Sénégal : Forum Social Mondial 2011 : une semaine de militantisme à Dakar

Dakar, la capitale du Sénégal, était bondé d’activistes et de militants venant des quatre coins du globe, réunis sous la bannière du Forum Social Mondial pour affirmer qu’un autre monde est possible. Le ton pour ce rassemblement de groupes anti-mondialisation et anti-capitalistes a été donné par Evo Morales, Président de la Bolivie, qui a déclaré devant une foule chaleureuse lors de l’ouverture du Forum que le capitalisme était à l’agonie ; cette déclaration a été soutenue par son compagnon de gauche Ignacio Lula Da Silva, qui, lundi 7 février, a déclaré à son tour aux participants que la crise financière international prouve que le capitalisme est fini.

Des militantes féministes lors de la marche d'ouverture du FSM 2011

PoliticalLeft a publié [en anglais] quelques-unes des déclarations les plus marquantes des deux chefs de file latino-américains, qui viennent du syndicalisme, et explique clairement les différences entre le Forum Social et le Forum Economique de Davos :

Tandis que ce dernier attire des PDG qui dorment dans des hôtels quatre étoiles et se succèdent sur les pistes de ski suisses, les participants du Forum Social Mondial sont heureux de camper au bord des routes ou de dormir avec les habitants locaux pour participer au rassemblement annuel anti-capitaliste. Plutôt que de porter des costumes, ils viennent habillés de T-shirt tie-dye (teints façon hippie) et des pantalons en coton bio, comme Lula qui s’est adressé à la foule en délire en chemisette blanche. Les discours durent fréquemment à volonté, comme ce discours passionné et impromptu du Président bolivien Evo Morales dimanche [6 février] où il déclare à la foule que le capitalisme était à l’agonie. Il a affirmé que « nous pouvons le constater avec la crise financière internationale. Nous pouvons le sentir avec les variations du climat et le réchauffement climatique » alors qu’en 2005, il devenait le premier Président issu de la majorité indigène bolivienne à être élu.

A un moment où de nombreux pays de l’hémisphère nord durcissent les règles en cadenassant leurs portes aux flux migratoires toujours plus importants provenant de l’hémisphère sud, la migration a été l’une des thématiques les plus abordées du Forum. Selon le Baji blog [en anglais], des groupes de travail sur la migration interafricaine se sont également tenus et ont dénoncé la complicité des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Nord sur les violations des droits des migrants :

« Les pays d’Afrique du Nord – la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie et la Libye – ont signé des accords bilatéraux non divulgués avec des pays européens – l’Italie, l’Espagne, Malte, le Portugal et la France – pour qu’ils agissent en tant que contrôleurs de leurs frontières. Les pays nord-africains expulsent régulièrement les migrants sénégalais vers leur pays d’origine, au mépris de leurs droits humains. Les migrants venant de toute l’Afrique de l’Ouest sont reconduits au Mali quelque soit leur nationalité. Les migrants sont souvent brutalisés, détroussés et abandonnés aux frontières. En retour, les pays nord-africains reçoivent des aides au développement et des aides militaires des pays européens. Le Sénégal a aussi signé des accords avec des pays européens afin de prendre en charge les migrants sénégalais expulsés et permet à Frontex, l’agence de contrôle des frontières des pays européens, un accès complet et libre sur son territoire ».

Jeudi, le blog Poverty Matters accessible sur le site du journal britannique The Guardian [en anglais] signale que des migrants, des petits pêcheurs et des participants du Forum Social Mondial convergeaient dans les rues et sur la côte devant les bureaux de Frontex à Dakar pour manifester contre l’agence de contrôle des frontières de l’UE :

« Les organisateurs de la protestation affirment que les patrouilles de contrôle au large de la côte sénégalaise et mauritanienne forcent les pirogues à naviguer en pleine mer, ce qui représente un risque aux migrants cherchant à atteindre l’Europe et aux pêcheurs locaux qui longent la côte pour gagner leur vie ».

Un autre monde est possible. Photo Priority Africa Network.

L’accaparement des terres a été une autre thématique qui a attisé l’intérêt des prêtres de CARITAS et d’autres organisations non-gouvernementales (ONG) reconnues telles que Oxfam, ActionAid et La Via Campesina dont les militants ont expliqué sur leur blog le but de leur présence [en anglais] à Dakar :

Comme l’exprime une de leurs bannières, « les paysans du monde entier sont contre l’accaparement des terres : de ceux qui ont travaillé la terre et qui nourrissent le monde ». Ce thème sera traité au cours de divers groupes de discussions que La Via Campesina va accueillir lors du Forum. De plus, La Via Campesina se focalisera sur le changement climatique, la violence contre les femmes, et la nécessité de préserver les semences des agriculteurs locaux ».

En marge des débats et des manifestations, il subsiste cependant parmi de nombreux participants le sentiment que le niveau d’organisation du Forum n’a pas été des meilleurs. L’événement a été organisé à l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar, dont les salles de conférences étaient supposées accueillir les milliers de groupes de discussions mais cela n’a pas été vraiment le cas. Les cours ont continué et de nombreux débats ont dû être annulés ou reprogrammés.

Mbong Akiy, sur le blog de Greenpeace [en anglais], l'avait remarqué dès le premier jour :

« La logistique au premier jour du Forum m’a laissé un peu inquiet. Des tas de déchets étaient visibles sur différents sites du Forum tandis que des stands étaient montés sur des sols poussiéreux, les tables et les chaises nécessaires aux ONG pour agrémenter leurs stands étaient insuffisantes ou simplement indisponibles ».

Le manque d’organisation n’a pas empêché les acteurs de la société civile d’agir. Ryan Schlief et Priscila Neri ont parcouru Dakar pour rencontrer des acteurs clés dans leur campagne contre les expulsions forcées et ont appris plus précisément comment des activistes du monde entier utilisent la vidéo dans leur plaidoyer contre les expulsions forcées ; ils sont parvenus à débattre du problème et ont produit une vidéo avec des militants zimbabwéens accessible ici [en anglais].

WITNESS [en anglais] et d’autres organisations oeuvrant pour les droits à la terre et au logement ont signé une déclaration publique [en anglais] exigeant l’arrêt des expulsions forcées planifiées au détriment de milliers d’habitants vivant dans la capitale du Ghana, Accra. La campagne de collecte des signatures a été organisée au Forum Social Mondial de Dakar :

Les communautés vivant le long de la voie ferrée ont été sommées le 21 janvier de quitter leurs maisons afin d’entamer le redéveloppement du système ferroviaire national prévu en février. Il a été signalé que les expulsions forcées qui pourraient avoir lieu cette semaine toucheraient pas moins de 25000 personnes.

Le Forum Social Mondial attire habituellement l’attention des médias dominants au début et à la fin de l’événement, mais plusieurs participants ont raconté leurs expériences à Dakar via Twitter et Facebook, tandis que l’Institut Panos Afrique de l’Ouest a couvert l’événement, avec des journalistes africains, en version papier, à la radio et sur la toile notamment en créant un blog.

D’autres blogueurs dont Nikke Alex ont publié des articles sur des blogs comme Thoughts of a Diné Woman [en anglais] et D2D – World Social Forum Dakar 2011 [en anglais]. Black Alliance montre de belles photos de l’événement sur sa page Flickr.

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