Israël : Tribune du juge Goldstone, déformation médiatique ?

Le Washington Post a publié une tribune hautement polémique [en anglais] de Richard Goldstone, qui avait été à la tête de la mission d'enquête du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (UNHRC) sur les violations des droits humains et du droit humanitaire internationaux lors de la guerre de Gaza (déc. 2008 – janvier 2009). Dans son article, le juge Goldstone rétracte certaines des conclusions du rapport, écrivant qu'Israël n'avait pas de politique ciblant intentionnellement les civils. Il accuse en outre l'UNHRC de parti pris contre Israël et souligne qu'Israël a “mis en place des procédures internes fiables pour contrôler sa propre conduite des hostilités” alors que le Hamas n'a “mené aucune enquête sur le lancement d'attaques de mortier et de fusées sur Israël. Il va sans dire que les crimes dont étaient accusé le Hamas étaient intentionnels — ses fusées visaient délibérément et sans discrimination des cibles civiles.”

Tandis que les médias et le personnel politique israéliens ont sauté dans le train en marche, invitant M. Goldstone en Israël [en hébreu, comme les liens suivants sauf mention contraire] et renchérissant sur certains éléments de cette tribune, il y a eu pléthore d'interprétations divergentes sur les intentions du juge Goldstone, et, surtout, sur les conséquences de ce texte pour la validité du rapport de l'UNHRC.

Idan Landau s'en prend à l'hypocrisie de la société israélienne, et à la “déformation” médiatique qui a accueilli l'affaire à travers les médias traditionnels israéliens :

Goldstone peut écrire ce qu'il veut, les Israéliens ne le comprennent pas. Quand il a examiné dans son rapport des témoignages de crimes de guerre israéliens, on l'a traité d'antisémite. A présent, quand il revient sur des affirmations particulières, on le fête comme le fils prodigue de retour dans la patrie.

Idan incite à lire la véritable tribune et non pas des “déformations” médiatiques de seconde main. Il poursuit :

Goldstone regrette une chose et en favorise une autre. Il regrette d'avoir accusé Israël d'avoir intentionnellement attaqué des civils à Gaza, et se prononce en faveur des enquêtes internes menées par l'armée israélienne…
Les cris de joie que ce rapport a soulevés parmi les critiques d'Israël vont faire place aux cris de victoire de ses défenseurs. Tout ce raffut médiatique passe à côté de l'essentiel : les crimes eux-mêmes. Les studios de télévision vont continuer à discuter s'il y a eu intention de nuire aux simples citoyens, ou non. Pendant ce temps, Israël continuera à tuer des civils à Gaza, sans en avoir l'intention bien sûr, tuer des pêcheurs devant la côte de Gaza, sans en avoir l'intention bien sûr, tuer les paysans dans leurs champs, sans en avoir l'intention bien sûr, tuer les malades en les retardant, sans en avoir l'intention bien sûr, tuer les vieillards dans leur lit aux arrêts à domicile, sans en avoir l'intention bien sûr, et poursuivre le nettoyage ethnique en Cisjordanie, sans que personne ne tente de s'y opposer.

La réaction courante des Israéliens et des Juifs américains a été d'accueillir avec une extrême satisfaction la rétractation du juge Goldstone, mais beaucoup tempèrent que le “mal est fait”. Rick Moran écrit [en anglais] :

Si le juge veut bien faire, il peut commencer une tournée internationale pour développer les points de son récent article dans des lieux à travers le monde où la haine d'Israël n'a fait que s'intensifier à la suite de son rapport initial partial. Ce rapport a établi une équivalence morale entre un Etat-nation civilisé défendant sa population civile, et un culte de mort meurtrier alimenté par l'extrémisme islamique et l'anti-sémitisme, dont les tirs de fusées étaient au service d'un but ancien de tuer aveuglément des Juifs.

