujet pour parler des “bons” côtés du web et de ce vers quoi le web japonais devraient tendre.  Umeda mentionne un concept qu'il a abordé dans son livre, Web Shinkaronso-hyogen shakai (総表現社会), qui décrit une société où l'expression personnelle n'est pas réservée aux intellectuels ou à l'élite artistique, mais où chacun est encouragé à l'utiliser.

Étant donné la population japonaise,  la couche de participants au  so-hyogen shakai consiste en 5 millions de personnes. Dans le web anglais, la couche est très épaisse et fait autorité.

Il n'y a pas beaucoup de motivation pour des gens comme ceci dans l'espace du web japonais.  La liste des “alpha blogueurs” (blogueurs influents) n'a pas vraiment changé, et comprend toujours les originaux qui étaient devenus célèbres pendant les premières étapes, n'est-ce pas ?  On n'a pas vu le type de progrès dans lequel le nombre de talents se multiplie par mille, créant un mur épais de talent.  Le web japonais n'as pas encore tiré avantage de ses talents.

Umeda cite les projets de traduction open-source de son livre de shogi comme un exemple de travail en ligne collaboratif et de ses possibilités passionnantes.  Okada mentionne aussi le site Nico Nico Douga, où les internautes contribuent  musique et vidéo aux oeuvres des autres.

Je comprends bien comment la culture du web s'épanouit dans la culture underground japonaise et je la respecte.  Pour cette raison, discuter de ces exemples maintenant n'apporterait rien à l'argument que la culture web japonaise a vraiment changé.

Une partie de moi est déçu par la réalité du Japon : l'internet, qui amplifie les talents magnifiques, est à peine  utilisé en dehors de sous-groupes culturels et les talents “supérieurs” sont cachés.  De ce point de vue, il y a une grande différence dans le web anglophone qui me saute aux yeux.

Umeda  parle du fondateur et PDG d'Hatena, Junya Kondo, qui, contre les conseils d'Umeda, a ouvert une filiale d'Hatena dans la Silicon Valley en 2006.  Junya Kondo est rentré au Japon quelques années plus tard sans avoir réussi à fédérer une communauté d'utilisateurs.

C’ une personne unique et très intéressante.   J'attends beaucoup de lui car il a plusieurs qualités que je ne possède pas moi-même.

Je peux normalement discerner ce qui se passe avec les gens, c'est pour ça que je ne pense pas qu'ils aient besoin de mon soutien.  Cependant, Kondo est différent.  Il est la seule personne qui m'étonne régulièrement.  Je ne peux rien dire de fracassant, parce qu'il n'a pas encore percé, mais il a besoin de temps pour accepter les choses et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il va percer.

Umeda parle de la première priorité de sa vie, de pouvoir “plonger” dans tout ce qui l'intéresse, le shogi par exemple.  Il gère son cabinet-conseil, Muse Associates, de telle manière qu'il pourrait le fermer dans un an si nécessaire, ce qui serait arrivé si Kondo avait contredit ses prédictions et  réussi dans la Silicon Valley.

D'un point de vue commercial et financier, ce serait logique de continuer dans ce rôle [ parler du web].  Cependant, ce n'est pas du tout ma priorité, donc, j'ai décidé de prendre un congé et j'ai enfin construit un système dans lequel je peux plonger dans ce qui passe devant moi.

Il est très probable que je n'écrirai pas un autre livre comme Web Shinkaron mais je ne le sais pas encore.  Toutefois, j'ai toujours dit que la suite ou “le dernier chapitre” devrait écrit par quelqu'un de beaucoup plus jeune que moi.

Le web est et sera toujours pour moi un outil d'avant-garde pour expérimenter.  J'écrirai toujours sur le  web, mais je ne sais pas si cela pourra être considéré comme une analyse critique.

Voici quelques liens d'anciens articles sur Umeda et sur son influence sur le web japonais [en anglais]:

Voir la partie II et III (en anglais).

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