Togo: Répression sanglante d'une manifestation de journalistes

Le 14 mars, les forces de l’ordre ont violemment dispersé à Lomé un sit-in des journalistes du secteur privé qui entendaient protester contre les nouvelles dispositions de la loi organique de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Elles ont utilisé des matraques, des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc. La manifestation avait été organisée par 7 associations professionnelles. Des journalistes ont été blessés, notamment Younglove Egbéboua Amavi, secrétaire général du Syndicat des agents de l’information, techniciens et journalistes des organes publics ( SAINTJOP).

 Younglove Agbéboua Amavi, Secrétaire général du SAINJOP après sa blessure par les forces de l’ordre. Photo afreepress.info avec permission

Younglove Agbéboua Amavi, Secrétaire général du SAINJOP après sa blessure par les forces de l’ordre. Photo afreepress.info avec permission

Le site 27avril.com publie un billet racontant les faits :

 Le journaliste Younglove Egbéboua Amavi, secrétaire général du Syndicat des agents de l’information, techniciens et journalistes des organes publics ( SAINTJOP ), a été gravement blessé au visage par une balle en caoutchouc lors d’un sit-in des journalistes, jeudi à Lomé, a constaté APA sur place. Il a été admis en urgence au centre hospitalier universitaire de Lomé Tokoin où selon les médecins, le journaliste souffre d’une fracture de la mandibule avec une lésion des dents.. La manifestation a été violemment réprimée par des forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de matraques pour disperser les journalistes.

Si le cas de Younglove Egbéboua Amavi est le plus grave, d'autres journalistes aussi ont subi des désagréments et des contusions. En particulier, le site du Comité pour la protection des journalistes, cpj.org fait savoir que:

Yolande Lovi, reporter du groupe privé RTDS, est tombée en syncope sous l'effet des grenades lacrymogènes tirés par des policiers, selon un communiqué rendu public par les groupes de défense de la liberté de la presse. Le communiqué indique que d'autres journalistes qui ont tenté d'aider M. Lovi ont également été agressés.

Dans un communiqué de presse, que le blog republicoftogo.com a publié, le ministre de la Sécurité Yark Damehane donne sa version  :

Toutes les injonctions régulièrement faites par les forces de l’ordre sont restées vaines. C’est alors qu’ayant procédé aux sommations, le commandant de la troupe a décidé de faire usage de la force pour évacuer les lieux

Une grenade lacrymogène a malheureusement atteint au visage M. Younglove Egbéboua Amavi qui a aussitôt été évacué au pavillon militaire du CHU Sylvanus Olympio. Ses jours ne sont toutefois pas en danger. On déplore de part et d’autres des blessés au moment de la dispersion des manifestants par les forces de sécurité.

Cette version des faits est vivement contestée par de nombreuses sources. Sur le site togocity.com, Nima Zara écrit :

Tollé général dans la famille des journalistes. Où le Colonel Yark a-t-il vu des gens emmener le confrère Amavi au pavillon militaire ? A-t-il imaginé ou l’a-t-on trompé ? Le mensonge est si gros qu’il fait pousser un gros cri de consternation, de stupéfaction et de révolte. Tous les témoins, manifestants et curieux qui avaient assisté à la course-poursuite, savent que ce sont les confrères Francis Galley, Junior Amenunya et Ferdinand Ayité qui se sont pliés à quatre pour conduire M. Amavi dans un centre privé puis au CHU Sylvanus Olympio.

Faisant allusion aux méthodes répressives que le feu Président Gnassingbé Eyadèma avait appliquées et que le fils Faure Gnassingbé, qui a hérité de la présidence, continue à utiliser, elle ajoute :

De Gnassingbé Eyadèma à Faure Gnassingbé, les méthodes ne changent pas. Le mensonge grotesque et impudique continue d’être servi aux populations dans des situations où même les individus les plus fêlés vont reconnaître le flou, le faux et l’intox. Même dans l’erreur, on refuse de reconnaître la faute et de faire profil bas. On doit avoir toujours raison comme si de Gnassingbé Eyadèma à Faure Gnassingbé, ce sont des irréprochables et des dieux humanisés qui gouvernaient le pays. Le mensonge flagrant du jeudi dernier est la dernière preuve en date, s’il faut se garder de parler des enquêtes sur les incendies des marchés. Machiavel, Néron, Hérode et Pilate tous ensemble !

Les organisations professionnelles de l'information avaient pourtant diffusé un programme graduel de manifestations avant de recourir au sit-it. Reporters sans frontières le présente ainsi sur son site:

Le mardi 12 mars 2013, à l’appel de huit organisations de professionnels des médias, les médias audiovisuels, la presse écrite et la presse en ligne observeront une “journée sans presse”. Le lendemain, une manifestation rassemblera les opposants à cette loi, qui, pour l’occasion, porteront du rouge. Enfin, le jeudi 14 mars, un sit-in sera organisé devant le Palais de la Présidence de la République.

Le 18 février dernier, Reporters sans frontières s’est adressée au Premier ministre togolais, monsieur Ahoomey-Zunu, pour demander le retrait du projet de loi.

Le blog dutogo.com rapporte les propos de Mohamed Keita, coordonnateur  pour l’Afrique au Comité pour la protection des journalistes, donnant des précisions sur les modifications de la loi sur la presse:

 Conformément aux nouveaux amendements, la HAAC peut maintenant retirer les licences d’exploitation des médias togolais sans procédure judiciaire, ont rapporté des médias. La HAAC est composée de neuf membres, dont quatre sont nommés directement par le président de la République et les cinq autres par le Parlement qui est contrôlé par la majorité présidentielle, ont déclaré au CPJ des journalistes locaux.

Pourtant, quelques jours à peine après ces graves évènements, Olivier A. dans un billet publié sur afreepress.info révèle que la Cour constitutionnelle a donné un avis défavorable sur certaines modifications de la loi:

 …. Les articles 58, 60, cinquième et sixième tirets, 62, dernier tiret,63, troisième et quatrième tirets, 64 et 67 de la loi organique adoptée le 19 février 2013, portant modification de la loi organique n° 2009-029 du 22 décembre 2009 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, ne sont pas conformes à la Constitution.

Le portail de radiogameli.com signale que le Conseil national des Patrons de Presse (CONAPP) et l’Union des  Journalistes indépendants du Togo (UJIT) qui ne faisaient pas partie des organisations professionnelles qui avaient organisé la manifestation:

 Par une démarche menée envers la  Fédération internationale des Journalistes (FIJ), l’UJIT indique pour sa part, avoir à travers une requête sollicité une « assistance financière directe au confrère en difficulté ». « La procédure suit son cours  normal et la FIJ en mesure la réelle portée au regard des échanges entre l’UJIT et cette structure internationale dont elle est l’affiliée au  Togo », stipule le communiqué.

Selon Ferdinand Ayité, président de SOS Journaliste en danger, que Olivier A. cite dans un billet publié sur afreepress.info, l'état de santé de Youngolove Agbéboua Amavi est plus grave que prévu et le montant des frais médicaux ne devraient pas être inférieurs à CFA 650 000, soit €991. Cette association multiplie les initiatives et fait appel à tous ceux qui sont soucieux de la liberté de presse dans le pays pour venir en aide à M. Amavi pour faire face aux frais médicaux.

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