Brésil : Campagne de pub géante d'une chaîne satellite contre une nouvelle loi

[Tous les liens mènent à des pages en portugais, sauf si indication contraire.]

La Loi 12.485/11, approuvée par la Présidente du Brésil Dilma Rousseff en septembre 2011 et qui établit de nouvelles règles pour la télévision payante, a déjà créé la polémique entre les fournisseurs de télévision par satellite, les abonnés et les producteurs indépendants.

Selon la loi, les chaînes cinéma et de variété des bouquets payants devront consacrer trois heures et demie de leur temps de programmation hebdomadaire à des émissions produites au Brésil. La loi a été votée afin de tenter de diversifier la programmation et de soutenir le marché de la production brésilienne.

Mais le fournisseur de télévision par satellite SKY, le plus important d'Amérique latine, est en désaccord avec les modifications introduites par cette loi.

Récemment, la société a lancé une campagne médiatique intitulée « O Seu Controle Remoto Está Nas Maos da ANCINE “(Votre télécommande est entre les mains d’ANCINE [agence nationale du film au Brésil]). L'objectif de la campagne est d'impliquer les 40 millions de Brésiliens qui regardent la télévision à péage dans une action directe en inconstitutionnalité, déposée par la société.

"Hamster trying to figure out the remote control" Photo by blackpawn. (CC BY-NC-SA 2.0)

"Hamster essayant de comprendre la télécommande" Photo de blackpawn. (CC BY-NC-SA 2.0)

SKY affirme que :

A ANCINE está regulamento a lei 12.485/11, trazendo diversas regras, ora incoerentes, ora ilegais e inconstitucionais, afetando diretamente o direito dos consumidores e a liberdade de expressão e comunicação, prejudicando um setor que há anos investe no Brasil, sem qualquer dinheiro público e que vem crescendo de maneira espetacular.

L'ANCINE a aménagé la Loi 12.485/11 y ajoutant plusieurs articles, dont certains sont incohérents, d'autres illégaux ou inconstitutionnels, et affectant directement les droits des consommateurs et la liberté d'expression et de communication, pour nuire à un secteur qui a investi au Brésil depuis des années, sans aucun argent public, et qui a prospéré d'une manière spectaculaire.

La société affirme qu'en raison de cette loi, le prix des abonnements de télévision payante va augmenter, que le quota de programmes sportifs et d'information diminuera, et que la sélection des programmes sera finalement réalisée par l'ANCINE, et non par des professionnels du secteur. La campagne comprend également une vidéo mettant en vedette plusieurs joueurs bien connus de volley-ball et de basket-ball – toutes sont des équipes parrainées par SKY – manifestant ainsi leur mécontentement.

ANCINE a répondu à cette campagne en affirmant que :

A Lei 12.485/2011 destrava a concorrência no setor de TV paga ao permitir que as concessionárias de telefonia utilizem suas redes para fornecer serviços de TV paga. Permite, assim, que mais brasileiros tenham acesso aos serviços de televisão por assinatura e a outros serviços (…) por um preço cada vez menor.

La Loi 12.485/2011 stimule la concurrence dans le secteur de la télévision payante en permettant aux compagnies de téléphone d'utiliser leurs réseaux pour fournir des abonnements à la télévision payante. Par conséquent, il permet à plus de Brésiliens d'avoir accès à la télévision payante ainsi qu'à d'autres services (…) pour un prix inférieur.

L'Agence a également déclaré ce qui suit :

Um dos principais objetivos da Lei 12.485/2011 é aumentar a produção e a circulação de conteúdo audiovisual brasileiro, diversificado e de qualidade, gerando emprego, renda, royalties, mais profissionalismo e o fortalecimento da cultura nacional.

Un des principaux objectifs de la loi 12.485/2011 est d'augmenter la production et la circulation de contenus audiovisuels brésiliens diversifiés et de grande qualité, la création d'emplois, de revenus, de redevances, de renforcer le professionnalisme et la culture nationale.

Plusieurs professionnels du secteur et de la télévision payante ont également pris position contre la campagne. Le président du Front parlementaire pour la défense de la culture, Jandira Feghali, a publié dans un billet :

A campanha promovida pela Sky é francamente uma disputa por reserva de mercado, camuflada pelo argumento da intervenção estatal no direito de opção do cidadão à programação. A lei não impede que seja ofertada programação estrangeira, mas conforme citei, garante espaço para as manifestações culturais brasileiras.

