Pérou: Arrestation du maire d'Espinar après les récentes violences dans la province

Le maire de la province d'Espinar, Óscar Mollohuanca, a été arrêté  le 30 mai vers midi lors d'un important déploiement policier. Le maire était entré dans la clandestinité non seulement après qu'a été déclaré l'état d'urgence dans la région en raison du conflit entre la communauté d'Espinar et la compagnie minière  Xstrata Tintaya, mais surtout après avoir su qu'il y avait un mandat d'arrêt lancé contre lui. Il avait cependant accepté une conférence de presse à la mairie et c'est dans ces circonstances que la police l'a arrêté [liens en espagnol].

Voici ci-dessous la vidéo  diffusée en direct par  Canal N montrant l'arrestation du  maire :

Pour le moment, le lieu de détention du maire d'Espinar n'est pas connu bien que l'on suppose qu'il se trouve dans un local à quelques pâtés de maisons de la municipalité. Le mandat d'arrêt n'a pas été rendu public mais lors de récentes déclarations, le premier Ministre a indiqué que les faits de violence survenus à Espinar : morts et les blessés, atteintes à la propriété, attaques contre les forces de l'ordre et enlèvement d'un procureur, méritaient une enquête approfondie et l'établissement des responsabilités. Il a, par ailleurs, laissé clairement entendre que l'arrestation du maire relevait du pouvoir judiciaire.

Voici quelques réactions apparues dans la twitosphère locale. Les premiers à rendre compte de ces faits sur Twitter ont été les journalistes Álvaro Sosa (@AlvaroSosaC) et David Hurtado (@DavidHurtadoT) :

La police a fait violemment irruption à la mairie d'Espinar, allant jusqu'à casser  les vitres, pour arrêter le maire, Oscar Mollohuanca,  fait savoir Canal N.

La police a arrêté le maire d'Espinar. En direct sur Canal N http://fb.me/1LJO6Ukqc

Juan Sheput (@JuanSheput), homme politique et ancien Ministre, s'est joint au habitants d'Espinar:

Liberté pour Oscar! clament les gens d'Espinar face à un gouvernement qui a manifesté son autoritarisme par l'arrestation du maire, Oscar  Mollohuanca.

Maricarmen Colonna (@mcolonnal), pour sa part, souligne le contraste entre la présence nombreuse de policiers lors de cette arrestation et leur absence face à la délinquance :

Pas moins de 300 policiers ont fait leur show pour arrêter le maire d'Espinar. Mais lorsqu'on demande à ceux-ci  de rechercher les délinquants, on peut toujours attendre.

Juan Diego Zacarías (@diegozac), de son côté, se fait écho du slogan scandé par la population d'Espinar:

“Ollanta, tu es un traître!” Voici le slogan qui résonne depuis Espinar.

Les utilisateurs César Ponce (@cesarponcec) et Paola (@yosoypao) discutent de  la réelle disposition du gouvernement à dialoguer :

Où est le chef de la police qui coordonne toute cette mascarade ? Maintenant qu'ils ont ainsi arrêté le maire, avec qui le gouvernement va-t-il négocier?

@cesarponcec Le gouvernement ne cherche pas le dialogue, l'arrestation du maire d'Espinar en est la preuve.

Tandis que Carlos Tapia (@carlosETapia), un ancien membre de l'actuel gouvernement, émet l'avis :

L'arrestation du maire d'Espinar, en empêchant le dialogue, est de la part de Calle et Valdéz une maladresse politique. Ne s'en rendent-ils pas compte ?

La photographe Silvana García (@sgarciaasenjo), quant à elle, s'interroge sur les motifs de cette arrestation :

De quoi accuse-t-on le maire d’ #Espinar‬?

Toutefois, tout le monde ne s'oppose pas à la mesure prise. Certains y sont favorables et applaudissent au retour de l'ordre et de la loi, à l'image de Sara Delgado (@Saritrovick) et de Jorge Berrocal (@Jberroc) :

“Qu'on rétablisse l'ordre, la loi et l'autorité.” RT @canalN_ Infos de dernière minute sur Canal N: la police est en train d'arrêter le maire d'Espinar….”

