Pendant que Gaza est écrasée sous les bombes, Facebook laisse continuer les discours de haine contre les Palestiniens

Banner of Lehaselmehabel Facebook page.

Photo de couverture de la page Facebook de Lehaselmehabel.

Cet article a été écrit par Dalia Othman, avec la contribution d'Ellery Roberts Biddle, Jillian C. York et Ivan Sigal, et publié en anglais le 7 juillet.

[Liens en anglais] Lorsque les trois adolescents israéliens, par la suite retrouvés assassinés, avaient d'abord été portés disparus, une page intitulée “Jusqu'à ce qu'on nous rende nos garçons – nous tuerons un terroriste toute les heures” apparut sur Facebook. La page, active depuis plus de trois semaines, publie de multiples entrées en hébreu appelant à la violence contre les Palestiniens et Arabes. En dépit de nombreuses dénonciations en bonne et due forme de contenu abusif par des utilisateurs de Facebook, la page n'a pas été retirée. Global Voices a questionné Facebook qui a indiqué qu'elle était en cours d'examen.

L'enlèvement de juin a entraîné une agression de représailles contre le Palestinien de 16 ans Mohammed Abu Khdeir, brûlé vif, et déclenché une massive opération militaire israélienne en Cisjordanie et à Gaza, aboutissant à des centaines d'arrestations et des dizaines de morts chez les Palestiniens. L'escalade s'est poursuivie ces derniers jours avec la vaste “Opération Bordure Protection” lancée contre Gaza, qui a déjà tué plus de 150 [au 14/7] Palestiniens, dont beaucoup de femmes et enfants. Depuis Gaza, le Hamas, le mouvement qui gouverne le territoire depuis 2007, a tiré des centaines de missiles sur Israël. Au 9 juillet, les responsables israéliens informaient qu'aucune mort d'Israéliens ne leur était imputable.

Les échanges sur les médias sociaux ont reflété la montée rapide des tensions sur le terrain. La section A propos de la page Facebook “Jusqu'à ce qu'on nous rende nos garçons – nous tuerons un terroriste toute les heures” dit :

Nous devons utiliser une main ferme pour combattre la terreur violente et qui menace la vie. La faiblesse montrée par le gouvernement israélien, qui a relâché des milliers d'assassins n'a fait qu'augmenter leur détermination et a mené à l'enlèvement des adolescents. Le seul moyen de ramener ceux-ci est d'inspirer la peur à nos ennemis et de leur faire comprendre qu'ils vont souffrir. Nous soutenons l'exécution d'un terroriste toutes les heures jusqu'à ce que les jeunes soient relâchés.

Chez certains Israéliens, le mot “terroriste” est un synomyme usuel de “Palestinien”. Quiconque est familier de la terminologie locale ne peut y voir autre chose qu'un appel à mettre à mort tous les Palestiniens. Une entrée sur la page invite les lecteurs à “les tuer pendant qu'ils sont encore dans [le ventre de] leurs mères”. Les violences verbales prédominent sur la page et les messages visent sans ambiguïté les Arabes, et particulièrement les Palestiniens. Pour ceux qui ne lisent pas l'hébreu, même une traduction automatique suffit à révéler la nature explosive du contenu de la page.

blurred.Comment about death to arabs

Commentaire dénoncé à Facebook, mais qui n'avait pas disparu le 9 juillet.

[Traduction mot à mot de la traduction machine] Mort aux Arabes, Arabe Arabe mort. Brûler Gaza et les villes arabes y compris les villages Umm Al Fahm et Saknin tayibe Castle dans le Negev et Galilée, avec le Coran que Muhammad a brûlé train (Traduit par Bing)

blurred.Comment calling for price tag

Commentaire dénoncé à Facebook, mais qui n'avait pas disparu le 9 juillet.

[Traduction mot à mot de la traduction machine] Seul prix qui veut dire éliminer douzaines d'Arabes, dissuadera les terroristes ! Couper l'électricité ! Déplacer ! Juifs commencez à vous réveiller ! Des jeunes ont été enlevés et nous restons tranquillement assis ! (Traduit par Bing) 

Le commentaire ci-dessus a été dénoncé à Facebook et a été déclaré ne pas être en infraction avec les règles d'utilisation. Ce commentaire appelle à la fois à des actions punitives [“price tag”] (définies comme des actes de terrorisme par le Département d'Etat américain en 2013) et le transfert des Palestiniens, une attaque évidente contre un peuple et un appel à la violence.

La page viole-t-elle les Standards de la Communauté Facebook ?

Le premier paragraphe des Standards de la communauté Facebook déclare :

La sécurité est en tête des priorités de Facebook. Nous retirons des contenus et, lorsque nécessaire, communiquons avec les autorités, lorsque nous percevons un risque de blessures ou une menace directe pour la sécurité du public. Vous ne devez pas menacer autrui ou organiser des actes de violence.

Un autre paragraphe, relatif au discours incirtant à la haine, s'applique aussi à la page :

Facebook n’accepte pas les discours incitant à la haine….nous ne permettons pas l’attaque d’individus ou de groupes sur la base de leur race, ethnicité, origine nationale, religion, sexe, orientation sexuelle, handicap ou état de santé.

