Angola : Une manifestation contre la fraude électorale réprimée

[Liens en portugais sauf mention contraire] « Contre la fraude durant les prochaines élections » était le slogan d’une manifestation qui a eu lieu dans la ville de Luanda dans la matinée du 10 mars. Une fois de plus, selon certaines sources [en anglais et portugais], l’État a fait sentir sa puissante poigne, réprimant violemment un droit civique.

Ce mouvement citoyen voulait protester contre la manière dont sont préparées les prochaines élections. Selon une note qui a accompagné l’appel à manifester, la nomination du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola – le parti au pouvoir) [fr] de l’un de ses membres, Suzana Inglês, à présider la Commission électorale nationale (CNE), constitue une violation de l’article 143 de Code Électoral approuvé à l’unanimité en décembre dernier.

La note dit que : « L’opposition a eu recourt à un boycott, en abandonnant brusquement la table des négociations, afin de protester contre les sottes mesures de la majorité absolue. »

Poster pour la manifestation du 10 mars

Poster pour la manifestation du 10 mars

Le mécontentement face au gouvernement du Président José Eduardo dos Santos [fr], au pouvoir depuis 1979, a conduit le peuple angolais à descendre une nouvelle fois dans les rues pour exiger d’une part le critère d’impartialité du Code Électoral, en formant une Commission électorale nationale indépendante, et d’autre part pour appeler à l’action, avec une revendication partagée : « Les Angolais s’unissent contre la corruption. Zé Du dehors ! »

Ils ont été accueillis par une violente réaction de la police, selon les témoignages [en] de plusieurs personnes qui étaient présentes sur les lieux, publiés sur Facebook, Twitter et autres blogs.

À la fin de la journée, Nelson Pestana, juriste de profession, mais également politologue et chercheur universitaire, a résumé dans un post sur Facebook [pt],  repris par le blog Círculo Angola Intelectual, ce qui attendait les manifestants ce matin du 10 mars, lorsqu’ils se sont réunis dans le quartier de Cazenga, à Luanda :

O bando do mal já lá estava. A Polícia Nacional estava espalha pelo percurso anunciado, colocada como se estivesse emboscada. O lumpenato nacional contava pois com o apoio e a cumplicidade da Polícia Nacional que era suposto estar ali para manter a ordem pública, garantir a segurança dos manifestantes e fazer com que a Constituição da República fosse respeitada e não fosse pisoteada por um bando de mal-feitores. O que aconteceu não foi nada disto, como teria sido, num país civilizado. Os homens do mal começaram a agredir os manifestantes, de forma inusitadamente violenta, sem mais, nem menos. Traziam barras de ferro e armas de guerra.

Le groupe des mauvais garçons était déjà là. La police s’était dispersée sur la route programmée par la manifestation, positionnée comme si elle se préparait à une embuscade. Le peuple comptait sur le soutien et la complicité de la Police nationale qui devait être présente pour maintenir l’ordre public, garantir la sécurité des manifestants et veiller à ce que la Constitution de la République soit respectée et non pas piétinée par un tas de malfaiteurs. Ce qui s’est passé n’avait rien à voir avec un pays civilisé, comme cela aurait dû être. Les voyous ont commencé à attaquer les manifestants, employant une violence gratuite, n’épargnant rien. Ils avaient apporté des barres d’acier et des armes de guerre.

Le blog Universal [pt], diffuse une série de comptes rendus faits sur place :

Luaty [Beirão, rapper conhecido como Brigadeiro Mata Frakuxz] tem a cabeça partida jorrando sangue e ainda se encontra em parte incerta; Luamba foi igualmente raptado; Explosivo Mental e Adolfo estão em situação complicada no local. Luaty Beirão foi ferido na cabeça e Mário Domingos foi levado pelos polícias. (…) Fernando Tomás, Amarildo Will Bento Tonet, Mário Domingos, organizador da manifestação voltou a desaparecer, um dos seus colegas está gravemente ferido. Segundo informações de jornalistas no local há disparos feitos pela polícia.

Luaty [Beirão, un rappeur connu sous le nom de Brigadeiro Mata Frakuxz] a eu la tête fracassée, il pissait le sang et on ignore encore là où il se trouve ; Luamba a également été kidnappé ; Explosivo Mental [pt] et Adolfo se sont trouvés dans une situation difficile. Luaty a été blessé à la tête et Mario Domingos pris par la police. (…) Fernando Tomas, Amrildo Will Bento Tone, Mario Domingos, l’organisateur de la manifestation a de nouveau disparu, et un de ses compagnons est grièvement blessé. Selon des informations des journalistes sur place, des coups de feu ont été tirés par la police.

