Mozambique : Les élections créent des attentes

Les citoyens du Mozambique sont en pleine période d'élections, dont les principaux concurrents sont les partis du FRELIMO – actuellement au pouvoir, de la RENAMO – le plus ancien parti d'opposition et le MDM – le parti d'opposition le plus récent, tous lancés “à la chasse” aux voix. Pour la première fois, le pays voit se dérouler simultanément les élections présidentielle, législatives et aux assemblées provinciales, celles-ci étant les premières de l'histoire du Mozambique. Nombreux sont ceux qui se réjouissaient pour ce moment, tel le blogueur José de Debates e Devaneios [en portugais]:

Várias vezes me interroguei se vale a pena participar neste processo e se o meu voto não me torna conivente com uma farsa. Mas, apesar de tudo, acredito que neste caso a abstenção só vai beneficiar o Partido no poder e junto a minha voz aos que apelam ao voto.
Se não houver contrariedade de última hora, amanhã, mesmo não sendo feriado para mim, farei uma longa viagem para depositar o meu voto.

Je me suis demandé maintes fois si cela valait la peine de participer à ce processus et si mon vote me rendrait complice d'une farce. Mais, tout bien pesé, je crois qu'en l'espèce l'abstention ne ferait que profiter au parti au pouvoir et je joins ma voix à ceux qui appellent à voter.
S'il n'y a pas d'obstacles de dernière minute demain, même si ce n'est pas un jour de congé pour moi, je ferai un long trajet pour déposer mon bulletin de vote.

Après une campagne électorale de 45 jours, marquée par des violences, pour la plupart du fait des militants du FRELIMO, et à quelques heures du scrutin, les voix de la société civile se multiplient pour appeler à une élection dans l'ordre, sans violences. Elles en appellent au bon sens des candidats pour qu'ils acceptent les résultats sortant des urnes comme l'affirmation de la volonté populaire. L'appel de la société civile s'étend à la presse, et particulièrement aux médias appartenant à l'Etat, leur demandant d'être impartiaux dans leur couverture de l'événement.

Le directeur du Secrétariat technique de l'administration électorale (TSEA), Felisberto Naife, s'est déclaré publiquement garant des conditions du processus électoral au Mozambique tout comme dans 7 autres pays, 5 en Afrique et 2 en Europe : le Portugal et l'Allemagne. Mais tous les pays n'accorderont pas le droit de vote aux expatriés. Le blog Comunidade Moçambicana souligne le cas du Malawi [en portugais]:

O governo do Malawi não autorizou os moçambicanos a votarem excepto nos consulados e embaixadas, de acordo com Felizberto Naife numa conferência de imprensa do STAE, esta manhã. A CNE pretendia que os moçambicanos no Malawi pudessem votar em cinco diferentes locais, mas o Malawi não o permitiu. É o único país que proibe votação fora de embaixadas e consulados.
Entretanto, Naife disse também que o STAE não conseguiu utilizar um helicóptero na província do Niassa devido a falta de combustível. Isto pode causar alguns problemas para fazer chegar materiais de votação às assembleias de voto mais remotas.

Le gouvernement du Malawi n'a pas autorisé les Mozambicains à voter, sauf dans les consulats et les ambassades, comme l'a indiqué Felizberto Naife dans une conférence de presse du TSEA ce matin. La CNE (Commission électorale nationale) souhaitait que les Mozambicains du Malawi puissent voter à cinq endroits différents, mais le Malawi ne l'a pas permis. C'est le seul pays à interdire de voter en-dehors des ambassades et consulats.
Cependant, Naife a aussi indiqué que le TSEA n'avait pas pu utiliser d'hélicoptère dans la province de Niassa par manque de carburant. Cela pourrait compliquer la livraison du matériel électoral dans les lieux de vote les plus éloignés.

Pourtant, en dépit du discours rassurant du directeur de la TSEA, à l'approche du jour du vote les mass media ont rapporté qu'il y a des régions qui sont dépourvues de carburant pour alimenter les hélicoptères chargés de la distribution du matériel de vote dans les zones dont l'accès part la route est difficile. C'est le cas de la province de Niassa, où un hélicoptère a dù être redirigé vers la province de Nampula, faute de carburant.