Depuis la première apparition de la page, des citoyens inquiets (parmi lesquels de multiples sources dignes de foi et amis de Global Voices) ont utilisé la procédure Facebook de dénonciation des infractions pour attirer l'attention de la société sur cette page et en demander le retrait. Certains l'ont fait sur Twitter, en invitant à faire de même. Mais plus de trois semaines après ses débuts, la page reste active sur le site.

Cette page n'est pas une exception. Lorsqu'on a appris que les trois adolescents israéliens enlevés avaient été tués, des pages similaires ont germé avec un langage violemment raciste, qui ont également attiré l’attention des médias traditionnels. A nouveau les utilisateurs de Facebook ont voulu dénoncer les pages réclamant vengeance contre la population palestinienne. Mais Facebook a réagi avec les mêmes affirmations (capture d'écran ci-dessous) que la page n'enfreint pas ses standards de communauté.

Facebook response to abuse report , sent July 3 2014.

Réponse de Facebook à la dénonciation de contenu abusif, envoyée le 3 juillet 2014.

Décision : La page n'a pas été retirée. Détails : Merci d'avoir pris le temps de signaler quelque chose qui selon vous peut enfreindre nos standards de communauté. Les signalements comme le vôtre sont nécessaires pour faire de Facebook un environnement sûr et accueillant. Nous avons vérifié la page que vous avez signalée pour un contenu de discours ou symboles incitant à la haine, et trouvé qu'elle n'enfreint pas nos standards de communauté. Nota : si vous avez un problème avec un élément de la page, assurez-vous de signaler le contenu (par ex. une photo) et non la page entière. Ainsi, votre signalement sera vérifié avec plus de précision.

La page Troisième Intifada
En 2011, il y a eu une situation similaire, quand un groupe de jeunes Palestiniens a lancé une page Facebook appelant à une troisième intifada (soulèvement) à édifier sur les deux intifadas historiques [fr] qui ont eu lieu contre l'occupation israélienne des territoires palestiniens.

Malgré le parti-pris des administrateurs du groupe de promouvoir l'action civique non-violente en faveur d'une Palestine libre et indépendante, des membres de la page se sont mis à publier des messages prônant la violence et la haine contre Israël et les Israéliens. CNN a rapporté par la suite que la page avait été retirée du site après que Facebook eut reçu une requête en ce sens du gouvernement israélien.

Les juristes spécialistes d'internet ont ensuite laissé entendre que Facebook aurait pu suspendre les comptes ou pages des commentateurs promouvant la violence, plutot que de retirer totalement la page. Dans l'écosystème des médias sociaux, ce sont des détails qui comptent : la libre expression est mieux préservée lorsque les discours dommageables peuvent être ciblés au niveau individuel, plutôt qu'une page ou une page ou plate-forme entières. Mais le retrait de la page par Facebook a été interprété comme une volonté d'anéantir le discours de violence et de haine, ainsi que ses conséquences potentielles dans la vie réelle. Il est troublant de voir à présent que Facebook ne suit pas les mêmes critères concernant les pages récentes.

La réaction de Facebook
Dans un entretien, Global Voices a demandé à Monika Bickert, Directrice de la politique globale de gestion, d'expliquer en quoi cette page n'est pas une violation des standards de communauté. Sa réponse : “Nous listons clairement les caractéristiques de ce que nous considérons comme un discours incitant à la haine, et si cela ne tombe pas sous une de ces catégories, nous ne le considérons pas comme un discours incitant à la haine selon nos pratiques.”

Mme Bickert est restée dans les généralités :

Facebook fixe des dispositions qui peuvent être mises en oeuvre par un personnel international présent 24 heures sur 24 de réviseurs de contenus. Ils cherchent à prendre des décisions rapides et cohérentes […] Un des domaines les plus ardus pour Facebook est celui du discours incitant à la haine. Ici, Facebook est en quête de caractéristiques qui ciblent particulièrement soit un individu soit un groupe défini [..] Comme les pages évoluent, à la différence des entrées, elles peuvent être vérifiées à plusieurs reprises. Les décisions sur des éléments individuels de contenu tendent à être définitives, même si elles peuvent être revues suite à erreur.

Facebook ne doit pas servir de plate-forme à la promotion de la violence contre qui que ce soit
Nous défendons la liberté d'expression et ne voulons pas que Facebook devienne une plate-forme plus contrôlée et plus lourdement censurée. Mais nous ne pouvons pas regarder passivement cette page et d'autres gagner des centaines d'abonnés chaque jour. Ce n'est pas que de la haine et de la discrimination contre les Palestiniens et les Arabes, c'est une menace ouverte et sans équivoque contre des êtres humains. En pleine reconnaissance du contexte politique complexe et sensible de la situation actuelle, nous demandons à Facebook de reconsidérer l'affaire et d'engager avec nous un débat sur leur processus décisionnel pour cette page et d'autres similaires.

Cet article a été mis à jour le 11 juillet à 17:10 GMT pour préciser que Mohamed Abu Khdeir a été tué dans une agression de représailles.

1 commentaire

  • Zlotzky

    Facebook pratique la censure à géométrie variable. Il semble plus subversif, selon leurs principes, de publier une simple photo de “l’origine du monde” de Courbet – immédiatement censurée et les autres exemples de pudibonderie sont légion – que de diffuser des appels à la haine et aux massacres.
    Je ne regrette décidément pas d’avoir fermer mon compte et un vaste mouvement de boycott et de désinscription devrait enfin être initié à l’échelle planétaire.

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