La campagne promue par Sky est franchement un différend commercial sur les parts de marché, déguisé en protestation contre l'intervention étatique, dans le droit du citoyen, au choix de la programmation. La loi ne concerne pas seulement  la diffusion de contenus étrangers, mais, comme je l'ai mentionné, il garantit un espace pour les manifestations culturelles brésiliennes.
Dans un autre billet publié par le Forum national pour la démocratisation de la communication (FNPDC), certains points spécifiques de la campagne sont contestés. Par exemple, l'affirmation selon laquelle les sports et les nouvelles ne sont pas considérés comme des “contenus brésiliens” selon le FNPDC,

Não é verdade. A lei considera sim esses conteúdos como nacionais, mas não impõe cotas de veiculação de esportes. Os canais de esportes não entram na conta das cotas, não têm obrigações de cotas e continuam sendo ofertados normalmente sem qualquer alteração.

Ce n'est pas vrai. La loi considère ces contenus comme nationaux, mais n'impose pas de quotas pour la diffusion d'émissions de sport. Les chaînes de sports n'entre pas dans le décompte du quota, n'ont aucun quota obligatoire et continuent à être proposées comme d'habitude, sans aucune altération.

Un autre point important est le fait que l'ANCINE, et donc l'état, réglementeraient et prendraient les décisions concernant la programmation nationale, en violation de la Constitution. Newton Cannito, cinéaste et écrivain, précise dans un article écrit pour le site CulturaeMercado que :

É apenas uma lei que diz que algo como 30 minutos diário deve ser de conteúdo nacional. É pouco para caramba. E a Ancine não escolhe qual conteúdo será. A TV escolhe. E todo o resto é “controlado” apenas pelo interesse comercial e é natural e saudável que seja assim. O Estado não vai ter esse poder todo.

La loi dit simplement qu'un contenu national, de 30 minutes par jour environ, doit être diffusé. Cela ne fait pas beaucoup. Et l'ANCINE ne choisit pas le contenu. La chaine fait son choix. Tout le reste est « contrôlé » par l'intérêt commercial et c'est une manière naturelle et saine de procéder. L'état n'aura pas toute cette puissance.

Dans la section des commentaires, juste en dessous de l'article de Newton Cannito, certains lecteurs doutent que la loi soit vraiment un pas vers la liberté des contenus. Fernanda, par exemple, soutient que :

Não quero parecer grossa, mas, quem disse que o público de TV paga quer conteúdo nacional? (…) Eu não vou entrar no mérito de que tipo de programa cada um gosta de assistir, pois seria uma discussão interminável, mas dizer que essa lei reflete liberdade é mentira. Liberdade é pagar por um serviço e acessá-lo da forma que gostaria. Se eu quiser ver conteúdo internacional, eu vejo, se eu não quiser, mudo para um canal nacional.

Je ne veux pas paraître impolie, mais qui a dit que le public de la télévision payante voulait du contenu national? (…) Je ne vais pas discuter du type de programme que chaque personne aime regarder parce que ce serait une discussion sans fin, mais dire que cette loi reflète la liberté est un mensonge. La liberté est de payer pour un service et y accéder de la façon dont je veux. Si je veux regarder des contenus étrangers, je les regarde, et si je ne le veux pas, je les change contre  une chaîne nationale.

La télévision payante a connu une croissance rapide au Brésil, et en 2011, l’ Association brésilienne des fournisseurs de télévision payante (ABTA) estimait que le secteur avait rapporté R$14,6 milliards (US$ 8,58 milliards), et avait créé plus de 90 000 emplois, à la fois directement et indirectement. Au cours du troisième trimestre de 2011, il y avait 12 millions d'abonnés à la télévision payante et les chiffres ont crû, année après année. Pour les professionnels du secteur, une telle croissance représente une occasion de créer de plus en plus d'emplois et une identité culturelle nationale basée sur la télévision payante, alors que celle-ci était insignifiante jusque-là.

Certains spectacles ont utilisé les médias en ligne pour se promouvoir, dans l'espoir d'obtenir des aides à la production par le biais de cette nouvelle loi. Tel est le cas d'une série de fiction appelée 3% , qui est l'une des lauréates d'un concours lancé par le ministère de la Culture brésilien pour soutenir la production de séries de fiction pour la télévision. 3% “nous fait découvrir un monde peu réaliste, où la concurrence entre travailleurs est institutionnalisée dans un processus cruel. Seulement 3% des jeunes réussissent, et le processus de sélection les met dans des situations extrêmes d'humiliation, de peur, de stress et de dilemme “(avec sous-titres en anglais):

Une consultation publique sur l'opinion des téléspectateurs au sujet de l'action directe en inconstitutionnalité lancée par SKY était ouverte jusqu'au 3 mars 2012.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.