Le directeur de la TSEA, sans expliquer la raison de l'absence de carburant à ces endroits, minimise l'impact des opérations aéroportées, affirmant que des hélicoptères étaient affectés à des zones dans lesquelles les opérations électorales avaient déjà été planifiées conformément aux moyens actuellement disponibles. Sans plus de précisions, le directeur a assuré que le matériel arriverait sur tous les lieux de vote.

Image from the blog Debates e Devaneios.

Image du blog Debates e Devaneios.

A Nampula, une province comptant un des plus gros électorats du pays, un journaliste de STV, une chaîne privée d'information au Mozambique, a évoqué ce qu'il a décrit comme un “étrange phénomène”, rapportant que hier après-midi [27 octobre] un millier de personnes ont été accréditées comme observateurs électoraux par une organisation dépourvue de toute compétence pour cela, le Forum Mozambicain d'Observation Electorale, et que la plupart de ces gens étaient des membres du FRELIMO.

 

Selon le journaliste, ces “observateurs” étaient conduits en voiture dans différents coins de la province; lorsqu'il a interrogé les organes électoraux, c'est-à-dire le TSEA et la Commission électorale nationale, ceux-ci ont affirmé tout ignorer de la procédure d'accréditation, dont elles n'ont eu connaissance que par le journaliste, et ont annoncé qu'ils allaient enquêter sur cette affaire.

Celle-ci non seulement soulève des soupçons sur la fraude potentielle, qui “assaisonne” fréquemment les opérations électorales au Mozambique, soupçons rejetés par le parti au pouvoir, mais elle illustre aussi l'utilisation abusive des ressources étatiques par le FRELIMO, d'une façon bien établie et avec grande ampleur, comme le remarque Álvaro Teixeira:

Amanhã, dia 28/10, é um dia muito especial para um belo país chamado Moçambique e para essa terra da boa gente que é o Povo Moçambicano. É dia de Eleições, um dia que deveria ser natural numa democracia consolidada e amadurecida, mas sobre o qual recaem as maiores suspeitas de ilegalidades cometidas pelo partido no poder, a FRELIMO, que controla todos os organismos que deveriam ser independentes, como a CNE e o CC, a seu bel-prazer, conseguindo perverter o conceito de democracia que é a inclusão, transformando-o em exclusão.

Demain 28 octobre est une journée très particulière pour un magnifique pays appelé Mozambique et pour sa terre de braves gens, le peuple mozambicain. C'est le jour des élections, une journée qui devrait aller de soi dans une démocratie consolidée et mature, mais où se dressent les preuves d'illégalités soupçonnées commises par le parti au pouvoir, le FRELIMO, qui contrôle à volonté tous les organismes qui devraient être indépendants, comme la CNE et la CC, dénaturant le concept de démocratie de l'inclusion à l'exclusion.

C'est ainsi que, malgré les discours lénifiants des organismes électoraux et toutes les conditions de déroulement du vote, il y a des aspects importants qui inquiètent de nombreux Mozambicains, comme l'existence de zones où les élections ne se tiendront pas à cause de l'absence de matériel ; ce qui se passe va légitimer les dires de certains partis d'opposition qui accusent le parti au pouvoir de conspiration avec le TSEA pour organiser une fraude. Il y a, à l'heure actuelle, au total 2073 observateurs, dont 1543 Mozambicains et 530 d'autres pays. 922 journalistes ont été enregistrés, dont 42 sont étrangers.

S'ajoutant à la surveillance nationale et internationale et au soutien des médias pour apporter de l'impartialité au processus électoral, les citoyens du Mozambique ont le projet Verdade-Eleições2009 [en portugais], qui utilise la plateforme Ushahidi pour contrôler les compte-rendus, les événements et les débats sur les opérations électorales à travers le pays. Ce site internet, qui fonctionne comme un agrégateur de médias citoyens, a rendu possible l'engagement politique des Mozambicains par l'usage des blogs, de Twitter, des fils d'information, des articles et des titres, tout cela également par l'utilisation des SMS.

NdT : Selon les premiers résultats du dépouillement, vendredi 30 octobre,le FRELIMO et le président sortant sont en tête avec plus de 75 % des voix.

Ont collaboré à cet article : Diego Casaes (traduction en anglais) et Janet Gunter (relecture du texte d'origine).

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