Internet n'oublie jamais : participez au débat international sur le ‘droit à l'oubli’ de l'Union Européenne

As the saying goes, "an elephant never forgets." Illustration by W.H. Drake, from Rudyard Kipling's "The Jungle Book." Copyright expired, image released to public domain.

Selon l'adage, “un éléphant n'oublie jamais.” Illustration de W.H. Drake, tirée du “Livre de la Jungle” 1895. Image du domaine public, libre de droits.

[Sauf indication contraire les liens dirigent sur des pages en anglais]

Oiwan Lam a participé à la rédaction de ce post.

Tout le monde a quelque chose à cacher – mais quand il s'agit d'internet devons-nous tous avoir le droit de pouvoir être oubliés ? En mai dernier, la Cour de Justice Européenne s'est prononcée en faveur de cette proposition [fr], et a décrété que tout européen peut demander aux moteurs de recherche de retirer des résultats de recherche le concernant toute information “obsolète” ou “sans objet”. Des entreprises comme Google, Yahoo ou Microsoft se sont élevées contre cette décision, qui les laisse responsables de décider quelles informations correspondent à ces critères.

Techniquement, n'importe qui peut exercer ce “droit” – il n'y a pas de frais ou de procédure spécifique réservée à certaines personnes ou connexions autorisées. En tant qu'utilisateur européen d'internet il vous suffit de remplir un formulaire en indiquant votre nom et les information relatives aux contenus que vous souhaitez faire disparaître des résultats de recherches. Depuis que la Cour de Justice Européenne a statué pour faire respecter et codifier le Droit à l'Oubli en mai dernier, Google a reçu plus de 91 000 demandes de retrait d'information dont environ la moitié a été honorée.

Les activistes qui défendent la liberté d'expression craignent que cette décision ne soit une porte ouverte aux entreprises et gouvernements qui pourront faire disparaître des résultats de recherches les informations douteuses les concernant. Et le fait que la décision de les faire disparaître incombe à des entreprises de technologie comme Google n'est pas une mince affaire : écarter le pouvoir judiciaire de cette décision est une sérieuse gaffe dans le domaine des droits en ligne.

Le problème est au centre des questions que nous nous posons tous les jours au sein de notre communauté. Nous sommes d'accord pour dire que certaines informations méritent un minimum de protection. Des données financières, une information sur la santé ou la sexualité des personnes en sont des exemples. Nous pensons que chacun a le droit de maintenir ces informations dans la sphère privée. Mais une informations sur les activités politiques d'une personne sont rarement faciles à classer. Il y a beaucoup de nuances.

Quelques mois après l'annonce de cette réglementation, Oiwan Lam, rédactrice en chef pour Advox Chine, s'est inquiétée sur ses conséquences auprès de ses contacts dans notre communauté. Elle demande : “Comment pouvons-nous nous prémunir contre la menace potentielle qui pèse sur la sphère publique en ligne si cette réglementation est appliquée ?”

Les échanges qui suivent montrent que les membres de notre communauté craignent que cette loi ne restreigne la possibilité pour les journalistes, activistes, internautes, et militants des droits humains de réunir et conserver les preuves de violations de droits, de corruption et autres malversations qu'ils cherchent à prouver.

Une auteure égyptienne, Rasha Abdulla, professeur en communication à l'Université Américaine du Caire, pose la question : que se passe-t-il quand une information importante pour l'intérêt public disparaît soudainement de nos résultats de recherches ? Elle écrit :

 J'imagine facilement qu'en Egypte toute vidéo d'un officier de police sur YouTube ou tout fonctionnaire corrompu enregistré sur vidéo ou dont on parle dans les journaux ADORERAIT être oublié. Les archives digitales sont tout ce que nous avons pour dénoncer certaines des atrocités qui se sont passées.

“Quelle garantie avons-nous que bon nombre d'informations gênantes (mais pertinentes) ne vont pas tout simplement disparaître ?”  demande Leila Nachawati, auteure syro-espagnole et étudiante en communication à l'Université Carlos Tercero de Madrid. Et elle poursuit :

[Nous] devrons faire confiance à des entreprises qui décideront si l'information est “d'intérêt public”, ce qui, comme tout le monde le sait, est une pente savonneuse… L'Union Européenne fait référence au “besoin d'équilibre entre la vie privée et la liberté de parole”, mais à  moins de lister des critères plus précis, cela ne veut pas dire grand-chose

Ces échanges nous incitent à demander à nos collègues, les experts en droit de l'internet du monde entier, ce qu'ils pensent de cette réglementation et de nous parler de son impact sur le débat politique dans leurs pays depuis sa mise en place. Oiwan Lam et moi-même avons adressé les questions suivantes à nos contacts et à certains experts que nous connaissons et en qui nous avons confiance :

  • Y a-t-il eu localement des discussions ou des débats sur la mise en oeuvre de ce “droit” dans votre pays ? Est-ce que les tribunaux se préoccupent de ce problème ?
  • De quelle manière pensez-vous que la décision de l'Union Européenne puisse affecter la politique vis-à-vis d'internet dans votre pays ou votre région ?
  • Si cette politique était appliquée dans votre pays, pensez-vous qu'elle pourrait représenter une menace pour la sphère publique en ligne ou pour l'intérêt public ? Quels problèmes spécifiques pourraient “disparaître” des résultats de recherches si cette politique était appliquée dans votre pays ?
  • Pensez-vous qu'il soit possible de trouver un équilibre entre le droit individuel d'être oublié et la libre circulation de l'information ?

Nous invitons les experts et les personnes intéressées à répondre à ces questions. N'hésitez pas à poster vos commentaires à la suite de cet article ou à nous envoyer vos réflexions à advocacy@globalvoicesonline.org. Nous ne manquerons pas de les publier pour continuer le débat.

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