Le Timor oriental [en français] ne possède que 0,04 pour cent des réserves mondiales connues de pétrole, la moitié de celles du Brunei, selon une estimation [en anglais]. Mais pour un petit pays pauvre d'environ un million d'habitants, il a une grande importance.
Lorsque le pays a accédé à l'indépendance en 2002, les revenus affluaient déjà dans les caisses de la partie méridionale de l'ile, appelée Timor Gap (en français). Même si l'Australie et le Timor oriental doivent encore définir leurs frontières maritimes définitives [en anglais] le pétrole provenant des champs pétroliers constitue déjà la source principale de revenus du pays (et il y a aussi des gisements de gaz naturel à exploiter à Timor Gap.)
Les donateurs internationaux et les dirigeants du Timor souhaitaient prouver que les ressources pétrolières pouvaient être une bénédiction au lieu d'une malédiction, en faisant appel à des experts de Norvège pour s'inspirer de leur expérience du fameux Fonds souverain du pétrole norvégien.
L'idée de base est de mettre de côté une grande partie des revenus et de n'utiliser que ce qui est nécessaire pour des investissements publics biens ciblés. On trouve même une allusion à la création d'un fonds souverain dans la Constitution du Timor. La Loi sur le fonds pétrolier élaborée ensuite contient des dispositions très strictes et spécifiques sur ce qui pouvait être retiré de ce fond.
Lu Olo, un ancien dirigeant de la résistance, affirmait lors de sa campagne présidentielle en 2007 [en tetum] (note : il n'a pas été élu) :
Osan ne‘e foin maka iha tinan ida ne‘e, liu husi Orsamentu Jeral do Estado, nebé hasai husi Fundo Mina Rai. Osan mira rai nian, fahe tuir kanal estadu nian, la‘os fahe arbiru deit, hanesan esmola ne’eb’e ema riku fó ba ema kiak. Osan Mina Rai nian pertense ba povu.. Povu iha direito ba hetan benefísius dezenvolvimentu nian. Timor-Leste nia. ósan, fo tuir Fundu Komunitáriu nian, la‘os halo karidade. La halo hanesan, foin dadaun ema balu fahe mantas nebé mai husi rai seluk. Fundu Komunitáriu simu osan nebé transfere tuir leis, tuir direitos povu nian, hahú kedas hó Asembleia Konstituinte. Ne‘e osan povo nian ba ajuda povu. Ne maka independénsia. Hamrik no tani nafatin prinsipius nebé hamanas ita nia laran no halu ita luta ho brani iha Frente Armada, iha Frente Klandestina nor Frente Diplomatika Ne‘‘e maka nasionalismu lolós, ne maka independensia lolós.
La Loi sur le pétrole établit que seul le revenu estimé nécessaire (ESI) sera prélevé chaque année du Fonds pétrolier. Elle n'autorise un prélèvement supplémentaire qu'avec l'autorisation du Parlement. L'ESI est le mécanisme clé pour garantir aux générations futures les revenus des ressources naturelles longtemps après leur épuisement. Chaque année, la valeur de l'ESI est indexée sur le prix du pétrole, entre autres facteurs.
La coalition gouvernementale actuelle au Timor, qui a pris le pouvoir en 2007, a prélevé de manière douteuse plus que ce “revenu nécessaire” en 2008 et en 2009, en invoquant une clause de la Loi sur le Fonds pétrolier prévue pour des transferts exceptionnels. Les plus hautes instances juridiques du Timor ont été saisies de l'affaire vers la fin de l'année 2008.
L'alourdissement des dépenses récurrentes de l'état, comme les subventions pour la nourriture ou les salaires des fonctionnaires et des parlementaires ainsi que les grands projets d'infrastructures, ont provoqué l'augmentation du budget.
