Mali : Partition et crise alimentaire menacent à l'approche de l'élection présidentielle

[Voir notre mise à jour sur le coup d'état de militaires mutins, le 22 mars 2012]

Le Mali est peu présent dans les grands médias, mais n'en est pas moins confronté à une situation critique tandis qu'il se prépare à l’élection présidentielle du 29 avril 2012 [en anglais]. Depuis la chute de Kadhafi, le Mali subit le retour des groupes armés touaregs précédemment installés en Libye, qui menacent de détacher du Mali le territoire de l'Azawad [en anglais], ou Mali du Nord. Les combats ont déjà chassé de chez elles 195.000 personnes depuis la mi-janvier, selon l'OCHA, le Bureau de coordination des Nations Unies pour les affaires humanitaires. S'ajoute à cela la menace d'une crise alimentaire pour 3 millions de Maliens du fait de la sécheresse prolongée dans le nord du pays.

Le Mali a déjà fort à faire avec ses problèmes internes mais comprend qu'il doit aussi prendre en compte la stabilité régionale et les desiderata de ses voisins, l'Algérie, le Niger et la Mauritanie en traitant la crise des réfugiés.

Un rebelle touareg, capture d'écran de Azawad17Janv2012

L'élection présidentielle en danger

Une des conséquences de la crise des réfugiés a été une mutinerie militaire dans le Nord le 20 mars, dont les participants ont menacé de rejoindre les rebelles Touaregs.

Sandrine Sawadogo explique :

Alors que le gouvernement malien et les combattants du MNLA se renvoient la balle en s'accusant mutuellement d'être responsables de l'exode de plus de 100 000 personnes, les combats font rage autour des derniers campements militaires encore entre les mains de l'armée officielle.

Dans la vidéo ci-dessous, des rebelles expliquent pourquoi ils ont déserté l'armée malienne pour combattre aux côtés des rebelles Touaregs :

Jeremy Keenan met la rébellion touarègue dans son contexte [en anglais]:

En deux mois de combats, l'armée malienne a perdu le contrôle de la plus grande partie de l'Azawad, avec des pertes de militaires tués, capturés ou déserteurs estimées à au moins un millier d'hommes. Incident humiliant, la base de l'armée à Aguelhok est tombée le 24 janvier lorsque la garnison qui la défendait s'est trouvée à court de munitions.
Mais, du point de vue stratégique, c'est à Tessalit qu'a eu lieu la bataille décisive. Proche de la frontière algérienne et dotée d'une base et d'un aérodrome militaires, Tessalit est une ville stratégique. Le 4 mars, trois unités de l'armée malienne avaient abandonné leurs tentatives de desserrer le siège de la base par le MNLA. Une semaine plus tard, les troupes firent retraite en Algérie, laissant le contrôle de la base et de l'aérodrome aux mains du MNLA. Le nombre de soldats tués, faits prisonniers ou déserteurs dans ces deux revers serait  considérable.

Il ajoute :

Il est concevable que de nouvelles attaques contre la population civile nomade, hautement vulnérable, puissent forcer les rebelles à la soumission, comme ç'a été le cas dans les rébellions précédentes des Touaregs. Il est aussi possible que les manoeuvres du pouvoir malien : milices secrètes, campagnes de haine inter-ethnique, militaires en vêtements civils en bande criant “mort aux Touaregs” et propagande internet réussissent à ouvrir des brèches dans la mixture politique, ethnique et sociale complexe que compose la population globale de l'Azawad.
Pourtant, il apparaît que la rébellion est en mesure de se maintenir beaucoup plus longtemps, surtout si le MNLA reçoit l'appui des Touaregs du Niger, bien armés et aguerris, comme le suggèrent des informations non vérifiées

La perspective d'une sécession est inacceptable pour le candidat à la présidence Ibrahim Boubacar Keita, principal opposant au candidat sortant Amadou Toumani Touré ou ATT. Lors d'une réunion à Kayes, au Mali, M. Keita a martelé que le Mali est “un et indivisible”, comme le raconte Madiassa Kaba Diakité :

Il a réaffirmé  son attachement inébranlable au principe sacro-saint de l’indivisibilité du territoire national et a demandé à tous les Maliens de soutenir le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, et de rester soudés derrière l’armée malienne pour qu’elle puisse repousser les assaillants afin de rétablir la sécurité et restaurer l’intégrité territoriale du Mali [..]  « L’élection du 29 avril est la première des solutions car voter c’est donner une nouvelle chance à la paix », selon IBK. A l’en croire, il sera sans doute difficile de faire voter tous nos compatriotes, notamment ceux refugiés à l’étranger mais voter c’est dire non à la guerre

Crise alimentaire prolongée

Le conflit rend les secours alimentaires encore plus compliqués. Selon l'UNICEF [en anglais],

La saison sèche, ‘maigre’ dans les pays concernés est imminente, et sera marquée par l'augmentation du nombre d'enfants dans les centres de nutrition qui auront besoin de traitement vital. Le directeur régional de l'institution, David Gressly a indiqué : “Une catastrophe multiple poursuit les enfants dans le Sahel. Même dans un scénario optimiste, nous nous attendons à ce que plus d'un million d'enfants souffrant de malnutrition sévère et aiguë soient admis dans les centres de nutrition dans les six prochains mois.

Blogcritics a interviewé Aboubacar Guindo, un agent d'alimentation scolaire du PAM au Mali :

Le gouvernement a identifié, à travers le Système d'alerte avancée, 159 communes les plus touchées par cette crise. Pour y répondre, le PAM a élaboré une Opération d'urgence (EMOP) avec une composante d'alimentation scolaire pour éviter l'important absentéisme que les écoles connaissaient dans ce type de crise. L'EMOP comportera aussi la nutrition, de la nourriture contre travail, et des éléments monétaires. [..] Outre l'insécurité alimentaire, le PAM évalue les besoins des personnes déplacées en raison du conflit dans le Nord, une évaluation qui peut faire ressortir une augmentation des besoins.

Reste à savoir si l'élection présidentielle pourra tout de même avoir lieu. Gaousso Yah Touré en doute :

le Mali est une grande nation démocratique et la tenue des élections ne doit aucunement le plonger dans le KO. En d’autre terme, la cohésion sociale et la paix doivent être vigoureusement préservées. Cela passe, bien entendu, par le dialogue et la réflexion. Quant à la question de savoir si les élections se tiendront le 29 Avril prochain ou non, une réponse exhaustive ne peut être donnée pour le moment.

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