L'année 2009 à Madagascar : 1ère partie

2009 qui s'achève aura été, jusqu'au bout, une année tumultueuse pour Madagascar [en anglais]. L'article qui suit est la première moitié (couvrant janvier à avril) d'une rétrospective des événements qui ont marqué 2009, vus par des Malgaches qui ont traversé la tourmente.

Janvier :

Alors que les gens commençaient à manifester dans les rues d'Antananarivo, de nombreux Malgaches n'ont pas tardé à se rendre compte que la crise politique imminente prenait un tour inédit, avec la multiplication des évasions dans les prisons de tout le pays [en anglais].

Jentilisa s'est interrogé sur la cause d'incidents aussi inhabituels (en malgache) :

Heverina ho misy ny atidoha nikotrika ny raharaha ary olona ivelan'ny voafonja ny atidoha, satria tsy tokony hanana finday na fitaovan-tserasera hafa ireo voafonja ireo handosirana tao
anatin'ny indray alina. Tarataratra ho fitadiavana hanakorontanana ny firenena amin'ny alalan'ny tsy filaminana no tanjona na fanindriana ankolaka ny olona tsy hihetsika satria hanampy isa ireo olona natao hanakorontana fotsiny (A qui profite le crime?). Hisy raharaha ity volana Janoary sy ny tohiny ity izany koa!

On ne peut que soupçonner l'existence d'un cerveau derrière cette affaire, un cerveau extérieur, car les détenus n'avaient aucune possibilité d'obtenir tous ces “outils” en une nuit. Est-ce que tout ça, c'est pour tenter de perturber l'ordre public, ou bien pour empêcher les gens de bouger de peur d'être accusés de perturber l'ordre public (à qui profite le plus le crime ?). Il ne fait pas de doute que janvier sera un mois très intéressant !

Hélas, janvier s'est révélé un mois meurtrier alors que les twitteurs de Madagascar se souvenaient du Lundi Noir, le jour où les forces de l'ordre se sont évanouies et que diverses scènes d'incendies volontaires et de pillages se sont déroulées dans la capitale, faisant des dizaines de victimes. Sur un forum, un usager demande (en malgache) :

“Ny fanontaniana mipetraka sy tonga ho azy dia ny hoe inona moa no mahasamihafa ny zavatra potika amin'izao taona 2008 izao amin'izay zavatra potika tamin'ny taona 2002? … Ka inona ary no vaha-olana tsy hiverenan'ny fanapotehana intsony?”

La question que nous posons naturellement aujourd'hui, c'est celle de la différence entre les destructions présentes et celles de 2002 ?… Quelle est la solution pour que de tels pillages et destructions ne se reproduisent plus jamais ?

Un mercenaire charge son fusil à Antananarivo, la capitale de Madagascar

Un mercenaire charge son fusil à Antananarivo, la capitale de Madagascar

Février :

Le 7 février, rebaptisé “Samedi Rouge”, a coûté la vie à au moins 80 manifestants, parmi lesquels Ando Ratovonirina, un cameraman de 26 ans travaillant pour la chaîne de télévision RTA.

Ando Ratovonirina, reporter de RTA tué le 7 février (photo Foko-Madagascar)

Ando Ratovonirina, reporter de RTA tué le 7 février (photo Foko-Madagascar)

Barijoana, un des tout premiers blogueurs malgache, a été témoin de la scène et a écrit (en français) :

“J'étais persuadé que tout avait été négocié à l'avance, que la foule resterait gentiment à distance, que seule une petite délégation entrerait à l'intérieur des grilles du palais et que c'est cette délégation qui demanderait ensuite à la foule de se disperser.
J'étais trop loin pour savoir ce qui s'est passé dans la foule peu avant que le cordon de sécurité ne lâche. Si un responsable du mouvement a laissé entendre qu'on pouvait “y aller”, sa responsabilité est énorme.
Je ne peux parler que de ce que j'ai vu et entendu de mes propres yeux, mais ai trouvé étonnant que Andry Rajoelina et Monja Roindefo soient restés à l'écart des délégations négociant l'entrée dans les grilles du palais.”

Il est à noter que la HAT (le gouvernement de transition) a promis une enquête exhaustive sur les incidents qui ont eu pour conséquence de nombreuses morts les 26 janvier et 7 février. Pourtant, à ce jour, aucun rapport officiel ni conclusions n'ont été rendus publics, ce qui ajoute la confusion aux témoignages contradictoires des différents côtés.

Mars :

La crise s'est approfondie avec la décrue des manifestations publiques, auxquelles s'est substituée la division dans l'armée. Ariniana a publié sur son fil twitter :

“J'ai l'impression d'être dans un film de guerre. Je ne peux pas croire que c'est la réalité. Je suis terrifiée.”

Tahina a illustré de manière saisissante le climat de peur et de méfiance qui envahissait chacun :

C'est devenu dangereux de parler politique dans les endroits publics (y compris les bus) parce qu'on ne sait pas qui vous écoute et de quel côté ils sont. Une simple rumeur sur vous peut vous nuire, vous ou votre famille.

Le 17 mars, Andry Rajoelina, ancien maire d'Antananarivo et actuel président de la transition, s'est emparé du pouvoir qui lui a été transféré par l'armée. Sans surprise, les avis divergeaient sur le coup d’Etat et ses conséquences. Madagate s'est félicité de l'issue qui a exclu Ravaloamana du pouvoir (en français) :

Marc Ravalomanana, le petit laitier d’Imerikasinina, a été renié par ceux à qui il venait de remettre les pleins pouvoirs. Ils n’ont pas voulu vendre leur âme au diable. Les carottes sont cuites pour ce président qui a montré son véritable visage. A force de jouer avec le feu et les idoles, on se brûle. Ce fut vraiment le combat de la lumière et des ténèbres.

Hery a cru savoir–et ne s'est pas trompé–que la paix n'était pas près de régner à Madagascar, en dépit du changement (en malgache) :

Tsy resy lahatra aho amin'ny hilaminan'ny politika ao Madagasikara ao anatin'ny 2 taona farafahakeliny raha mandray fitondrana ny TGV [..] Hafa ny mitolona, ary hafa ny mitondra firenena.

La politique ne cessera pas d'être en ébullition dans les deux prochaines années à Madagascar si Rajoelina prend le pouvoir [..] Combattre [ceux qui sont au] pouvoir n'est pas la même chose que gouverner le pays.

Avril :

Une vidéo d'un manifestant isolé du nom de Razily avançant vers les militaires qui lancent des grenades lacrymogènes a été une sensation de l'Internet malgache et a fait figure pour beaucoup de symbole de la lutte contre la répression militaire :

La deuxième partie de ce panorama mettra en valeur les billets des blogueurs publiés de mai à décembre 2009. En attendant, ne manquez pas de lire le témoignage poignant de Tahina, à qui la crise a coûté la vie d'un de ses parents. Extrait :

Pendant deux ou trois mois, il m'a fallu trouver l'argent pour joindre les deux bouts. C'était l'enfer. Le dicton “Tu dois chercher chaque jour ta nourriture” a commencé à prendre tout son sens pour moi. C'était devenu ma vie. Je suis allé voir un de mes oncles pour lui emprunter un peu d'argent et je lui ai promis de le lui rendre dès que possible. Et je voulais vraiment tenir parole mais deux mois plus tard, ma femme s'est fait voler dans un bus avec l'équivalent d'un mois de salaire dans son sac. J'étais désespéré, le peu que je croyais pouvoir nous aider nous avait été enlevé.

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