Azerbaïdjan : jusqu'à 8 ans de prison pour des militants de N!DA

Image tirée d'une campagne NIDA, réutilisée avec permission.

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Cette semaine en Azerbaïdjan, le tribunal des crimes graves de Bakou a condamné 8 hommes – 7 membres du mouvement civique N!DA et un membre du mouvement Free Youth (jeunesse libre) – à des peines allant de 6 à 8 ans de prison. Ils ont été jugés sur de fausses accusations – hooliganisme, possession de stupéfiants et possession illégale d'armes à feu, pour n'en citer que quelques-unes – mais leur véritable crime a été d'avoir défendu la démocratie et ses valeurs.

Le mouvement N!DA prit de l'ampleur en mars 2013 lorsque certains de ses membres utilisèrent les réseaux sociaux dans le but d'organiser une manifestation pour marquer les circonstances mystérieuses de la mort d'un soldat, Jeyhun Gubadov. Le dossier militaire stipule que Jeyhun Gubadov serait mort d'un arrêt cardiaque alors qu'il était en bonne santé et n'avait eu aucun historique de problème cardiaque avant sa conscription. Les membres de la famille du jeune homme rendirent publique leur version des faits, suspectant le rapport de falsification. En réaction à la mort de Jeyhun Gubadov, une manifestation pacifique fut organisée à Bakou par les membres du mouvement contre l'augmentation des morts de conscrits des suites de bizutage et de brutalités au sein de l'armée. Ces manifestations et plusieurs autres furent dispersées violemment. Que ce soit les protestations contre le bizutage dans l'armée, les commerçants s'élevant contre l'augmentation des loyers ou la colère des habitants d'une ville en dehors de Bakou, on pouvait sentir en Azerbaïdjan les signes clair d'un mécontentement grandissant au sein de la population.

Le 7 mars 2013, trois jours après une courte manifestation organisée par le N!DA, Bakhtiyar Guliyev et Shahin Novuzlu, deux membres du groupe, furent arrêtés et accusés de possession illégale d'armes et de stupéfiants. Il a également été rapporté qu'un autre membre, Mahammad Azizov, avait disparu. Le même jour, le ministère de la sécurité nationale et le bureau du procureur général publièrent une déclaration mentionnant que des cocktails Molotov, de la marijuana et d'autre drogues auraient été trouvées lors de la fouille des appartements des militants détenus. Selon la déclaration, des affiches imprimées du slogan « un besoin urgent de démocratie » auraient également été trouvées. Le jour suivant, les 3 hommes confessèrent leurs crimes lors d'une apparition sur une chaîne de télévision nationale. Peu de temps après on les condamnait à une peine de 3 mois de prison.

Le 10 mars, une manifestation intitulée « Arrêtez les morts de conscrits » organisée principalement par le biais des réseaux sociaux rassembla environ 4 000 manifestants et 15 000 partisans sur Facebook. Bien que les manifestants défilèrent pacifiquement, l'intervention brutale de la police transforma le rassemblement en l'un des plus violent des dix dernières années. Dans les semaines qui suivirent, Rahsad Hasanov, Rashadat Akhundov, Uzeyir Mammadli, Zaur Gurbanli furent tous arrêtés et détenus sous des accusations de possession illégale d'armes à feu. Le 17 Mai, un jeune militant, Ilkin Rustamzad (un membre du mouvement « Active Youth » (jeunesse active) ) fut placé en détention provisoire pour une durée de 2 mois avant d'être jugé pour avoir filmé et téléchargé sur YouTube une vidéo de « Harlem shake ». Le 12 septembre, les 8 hommes firent face à une nouvelle accusation : organisation d'émeutes accompagnées de violences, de dommages et de destructions de propriété sous l'article 220.1 du code pénal.

Les comparutions ont commencé en avril 2014, plus tard dans le mois, le procureur général requit des peines allant de 6 à 8 ans de prison. 

Le jour de la requête, les 8 hommes annoncèrent leur décision d'entamer une grève de la faim, pendant les vingt jours qui menèrent au jugement, les 8 membres de N!DA emprisonnés refusèrent de manger. Après un court procès, chacun des 8 étaient condamnés sur de faux chefs d'accusation aux peines de prison suivantes :

Shahin Novruzlu – 6 ans

Mahammad Azizov – 7.5 ans

Bakhtiyar Guliyev – 7 ans

Rashadat Akhundov – 8 ans

Rashad Hasanov – 7.5 ans

Zaur Gurbanli – 8 ans

Ilkin Rustamzade – 8 ans

Uzeyir Mammadli – 7 ans

Ceux venus en leur soutien s'étaient réunis devant le palais de justice et commencèrent à scander « Azadeta » (libérez les), un slogan incitant le président et les autorités compétentes à acquitter les 8 militants mais aussi un mot-dièse populaire utilisé pour partager les nouvelles de « l'affaire des huit ». La police dispersa violemment la foule, repoussant les manifestants à l'écart du tribunal. Selon des rapports locaux, 30 personnes furent arrêtées, chargées dans des bus et emmenées dans différents commissariats.

Lors de  leur dernière déclaration au tribunal, les 8 militants annonçaient que malgré le refus de leur demande de libération, ils avaient décidé d'arrêter leur grève de la faim. Ils expliquent clairement leur statut de cible politique du pouvoir en place et pardonnent même la décision des juges en ces termes :

« […] nous sommes conscients que ni le procureur général ni vous, les juges, n'avez d'autres options. Vos responsabilités au tribunal sont limitées à agir en tant que greffiers dont le rôle est de légitimer l'ordre établi et les pouvoirs politiques en place. Même si la loi et votre conscience vous demandent d'agir autrement, vous n'osez pas désobéir. Nous devrions aussi mentionner que nous ne sommes pas les seules victimes de ce procès. Vos nominations en tant que juges et procureurs font également de vous des victimes de cette affaire judiciaire fabriquée. Effectivement, nous, derrière les barreaux, tout comme vous, libres, sommes tous des otages et des victimes de cette grande prison qu'est l’Azerbaïdjan.

Bien que nos demandes ne soient pas satisfaites, et sacrifiant notre exigence de liberté pour nos objectifs, nous arrêtons notre grève de la faim. Mais la lutte continue ! »

Suite à ce verdict, la journaliste Khadija Ismayil écrivait sur sa page facebook, « jugés coupables d'être brillants, intelligents, courageux et honnêtes, » beaucoup sont ceux qui partagent cette opinion. Pourtant, alors que certains expriment ouvertement cette inquiétude, d'autres continuent à vivre dans l'ombre de la peur en Azerbaïdjan, aussi appelé le pays du feu.

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