La chasse aux faux médicaments dans les pays en développement

[Liens en anglais sauf mention contraire] Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les faux médicaments sont présents partout dans le monde.  Il peuvent contenir des substances toxiques ou au contraire n'avoir aucun principe actif et être sans efficacité.  700 000 personnes seraient victimes chaque année  de faux médicaments pour les seules malaria et tuberculose. L'OMS estime aussi les bénéfices annuels tirés de la vente de médicaments contrefaits ou de basse qualité à environ 200 milliards de dollars US. De nombreuses solutions alternatives ont vu le jour pour tenter de faire obstacle à la progression de la vente de ces faux médicaments dans les pays en développement.

Des innovations technologiques pour détecter les contrefaçons de médicaments 

Ashifi Gogo, du Ghana, est un entrepreneur qui propose une solution innovante, par téléphone mobile. Pour résumer, l'idée est de placer une étiquette à gratter sur les produits ; l'étiquette révèle un code unique que le consommateur envoie par SMS, pour ensuite recevoir une réponse sur l'authenticité, ou non, du produit. Dans son intervention,  donnée lors d'une conférence TEDx à Boston, Ashifi Gogo explique (vidéo) comment son système fonctionne en combinant téléphones mobiles, communauté des utilisateurs et coopération des gouvernements et des laboratoires pharmaceutiques :

A la suite de l'affaire du faux Duo-Cotecxin au Kenya [un médicament contre la malaria] le fabricant, le laboratoire Holley-Cotec, a mis au point une nouveau système pour sécuriser les boites de comprimés. James Nyikal, le directeur de Medical Services au Kenya explique :

Les nouvelles boites de comprimés comporteront un hologramme 3D d'authentification  et d'autres moyens d'assurer la traçabilité pour certifier que les comprimés sont authentiques.

"Is this drug real or counterfeit? SMS text with Pharma Secure to find out." Image by Wayan Vota on Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)

“Ce médicament est-il vrai ou contrefait ? Envoyez un SMS à Pharma Secure  pour le savoir.” Photo Wayan Vota sur Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)

Rajendrani Mukhopadhyay recense les procédures appliquées actuellement pour repérer les médicaments authentiques. Il a à ce sujet quelques anecdotes :

La procédure d'authentification passe d'abord par un examen visuel attentif. Les inspecteurs scrutent les boites, car ils doivent d'abord s'assurer qu'une éventuelle fraude est intentionnelle. “Si vous avez juste les comprimés ou les capsules, et s'ils ne contiennent aucune substance active, cela peut être du à une erreur de bonne foi dans la chaîne de fabrication.  […] Certaines mentions sur les emballages de  médicaments contrefaits sont assez comiques. Sur une boite, la date d'expiration était antérieure à la date de fabrication, on pouvait donc se douter que quelque chose n'allait pas !”

Il parle aussi de la difficulté d'identifier les médicaments faux ou authentiques dans un environnement avec peu d'accès à la technologie :

Les obstacles dans les pays en développement obligent les enquêteurs à être créatifs et à mettre au point des techniques d'analyses à bas coût et fiables. “Nous avons découvert que beaucoup de faux Artesunates (un anti-malaria] qui contrefaisaient une marque en particulier, produite en Chine, contenait du calcium carbonate,” dit Green [Michael Green, du Centre pour la prévention et le contrôle des maladies aux Etats-Unis]. Le médicament authentique ne contenant pas de carbonate de calcium, lui et ses collègues ont pu distinguer comprimés contrefaits et authentiques en faisant un test à base de vinaigre sur des fragments de comprimés.

Un problème grandissant pour le monde en développement 

Plus important que l'impact économique, les contrefaçons de médicaments posent un problème grave de santé publique au niveau mondial. Non seulement ils mettent en danger la vie et le bien être des patients, ils sapent aussi la confiance dans les systèmes de santé et les professionnels de santé. Le diagramme suivant, du Pharmaceutical Security Institute (PSI), montre la répartition géographique des cas impliquant des médicaments contrefaits en  2011 ; le problème est toujours plus difficile à résoudre dans les pays en développement en raison du volume croissant de faux médicaments et des infrastructures nécessaires pour le faire.