L'utilisateur  @marconaprotesta rapporte ceci:

L'arrestation du maire d'Espinar n'a pas été arbitraire. Il y avait un mandat d'arrêt  contre lui pour vandalisme et détention d'explosifs dans sa voiture.

Alfonso Baella (@alfonsobaella) soutient :

A Espinar, le problème est d'ordre policier, pas environnemental. Que l'on applique la loi et punisse ceux qui promeuvent les violences, les meurtres et la destruction.

Mauricio Rozas Valz (@MauricioRozasV), lui, demande :

Que le maire d'Espinar soit sévèrement puni. Il doit être condamné de manière exemplaire. 14h37  –  ce 30 mai 2012 via Internet

Le 29 mai, alors que  l'état d'urgence était déjà en vigueur, les habitants d'Espinar ont passé une journée calme mais tendue – en apprenant que le nombre des morts s'était alourdi de quatre victimes supplémentaires et  qu’il y aurait 24 personnes détenues au commissariat, derrière le siège de la compagnie minière Xstrata Tintaya. On a appris aussi que la police avait arrêté un véhicule de la sécurité municipale d'Espinar, qui transportait des cocktails molotov et que le Président du Front de Défense d'Espinar, Herbert Huamán, avait été arrêté .

Plusieurs membres du Congrès et parlementaires andins ont exprimé leur inquiétude et leur malaise face à ces actes de répression, demandant même la démission du Premier Ministre en exercice. Pendant ce temps, le Ministre de l'Environnement a déclaré que les manifestations et les plaintes relatives à la pollution environnementale à Espinar se basaient sur des rapports ne correspondant pas à la zone d'influence et d'activité de la compagnie minière Xstrata Tintaya.

Les représentants du Ministère public ont fait savoir qu'une enquête avait été ouverte contre le maire d'Espinar, Óscar Mollohuanca et d'autres dirigeants sociaux, leaders et responsables de la grève dans la région. Le maire est accusé, entre autres choses, de  détournement de fonds et les autres, de troubles, de désobéissance à l'autorité et d'enlèvement. Le Contrôleur général de la République a également annoncé un contrôle de la Municipalité provinciale d'Espinar afin de vérifier les accusations d'usage présumé de biens et de ressources publics pour organiser des marches de protestation contre l'activité minière dans la région.

Les derniers rapports en provenance d'Espinar indiquaient que le maire arrêté était en train de faire sa déposition au commissariat de Tintaya. Dans l'après-midi, celui-ci a été transféré en hélicoptère à Cusco afin de renouveler sa déposition devant  le service d'enquête criminelle. On espère avoir bientôt plus d'informations sur le sujet.

Pour mieux comprendre  les spécificités de cette affaire complexe qui se déroule à  Espinar,  lisez  cette instructive analyse de Francisco Durand, publiée dans le numéro 173 de la Revue Quehacer – année 2009: “Tintaya y su gobierno minero” (Scribd) (Tintaya et son gouvernement minier) qui explique l'absence de l'Etat et la relation existante entre la communauté et la compagnie minière, laquelle se substitue presque en tout au pouvoir lui-même.

L'actuel Pérou est témoin d'un développement spectaculaire  des grandes exploitations minières. Il s'agit d'un type d'exploitation intensive avec à la clé, d'importants capitaux, d'importants profits, de bas salaires et de nombreuses exonérations d'impôts. Nous sommes face plus à  un modèle d'accumulation qu'à un modèle de développement, ce qui  provoque, bien sûr, toutes sortes d'interprétations des conflits sociaux et des dynamiques de redistribution.

La photo  de ce billet provient de la page Facebook de David Hurtado.
Ce billet  a été à l'origine publié dans le blog de Juan Arellano.

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