Sur un ton similaire, David Merhave écrit :

Goldstone a franchi la ligne. Il a donné une légitimité internationale au régime fasciste de Gaza. Mais dans l'esprit du judaïsme, avoir du respect pour ceux qui ont une réponse pas nécessairement ceux qui sont justes, nous pouvons lui pardonner. La question est de savoir s'il fait un pas de plus et annonce son regret d'avoir “brouté dans les champs de l'ennemi”. Ce qui est clair, c'est que cette mauvaise action – le Rapport Goldstone – s'est écroulé et évanoui.

Le billet de David a suscité de nombreuses réactions.
Dan rétorque :

Il faudrait peut-être commencer par la bêtise sans fin et répétitive du gouvernement israélien. Absence de réflexion stratégique ; réagir au lieu de prendre l'initiative. L'absence de coopération a un coût élevé dans les relations internationales. Et puis la bonne conscience. On ne peut pas diriger un pays ainsi !

Meriap ajoute :

Goldstone n'est que l'un des membres du comité. Après sa publication, l'opinion de Goldstone est personnelle. Après avoir entendu les témoins de Shovrim Shtika [en anglais], nul besoin de rapport international. La politique de l'opération était de tuer beaucoup de Palestiniens pour que le reste soit dissuadé de tirer des missiles… C'est assez qu'un soldat pense qu'un enfant en face de lui peut le tuer, qu'il puisse faire feu, et se justifier par sa peur lors d'une enquête ultérieure. Au début de l'opération, les forces israéliennes attendirent que les policiers palestiniens soient rassemblés pour en tuer le plus possible avec une seule explosion.

Jerry Haber rédige un billet fouillé [en anglais] sur le blog +972, où il décrit la tribune de M. Goldstone comme mal comprise et trompeuse :

C'est le destin malheureux du juge Richard Goldstone d'être condamné et loué pour ce qu'il n'écrit pas. Les réactions des défenseurs d'Israël à sa tribune du Washington Post sont risibles. Même une lecture superficielle de la tribune montre qu'il n'a pas abjuré une seule virgule du Rapport Goldstone, et il n'exprime aucun regret d'avoir écrit le rapport comme il l'a été. Il dit simplement que s'il avait su alors ce qu'il sait maintenant, le rapport aurait été différent.

Un message retweeté de multiples fois de @NaomiAKlein a incité plus de 100 utilisateurs de Twitter à reprendre le même texte :

Sur la marche arrière de #Goldstone : si les brutes brutalisent, c'est que souvent ça marche. L'opération entière a été une punition collective. #Gaza

L'organisation Im Tirtzu [en anglais, comme les liens suivants] a publié un billet intitulé “jeter le Rapport Goldstone dans les poubelles de l'Histoire” – un appel à agir, à se rassembler devant le domicile de Naomi Chazan (présidente du New Israel Fund) à Jérusalem et demander à celle-ci et au Keren de présenter des excuses publiques pour leur participation aux mensonges de Goldstone.

Dahlia Scheindlin demande si les Israéliens sont à côté de la plaque, si même la meilleure des “hasbara” (communication) ne pourra mettre fin à leurs maux internationaux. C'est de politique qu'il s'agit :

Monter en épingle l'épisode Goldstone ne permettra pas à un seul soldat ayant vu le combat à Gaza d'effacer ce qu'il a fait ou vu.
L'obsession d'Israël pour Goldstone ne lui attirera pas davantage une plus grande sympathie du monde pour ses politiques ratées. De même que le rapport n'a pas amené le Hamas à devenir soudain circonspect dans ses affreuses attaques de civils, les réserves sur le rapport ne blanchiront pas tout d'un coup le comportement d'Israël.
Mais peut-être cette dernière évolution prouvera-t-elle finalement quelque chose qui échappe toujours aux Israéliens : même la “hasbara” la plus justificatrice du monde ne mettra pas fin aux ennuis internationaux d'Israël. C'est la politique, espèces de nuls.

En attendant que M. Goldstone propose peut-être son explication, et aide à comprendre ses intentions pour la publication de sa tribune, reste l'interprétation par les blogs et les médias sociaux.

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