Total counterfeit drug incidents by year. Graph by PSI (available in public domain).

Nombre total de problème causés par de faux médicaments, par année. Graphique de PSI (domaine public).

PSI  précise :

Les régions du monde qui ressortent comme le plus fréquemment affectées par des incidents ne sont pas nécessairement celles où l'application de la loi et les inspections font défaut. Au contraire, les pays dans ces zones identifient bien les délits pharmaceutiques par l'application de la loi et les  inspections conduites par les agences de surveillance du médicament.

En dépit des sytèmes innovants décrits plus haut, la détection des faux médicaments est toujours une tache très difficile et nécessite des technologies sophistiquées ainsi que la capacité de faire respecter de façon stricte les règlementations internationales. A titre d'exemple, beaucoup de médicaments contre la malaria de basse qualité ou contrefaits ont été signalés dans des pays en développement [fr] cette année, mais seulement après que les patients aient été traités.  En 2012, une étude a montré que un tiers des médicaments contre la malaria en Asie du sud-est en en Afrique sub saharienne n'étaient pas conformes après le test chimique et l'analyse du contenant, ou encore étaient falsifiés. En 2007, le ministère de la Santé au Kenya avait publié une alerte  sur les contrefaçons de Duo-Cotecxin vendues à Nairobi contre la malaria en indiquant comment les reconnaître. Lawrence Evans, un chercheur qui a réalisé une étude en Guyane et au Surinam sur la qualité des médicaments contre la malaria, dit :

Sans parler de la présence de médicaments non répertoriés dans le guide du traitement de la malaria de l'Organisation mondiale de la santé, la facilité avec laquelle on peut se procurer de tels médicaments sans diagnostic précis constitue un autre risque pour la sécurité du patient. De plus, ceci pourrait entrainer des conséquences sérieuses et le développement d'une résistance au traitement des parasites Plasmodium, particulièrement le Falciparum, sachant que des traitements nouveaux ne sont pas attendus dans un proche futur.

Prisca à Madagascar explique [fr] pourquoi les gens ne se rendent plus dans les pharmacies et s'aventurent sur le marché parallèle :

 des personnes n'hésitent plus à revendre des produits pharmaceutiques sans ordonnance. Selon Fara, propriétaire d'un commerce prospère ” Les médicaments que nous vendons sont les mêmes qu'en pharmacie, puisque je les achète chez un grossiste agréé. Mais comme je n'ai pas autant de charges qu'une pharmacie, ils sont deux fois moins chers “. Le problème des consommateurs est donc le prix.

II est important de déterminer quels sont les circuits des médicaments contrefaits pour lutter efficacement contre ce trafic, mais beaucoup de pays soulignent que ceci ne ne doit pas faire oublier la nécessité d'innover dans d'autres secteurs et de lutter contre les maladies. Henry Neondo écrit sur African Science News que la malaria doit être traitée plus efficacement au Kenya, y compris par la recherche d'un vaccin :

Le Kenya a été choisi parmi neuf autres pays africains qui bénéficieront d'un nouveau programme de recherche de plusieurs millions de Shillings pour mettre au point un vaccin anti-malaria. […] “De nouvelles molécules contre la malaria et un vaccin sont un besoin urgent en Afrique, où la malaria est résistante aux traitements les moins chers et les plus répandus. Plusieurs nouveaux médicaments et vaccins prometteurs sont en train d'être développés, mais il faut doter l'Afrique des capacités permettant d'y conduire les tests cliniques de grande envergure pour ces médicaments et ces vaccins au cours de la décennie qui vient ” a dit le Professeur Binka [Directeur exécutif de Indepth Network].

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