Guerre des tags sur les murs de Syrie

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011/12

L'art du graffiti a deux visages : la désobéissance civile et l'expression pacifique. Si la révolution syrienne est fondée sur des valeurs d'humanité, elle a aussi des aspects artistiques. L'image est pour l'être humain un des moyens les plus importants d'exprimer ses pensées, le plus rapide pour illustrer une idée ou faire réagir les autres à son propos.

Pour reconnaître au graffiti sa vraie force, rappelons-nous cette étincelle qui a allumé la flamme de la révolte syrienne. Un célèbre tag à Daraa en 2011 a mené à l'arrestation d'une quinzaine d'enfants pour avoir écrit un graffiti sur les murs d'une école. Le gouverneur local décida de sévir sans pitié. La punition laissa la ville abasourdie, et d'un seul coup, la Syrie se trouva plongée dans les rébellions du printemps arabe.

Graffiti en Syrie, “Votre tour est venu, docteur”, adressé au Président (et ophthalmologue) Bachar Al-Assad. Source: EA WorldView.

Les tags sont devenus un nouveau champ de bataille dans le conflit, où le pouvoir et les révolutionnaires pacifiques ont exercé leur liberté d'expression. Pour Al-akhbar :

Le pouvoir syrien et les dissidents graffeurs jouent au chat et à la souris sur les murs du pays. Les contestataires syriens bombent des slogans anti-régime, et les autorités se précipitent pour les recouvrir et arrêter les auteurs, dont un mystérieux contestataire au pseudo de Spray Man. Pour acheter de la peinture en Syrie, il ne faut pas oublier sa carte d'identité. Les commerçants refusent de vendre de la peinture si les acheteurs ne fournissent pas leurs papiers avec une déclaration sur l'honneur expliquant les motifs de l'acquisition.

Les graffitis ont aussi une vie sur Internet. Ainsi, des activistes syriens ont créé un groupe appelé “اسبوع غرافيتي الحريـّة سوريا – Semaine du graffiti de la Liberté“.

Graffitis : Murs du Peuple

Qaph, un blog qui traite de politique, de livres et de la vie de la société civile, a écrit :

Le graffiti explose dans les périodes de changements politiques et sociaux et devient lui-même une forme de pouvoir du public pour résister au pouvoir autoritaire. Un artiste, ou un collectif d'artistes, choisit une rue passante pour transmettre le message en mots ou images ou les deux, la plupart du temps amèrement sarcastiques. La puissance du graffiti comme moyen de libre expression est de plus en plus alarmante pour de nombreux gouvernements et systèmes de pouvoir. Des mesures répressives tentent de faire taire la voix de la rue ; le meilleur exemple de telles réactions est celui du Royaume-Uni avec la loi de 2003 sur les incivilités et la charte signée par les parlementaires britanniques déclarant que “le graffiti n'est pas un art, c'est un délit.”

Pochoir de Bachar par El Teneen. A côté, on lit la phrase devenue fameuse ‘Le peuple veut la chute du régime’. Vu le 25 juillet 2011. Source: Blog suzeeinthecity

En mars 2011, les Syriens sont allé crier leur rage dans les rues, qui se sont emplies de milliers de manifestants réclamant la liberté. D'autres pendant ce temps ont choisi les murs pour donner de la voix. Il y a différentes manières de diffuser son message. Dans la rue, on peut crier, danser, chanter ; et sur les murs, ce sera peindre, écrire et personnaliser les caractères. Les messages entre factions pro- et anti-Assad ont été écrits, corrigés et recouverts maintes fois de manière à montrer que les deux bords partagent le même espace.

Graffiti de l'ASL à Damas : “Veuillez-nous excuser pour le désagrément…nous mourons pour vous”. Source: revolting Syrian Blog

Graffitis Pro & Anti-révolution syrienne

Le blog d'informations Happy Arab a raconté qu'un tag a été vu sur un bureau d'agent d'assurances anti-Assad aux Etats-Unis. Le lendemain, un journaliste pro-Assad publiait sur Facebook une photo de tag pro-révolution sur une agence de voyage de Garden Grove appartenant à un Syro-Américain qui avait exprimé son soutien au régime actuel.

La révolution en Syrie divise les Syro-Américains du comté d'Orange. On a vu des manifestations devant le consulat de Syrie à Newport Beach, les unes contre le régime et les autres pour le soutenir. La faille s'est récemment élargie en Californie du Sud.

Un proverbe syrien dit : “الحيطان دفاتر المجانين” ce qui veut dire “Les murs sont les draps des fous” ; mais de nos jours, les Syriens recourent aux murs de Syrie pour s'y adonner à la libre expression !

Et voici quelques murs peints dans diverses villes de Syrie.

Soyez avec la révolution. Source: 29 Arabic Letters Blog

Graffiti pro-Assad. Traduction : “(soumettez-vous à) Assad ou nous brûlons le pays”. Source: The revolting Syrian Blog

Tag à Damas avec le logo de l'ASL (l'Armée Syrienne Libre) et en-dessous, les mots “nous arrivons”. L'inscription au-dessus du logo dit : “Ça approche” (autrement dit. Bachar, tes jours sont comptés). Source: put a spell on you on Tumblr.

Tag de paroles révolutionnaires sur les murs de la faculté des Sciences d'Alep, corrigeant les slogans des mercenaires d'Assad. Source: Page Facebook de FREEDOM GRAFFiTi WEEK Syria

Un graffeur tague un mur avec l'expression “A bas Bachar”, pendant l'insurrection syrienne, mars 2011. Image de Wikimedia Commons.

Tags pro-Assad à Hama : “Assad pour diriger la Syrie sinon personne” . Source : FreedomHouse sur Flickr

Tags des mercenaires d'Assad : Bachar seulement – Nous sommes les hommes de la mort. Source: FreedomHouse sur Flickr

Graffiti contre Bachar Al-Assad #Syria. Source: Sabry Khaled sur Flickr

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011/12

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