Thaïlande : procès de la liberté d'expression (2e jour)

2e jour: le censeur en chef de la Thaïlande continue le procès Prachatai (pour le premier jour du procès voir ici)

Le second jour du procès pour lèse-majesté contre Chiranuch Premchaiporn, webmaster du portail d'actualités indépendant Prachatai, sous la Loi contre les Crimes Informatiques a débuté le mardi 8 février.

Chiranuch, surnommée Jiew, a été inculpée pour dix commentaires [publiés] sur la discussion en ligne publique de Prachatai que le gouvernement thaïlandais dit qu'elle n'a pas été assez rapide à effacer. Chaque charge d'accusation prévoit une peine potentielle de cinq ans. Chiranuch risque 50 ans de prison parce qu'elle est journaliste. Le tribunal pénal de Bangkok a été une fois encore rempli par ses soutiens locaux et internationaux, les médias et les diplomates étrangers.

Le contre-interrogatoire par la défense de Aree Jivorarak, chef du MTIC thaïlandais (Ministère des Technologies de l'Information et de la Communication) et censeur en chef du gouvernement thaïlandais, s'est poursuivi depuis vendredi 4 février.

A l'audience du mercredi 9 février, la défense de Chiranuch a cherché à examiner chacun des commentaires cités insultant la monarchie thaïlandaise. La défense a interrogé la phraséologie indirecte utilisée par les auteurs de ces commentaires.

Certains exemples étaient : Cela insulte-t-il Sa Majesté le Roi ou Sa Majesté la Reine de suggérer qu'ils ont soutenu le coup d'état militaire en Thaïlande en 2006 ? L'utilisation des pronoms ‘il’ et ‘elle’ peut-elle sans aucun doute être considérée comme se référant au Roi, à la Reine ou à leur Héritier Présumé ? Toute discussion sur la monarchie thaïlandaise, sa signification et ses devoirs, rabaisse-t-elle l'institution [monarchique]?

Un auteur de Prachatai demandait aux lecteurs de “comprendre” les propres mots du Roi. Aree appliquait sans arrêt le mot “inapproprié”. Bien sûr, inapproprié ne signifie pas illégal !

Un billet sur le forum de Prachatai incluait un lien vers un fichier audio Mediafile.com d'un discours tiré d'une réunion des chemises rouges par Darunee Charnchoensilpakul, surnommée Da Torpedo. Darunee a été torpillée avec une peine de 18 ans pour cet exemple de lèse-majesté dans lequel elle appelait à l'abolition de la royauté.

Le fichier audio n'était pas assez pour notre MTIC. Le fichier a été retranscrit et ajouté par la police aux charges retenues contre Chiranuch. Cependant, Mediafile n'a pas été bloqué et aucune poursuite n'a été lancée contre l'auteur du fichier.

Cela soulève une question légale cruciale mais pas encore résolue. La Loi contre les Crimes Informatiques considère-t-elle les liens comme criminels?

Le censeur en chef du MTIC a déclaré que le ministère ne pouvait pas engager de poursuites mais uniquement recommander à la Police Royale Thaïlandaise de les soumettre [les liens] à une enquête. La police a aussi la charge de suivre les adresses IP suspectées d'illégalité. En Thaïlande, les FAI [fournisseurs d'accès] se connectent toujours aux utilisateurs d'Internet via une ligne téléphonique qui, bien sûr, a un propriétaire et une adresse fixe.

Lorsqu'il a été demandé si le MTIC poursuivait une vendetta contre Prachatai, le témoin a déclaré qu'il ne voulait pas répondre, même quand la question a émané du juge. A vrai dire, Aree a continué à être évasif dans l'interrogatoire de la défense. L'auteur de cet article a compté qu'il avait répondu au moins 34 fois “Je ne suis pas sûr”, “Je ne me souviens pas” et “Il faudrait que je vérifie”.

Il  a aussi déclaré que la loi n'a aucune clause de ‘notification et retrait’. Cependant, Aree a dit que Chiranuch a complètement coopéré dans chaque cas avec le MTIC lorsqu'ils lui ont demandé la suppression [du commentaire].

Le censeur en chef de la Thaïlande a aussi expliqué que son ministère censure en utilisant seulement la Recherche Google et ne filtre pas les forums. Lorsqu'on lui a demandé si un tel filtrage se faisait dans d'autres ministères, Aree a déclaré “Seulement en Chine!”

Dans le second interrogatoire du procureur, le censeur du MTIC a admis sa participation à l'ébauche de la loi informatique draconienne promulguée par la législature du coup d'état militaire. Le lendemain, le procureur a posé des questions au témoin à charge qui ont obtenu les bonnes réponses.

Lors du second interrogatoire de la défense, le censeur en chef de la Thaïlande a aussi déclaré qu'il avait vu des livres interdits en vente sur Prachatai. Cependant, il ne pouvait se rappeler d'aucun titre spécifique et n'était pas sûr si il y avait eu ou non interdiction. Non seulement il n'avait pas tenté d'acheter un de ces soi-disants livres interdits [pour voir ce qu'il en était] mais il n'a écrit aucun rapport concernant leur vente sur le site.

Bien que la Loi contre les Crimes Informatiques requière l'application d'une ordonnance du tribunal pour bloquer les pages web, elles étaient souvent bloquées des mois avant. Au moins 425 296 pages web sont bloquées en Thaïlande sous la loi martiale depuis le 22 décembre, augmentant à un taux d'environ 690 pages par jour.

Les principes de la liberté d'expression comme un droit humain de base protègent aussi par la Constitution ce que le gouvernement appelle ‘lèse-majesté’. Ce qui est en jeu est l'intention de diffamer. Une autre considération cruciale dans la diffamation est si les déclarations écrites sont vraies ou non.

Il est clairement impossible pour quelqu'un qui n'a pas écrit le billet d'être coupable d'une quelconque illégalité. Si le gouvernement veut censurer notre Internet, alors il doit aussi le surveiller. Ce n'est pas la responsabilité des webmasters de faire le sale travail de censure du gouvernement pour lui.

Le procès de Chiranuch s'est poursuivi le mercredi 9 février, à la Cour Pénale de Bangkok (San Aya), sur la route Ratchadapisek face à Soi 38 [38e rue], à la station de métro Lat Phrao. Le procès de Chiranuch a lieu dans la salle d'audience 701 du 9 au 11 février, ainsi que du 14 au 17 et durera probablement plus longtemps.

Le webmaster attesté de NorPhorChorUSA Tantawut Taweewarodomkul, surnommé Kenny, fait aussi face à des charges d'accusation de lèse-majesté sous la Loi contre les Crimes Informatiques ainsi que des charges du Code Criminel.

Kenny est retenu sous caution depuis avril 2010. NorPhorChor est un acronyme pour le Front Uni pour la Démocratie et Contre la Dictature, communément appelé les chemises rouges. Le procès de Tantawut s'est ouvert pour son second jour le mercredi 9 février en salle 906.

NOUS INCITONS TOUS LES LECTEURS A PASSER AU MOINS UNE SESSION DE LA MATINÉE OU DE L'APRES-MIDI A SOUTENIR JIEW ET KENNY ET A DÉFENDRE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION.

NOUS AIMONS JIEW! NOUS AIMONS PRACHATAI!

LIBÉREZ KENNY!

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