Dans son rapport annuel pour 2009, l'ONG locale Luta Hamutuk mentionne que des habitants du district d'Ermera ont posé des questions sur l'argent du pétrole lors d'une réunion communautaire :
Les participants ont demandé des éclaircissements sur la loi du Fonds du pétrole […] puisque les faits ont montré que le gouvernement avait prélevé plus que 3% [l'ESI] à réinjecter dans le budget général du pays. Pourquoi, alors que tant d'argent a été pris, des projets d'infrastructures tels que routes, écoles, et hopitaux, n'ont pas été bien mis en place ? Où va l'argent ? Existe-t-il des indices de corruption ?
Même d'importantes institutions internationales ont sonné l'alarme à leur manière. La'o Hamutuk, une ONG créée pour suivre le développement du Timor après l'indépendance, cite le Représentant de la Banque mondiale pour le Timor en avril 2009 :
Si les dépenses continuent à augmenter au rythme de 25 pour cent par an, et si les prix du pétrole devaient se stabiliser à moyen terme aux alentours de 60 dollars US le baril, ce qui n'est pas impossible, le Fonds pétrolier sera complètement épuisé dans 8-10 ans.
Le blog Loron Ecónomico remarque [en portugais] affirme que la valeur du Fonds pétrolier a, en réalité, diminué pour la première fois entre novembre et décembre 2009 :
Por ele se pode verificar que entre o fim de Novembro e o fim de Dezembro passados o Fundo viu o seu capital baixar de 5.464,4 milhões de dólares para 5.376,6 milhões. Isto ficou a dever-se principalmente à combinação de dois factores: uma perda de valor dos títulos que constituem o Fundo Petrolífero devido à queda das bolsas internacionais, por um lado, e e à transferência para o Orçamento Geral do Estado de um pouco mais de 150 mil dólares.
Verificou-se, pois, uma queda do valor do Fundo durante o mês de Dezembro de 2009.
80% des revenus proviennent du pétrole mais nous ne les créons pas. Nous regardons seulement d'autres entreprises mettre en valeur nos ressources. C'est comme avant, sous l'occupation portugaise. C'était la même chose; nous regardions simplement. C'était aussi la même chose sous l'occupation indonésienne, nous regardions seulement. Maintenant il n'y a pas d'occupation. Mais nous sommes récompensés par le travail d'autrui.
C'est sûr que nous manquons d'expérience. Mais le moment est venu, maintenant.
L'une des inquiétudes est que la Compagnie nationale du pétrole, qui serait en mesure d'offrir de meilleurs salaires que les organismes régulateurs d'état, draine toutes les compétences du secteur de l'exploitation du pétrole et du gaz. Outre le problème du manque de personnel qualifié existe aussi la question d'où cette entité trouvera l'argent pour les investissements fixes nécessaires à sa croissance. L'idée que ce capital puisse provenir directement du Fonds pétrolier pose quelques problèmes.
Comme le débat sur le problème de la répartition des terres [en français ], celui sur la Loi sur le pétrole et sur la Compagnie nationale du pétrole sera probablement très passionné et deviendra de plus en plus important au cours des prochaines années.
Le poète “Minarai” (qui signifie “pétrole”en langue tétum) exprime un certain désenchantement envers ce pétrole, sur le blog de poésie en portugais du groupe Timor Do Norte ao Sul (Timor du Nord au Sud)
QUANDO O PETROLEO DORMIA
NO NOSSO TEMPO DE INFANCIA
PAZ E AMOR SEMPRE EXISTIA
POBREZA NAO TINHA IMPORTANCIAAGORA LIQUIDO INFERNAL
QUE ACORDASTE EM TERRA MINHA
TROUXESTE GRANDE VENDAVAL
MATANDO O AMOR QUE A GENTE TINHA
Ce billet est le premier d'une série de deux sur les ressources naturelles de Timor. Le deuxième analysera les négociations en cours pour la délimitation des frontières maritimes, l'exploitation future du gaz naturel dans la mer de Timor et les problèmes d'un gazoduc.