Google et eBay vont-ils complaire aux exigences du Kremlin sur l'hébergement des données ?

Based on Ilya Repin's seminal “Volga Boatmen.” Images remixed by Andrey Tselikov.

Image inspirée par les fameux “Bateliers de la Volga” d'Ilya Repine. Montage d'Andrey Tselikov.

Google et la place de marché en ligne eBay pourraient céder à la nouvelle et controversée loi russe qui enjoint aux compagnies Internet d'héberger en Russie les données de leurs utilisateurs russes. Déplacer les centres de données en territoire russe pourrait rendre les clients de Google et eBay vulnérables à une surveillance renforcée.

Le 10 avril, l'agence d'information RBC rapportait que Google acceptait de se conformer à la nouvelle loi et aurait déjà transféré des données d'utilisateurs de ses installations de stockage vers des data centers sur le sol russe.

RBC a indiqué que l'annonce a été faite à une conférence organisée par le Ministère des Communications fin mars, et relevé qu'un représentant de Rostelecom, un des principaux opérateurs de télécommunications de Russie, avait affirmé que l'organisme était retenu par Google pour héberger ses données en Russie dans une “installation haute-sécurité de serveurs de données étroitement liée à l'Etat”. Par la suite, Rostelecom s'est refusé à tout commentaire sur le sujet et indiqué qu'ils ne divulgaient pas les informations de leurs clients sans leur consentement.

En quoi le dispositif affectera les usagers

La pratique marquerait un gros changement pour les utilisateurs russes de Google, en créant de nouvelles vulnérabilités s'agissant des données personnelles qu'ils envoient et stockent en utilisant des services comme Gmail. En l'état actuel, si les autorités russes désirent accéder aux données d'un utilisateur de Google, elles doivent présenter l'ordre d'un juge au Département de la Justice des Etats-Unis, qui en déterminera la légitimité. Les directives de procédure légale et de transparence de Google indiquent que si l'ordre est conforme à la loi des Etats-Unis et aux conditions d'utilisation de Google, il sera exécuté — dans le cas contraire, les données de l'utilisateurs ne seront pas divulguées. Comme Google a son siège aux USA, c'est la loi américaine qui lui est applicable.

Les nouvelles conditions abaisseraient coonsidérablement le seuil d'obtention par les autorités russes des données utilisateurs. Google exigerait probablement toujours une ordonnance judiciaire, mais celle-ci n'aurait plus à remplir les critères de la justice américaine.

Global Voices a contacté le service des conditions d'utilisation de Google, qui n'avait pas répondu au moment de la publication du présent article.

eBay s'y met aussi

Le 7 avril, le journal russe Kommersant rapportait qu'eBay avait fait des pas dans la même direction. Le représentant d'eBay Russie, Vladimir Dolgov, a rencontré la semaine dernière des responsables de Roskomnadzor, le régulateur russe de l'Internet. Dolgov a ajouté que c'était son premier face-à-face avec les autorités russes au sujet de cette loi, bien que la firme fasse partie depuis un moment du groupe de travail.

Основной целью eBay было получить ответы на ряд вопросов по закону о персональных данных, который вступит в силу с 1 сентября 2015 года. По итогам встречи eBay подтверждает готовность собирать и хранить требуемую информации в полном соответствии с законом.

Le but principal [de la rencontre] était pour eBay de recevoir des réponses aux questions à propos de la loi sur les données personnelles qui va entrer en vigueur au 1er septembre 2015. Au sortir de la rencontre, eBay confirme sa disposition à collecter et conserver l'information requise en totale conformité avec la loi.

Parallèlement, Vadim Ampelonski, un porte-parole du gendarme des médias, a confirmé à Kommersant qu'eBay acceptait de se conformer à la loi.

Selon des sources de Kommersant, eBay a déjà commencé à transférer des données utilisateurs de Suisse en Russie. Un représentant du système de paiement en ligne PayPal, dont eBay est propriétaire, était aussi présent à la réunion et a déclaré que la plate-forme était “en contact avec les régulateurs et travaillait à une solution optimale” en rapport avec la loi sur les données.

Poutine veut la “souveraineté Internet”

Signée par le président russe en juillet 2014, la loi de rapatriement des données entre en vigueur le 1er septembre 2015. Les représentants de sociétés Internet travaillant en Russie ont critiqué à l'avance la loi de rapatriement des données, y voyant une restriction déraisonnable qui rendrait impossible le fonctionnement en Russie de nombreux services Internet populaires, parmi lesquels les sites de voyages, d'achat de billets d'avion et d'e-commerce.

Il y a longtemps que des députés et des hauts-fonctionnaires poussent en Russie à une “souveraineté Internet”. L'idée a trouvé un second souffle quand la confrontation entre la Russie et l'Occident, alimentée par le conflt en Ukraine, s'est intensifiée. Selon le magazine Forbes, le Ministère russe des Communications a préparé un rapport sur la souveraineté de l'Internet russe, qui comporte des mesures autorisant les autorités à empêcher “les attaques extérieures” contre le RuNet. De fait, le dispositif aboutit à isoler l'Internet russe et ses utilisateurs du reste du monde.

En particulier, le ministère préconise de resserrer la régulation des sociétés Internet et même d'instaurer un contrôle direct de l'Etat sur certaines entités, dont les principaux noeuds d'échange. D'après Forbes, le rapport recommande aussi d'interdire aux sociétés russes d'Internet de transférer des données hors du territoire. Ainsi par exemple, Yandex ne pourrait pas utiliser son data center en Finlande, parce que l'administration russe serait dans l'incapacité de contrôler les données une fois qu'elles auraient quitté la juridiction de la Russie.

Un Forum russe de la gouvernance d'Internet a réuni le 7 avril à Moscou hauts-fonctionnaires, hommes d'affaires et diverses personnalité de l'lnternet. Le discours le plus intéressant a été prononcé par le sénateur Ruslan Gattarov, ancien organisateur de mouvement de jeunesse au Kremlin et actuellement gouverneur adjoint de la région de Tchéliabinsk. Il s'est dit heureux que le Ministère des Communications soit devenu moins libéral—”au meilleur sens [du terme]”.

Gattarov a affirmé que l'Internet était actuellement “dominé” par l'Occident, citant l'exemple des récentes sanctions économiques imposées par les USA à la Crimée pour protester contre l'annexion de la péninsule par la Russie. Ces mesures restrictives obligent toutes les entreprises américaines à cesser “l'importation ou l'exportation de biens, services, ou technologies” vers ou depuis “la région criméenne de l'Ukraine”. En application des sanctions, les compagnies de technologies comme Apple et Google ont suspendu les comptes des développeurs web en Crimée et bloqué l'utilisation de beaucoup de leurs produits dans la région.

Dans son intervention au Forum, Gattarov s'est dit convaincu que l'Occident se préparait à une cyber-guerre contre la Russie.

Мы ведь все понимаем, что Запад не дремлет. Он проводит учения у наших границ с какими-то экспертами, которые копаются в Эстонии. Великобритания хочет использовать соцсети для информационной войны. Мы, может, это тоже делаем, но хотя бы не говорим об этом публично.

Nous comprenons tous que l'Occident ne dort pas. Il mène des manoeuvres militaires à nos frontières avec des spécialistes qui farfouillent en Estonie. La Grande-Bretagne veut utiliser les réseaux sociaux pour la guerre de l'information. Peut-être que nous le faisons aussi, mais sans en parler en public.

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