Femmes afro-brésiliennes, cheveux crépus et conscience noire

” On peut se lâcher les cheveux pour aller à l'école, mais je n'aime pas. Ils deviennent tout secs et ça fait moche. Mes cheveux sont moches”. C'est une petite fille qui s'exprime ainsi dans le web-documentaire Raíz Forte [Racine forte-en portugais comme les liens suivants] sur la relation que les femmes noires du Brésil entretiennent avec leur chevelure à tous les âges.

D'après la description du projet sur la page Facebook, le but est de “créer un débat sur la relation aux cheveux, en tant que forme d'appartenance et comme expression de l'ascendance africaine”.

Alors qu'au Brésil on commémore en ce 20 novembre le Jour de la conscience noire, nous vous invitons à découvrir ce film, dont les commentaires à la première personne créent un lien fort entre les différents témoignages et montrent bien les préjugés dont souffrent la société et les femmes noires elles-mêmes.

Le documentaire est composé de trois épisodes. Le premier aborde les rituels de manipulation des cheveux crépus durant l'enfance de la femme noire. Le deuxième montre comment les jeunes femmes se positionnent face aux différentes options possibles durant l'adolescence. Le troisième et dernier épisode présente les expériences les plus marquantes des personnages par rapport à leurs cheveux crépus, de l'enfance à l'âge adulte.

 

Dans une interview au blog Meninas Black Power [Jeunes filles Black Power], Charlene Bicalho,  créatrice  du documentaire Raíz Forte, partage sa propre expérience capillaire.

D'après Charlene, ses “racines” ont été niées dès l'enfance et jusqu'à l'âge adulte, passant par touts les camouflages possibles, comme les tresses et “le lissage comme réponse absolue au problème”, le cheveu devenu fragile à force de manipulations et puis la dépendance aux traitements chimiques hors de prix. A 26 ans elle entre dans un processus qui lui a permis de  porter un regard neuf sur ses cheveux. Le résultat? Charlene raconte :

Charlene Bicalho

Charlene Bicalho

j'ai commencé à être abordée par les femmes noires dans les milieux que je fréquentais qui me demandaient ce que je faisais pour avoir une chevelure comme ça. Plus mes cheveux poussaient et plus on m'abordait.

Ça a commencé à me remuer parce que je me reconnaissais dans ces femmes, j'ai vu en elles les cheveux que j'avais eus auparavant. J'ai alors commencé à penser à un projet social pour pouvoir parler de ces thématiques et montrer aux femmes qu'il existe des alternatives pour traiter les cheveux, différentes de celles qu'on se transmet en famille. De ces réflexions est né le projet RAIZ FORTE!

 

La relation entre les préjugés, les femmes noires et les cheveux crépus est traitée dans différents secteurs de la société et des médias.

Dans l’article “Bombril c'est de la paille de fer. Les cheveux crépus, c'est autre chose” paru sur le site Jezebel, Livia Deodato critique la relation entre cet objet et sa propre chevelure :

Puis, alors qu'on pense que tout ce mal-être est resté là-bas dans les années 80,  on voit Bombril [entreprise dont le produit principal est de la paille de fer, associée de manière péjorative aux cheveux crépus], conscient de l'association préjudiciable créée autour de sa marque, qui lance un concours pour découvrir la nouvelle meilleure chanteuse du Brésil dans l'émission de Raul Gil: Mulheres que Brilham [femmes qui brillent], dont le logo est l'ombre de profil d'une femme aux cheveux crépus.

(le concours, qui a duré de juin à octobre 2012, a désigné comme gagnantes les chanteuses Bruna et Keyla, remarquablement blondes et non afro-brésiliennes).

Le blog Cabelo Crespo é Cabelo bom [ les cheveux crépus sont de bons cheveux] de la journaliste Mariangela Miguel, poursuit le même objectif que le documentaire: montrer que les cheveux crépus sont aussi bons que les cheveux lisses :

Quand les cheveux ne poussent que vers le haut, comment expliquer à une jeune fille de 13 ans qu'elle ne peut même pas rêver aux cheveux “Chanel”? A qui la faute? A ces mauvais cheveux.

J'ai cru à ça pendant des années. Aujourd'hui, après plusieurs expériences (je vais vous raconter chacune d'entre elles), j'en suis arrivée à la conclusion suivante: si mes cheveux étaient réellement mauvais, ils n'auraient jamais supporté autant de sèche-cheveux, de fers à lisser et de produits chimiques.

Luísa Diogo, ex-Primeira Ministra de Moçambique, no documentário "Mulheres Africanas - A Rede Invisível"

Luísa Diogo, ex-Premier Ministre du Mozambique dans le documentaire “Femmes africaines- un réseau invisible“, présentant la trajectoire de luttes et de conquêtes historiques de la femmes africaine dans différents pays du continent africain. (Cliquez pour voir l'extrait)

“Ce phénomène par lequel passent les chevelures des femmes, principalement les noires, ne concerne pas que les brésiliennes”, indique le blog Colherada Cultural :

Aux Etats-Unis, la question est tellement présente que c'est devenu le sujet d'un documentaire amusant appelé “Good Hair” (ou “bon cheveu”) (…) [qui] montre comment agit l'industrie des produits capillaires dédiés aux Noirs, et l'absence quasi totale de personnalités noires qui assument leurs cheveux crépus.

Dans le monde de la musique également la question est abordée. La jeune psychologue Jessica Sandim nous en donne l'exemple en partageant sur son blog “I am not my hair“, de la chanteuse nord-américaine India Arie, et la dédicace à:

nous qui, toujours, I mean, TOUJOURS TOUTE LA VIE, entrons en conflit à propos de nos cheveux, notre identité, nos goûts et la “maudite dictature de la société”…

Et pour toi aussi qui adores critiquer tout ce qui est différent.

La chanson fait l'apologie du refus des stéréotypes imposés par la société, et a été partagée sur la blogosphère comme “chant libérateur” comme le décrit l'auteur du Diário de Bordo, Bordado a Bordô, comme “chant de celui qui y est arrivé, chant d'hommage à une trajectoire”.

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