La veille, le gouvernement aurait mis un plan en action. Le rappeur Carbono Casimiro a été la cible d’une visite surprise chez lui – par une douzaine d’individus vêtus de noir, prêts à l’attaque, comme le raconte le blog Central [pt],  qui a également publié des photos des agresseurs et des victimes :

"On recherche les agresseurs des manifestants". Photos de Central 7311

A casa tinha acabado de ser invadida por uma dezena de homens trajados de preto, armados com ferros e soqueiras metálicas, que arrombaram porta, janela do quarto e que deram início a um festim de pancadaria a todos os presentes: Sampaio Liberdade, Cavera C, Santeiro, Nelito e o próprio Carbono. Chegaram numa carrinha e colocaram-se dois matulões no portão de entrada que dá acesso às três outras residências para além da do Carbono, impedindo que alguém entrasse ou saísse. Estando o único acesso à casa fechado, os jovens viram-se encurralados e foram mais uma vez castigados por pensar diferente. (…) É incrível o nível de confiança que estes homens revelam, pois em plena luz do dia e mascarados apenas com chapéus e óculos escuros, fazem tudo aos olhos de todos. Os habitantes da rua do Carbono estavam todos aglomerados lá fora assistindo, um após outro, saírem lesionados e ensanguentados os agredidos. A polícia ainda recalcitrou, resistindo, tal como acontecera com o Mário Domingos, registar a queixa. Mas os jovens não arredaram pé e essa formalidade ficou cumprida.

La maison [de Carbono Casimiro] venait juste d’être envahie par une douzaine d’hommes vêtus de noir, armés de barres en acier et de « coups-de-poing américains » ; ils ont défoncé la porte, la fenêtre de sa chambre et ont commencé à couvrir de coups tous ceux qui étaient présents : Sampaio Liberdade, Cavera C, Santeiro, Nelito et Carbono lui-même. Ils sont arrivés dans un van et ont placé deux gars forts à l’entrée donnant accès aux autres maisons, ne laissant personne ni entrer ni sortir. En voyant l’unique sortie prise, les jeunes gens se sont retrouvés pris au piège et ont été punis pour penser différemment. (…) C’est avec ce degré de confiance que ces hommes ont agi, en pleine lumière du jour ne portant que des chapeaux et des lunettes de soleil, à la vue de tous. Les résidents de la rue de Carbono se sont tous réunis dans la rue pour les voir, les un après les autres, sortir de cette attaque blessés et ensanglantés. La police s’est retirée, refusant de prendre les dépositions, comme cela s’était déjà passé avec Mario Domingos. Mais les jeunes gens n’ont pas cédé et c’est ainsi que les procès- verbaux ont pu être dressés.

La ville de Bengala  était également comprise sur la route de la Marche pour la liberté d’expression du  10 mars, mais la police a déjoué l’initiative, comme vous pouvez le lire sur Club-K [pt] :

A manifestação era organizada por um grupo de jovens da cidade capital da província de Benguela e estava marcada para acontecer no principio da tarde deste sábado, e tinha o seu ponto de partida marcado para o jardim defronte a Escola 10 de Fevereiro, com culmino no jardim defronte ao mercado municipal ” mais conhecido como jardim milionário”; mas o executivo de Benguela proibiu o evento a pretexto de não obedecer a lei. Segundo alegava na nota entregue quinta-feira aos organizadores o percurso escolhido encontravam-se duas sedes de partidos políticos, “no caso o MPLA” .

La manifestation était organisée par un groupe de jeunes  dans la capitale de la province de Benguela et était programmée pour le début d’après-midi de ce samedi.  Le point de rendez-vous devait partir du jardin face à l’école 10 Février et se terminer dans le jardin devant le marché municipal mieux connu sous le nom du “jardin du millionnaire” . Mais le maire de Benguela a interdit la marche au prétexte qu’elle ne respectait pas la loi. Selon une note remise le jeudi aux organisateurs, sur le chemin choisi se trouvait le siège social d’un parti politique », le MPLA [le parti au pouvoir].

Des membres de l’association angolaise pour la défense des droits de l’Homme OMUNGA ont été emprisonnés suite à l’intervention de la police à Benguela, comme il est expliqué sur leur blog Quintas de Debate [pt] où ont également été publiées des photos des victimes. L’organisation a en outre annoncé une autre manifestation pour le 17 mars, “afin de demander la démission de Suzana Inglês de la présidence de la Commission électorale nationale mais également en solidarité pour tous les concitoyens réprimés, humiliés, torturés, kidnappés, discriminés et insultés pour vouloir construire un pays démocratique et pour demander la fin de restriction du droit à manifester”.

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