Grèce : Deux journalistes de la TV publique licenciés pour leurs critiques d'un ministre

Le 29 octobre 2012, deux journalistes, Kostas Arvanitis et Marilena Katsimi, ont été licenciés par la télévision publique grecque (ERT) pour leur analyse de l'article paru sur le quotidien britannique The Guardian, qui fait état d'actes de tortures de  la police grecque sur des manifestants anti-fascistes, et pour leurs critiques  envers le ministre grec de l'Ordre public.

Voici l'extrait en question [grec] lors de leur émission du matin diffusée par la télévision :

Kostas Arvanitis a retranscrit lui-même l'extrait de leur dialogue qui a motivé leur licenciement sur son blog [grec] :

M. Katsimi: et voici les conclusions de la médecine légale pour les quinze personnes arrêtées dont parle The Guardian. Pour cette affaire, [le ministre de l'Ordre public] Monsieur Dendias voulait porter plainte contre le Guardian
Mr. Arvanitis: Et il ne l'a pas fait ?
M. Katsimi: Il ne l'a pas fait, car les constatations prouvent qu'il s'agissait en effet de faits punissables par la loi.
Mr. Arvanitis: Va-t-il présenter sa démission maintenant ?
M. Katsimi: Je ne le pense pas. […]
Mr. Arvanitis: Et alors quoi ? Va-t-il présenter des excuses ?
M. Katsimi: Je l'ignore ….
Mr. Arvanitis: Wahou… c'est un moment difficile pour Monsieur Dendias. Et il est originaire du même lieu que vous, de Corfou.
M. Katsimi: Et c'est un homme sérieux, je dois dire.

Quelques minutes plus tard, il a annoncé sur Twitter [grec] la nouvelle de leur mise à pied :

@karvanitis: τελικά μας έκοψε ο κος Λιάτσος http://kostasarvanitis.blogspot.gr/2012/10/blog-post_29.html …

@karvanitis: Apparemment, Monsieur Liatsos nous a supprimés… http://kostasarvanitis.blogspot.gr/2012/10/blog-post_29.html

Il est utile de préciser que le directeur récemment nommé à la tête de l'ERT, Aimilios Liatsos, n'a pas contacté d'abord les journalistes pour obtenir des explications ; au lieu de cela, ils ont appris qu'ils étaient licenciés de la bouche de leur rédacteur-en-chef, comme l'a déclaré Marilena Katsimi au site d'information Zappit.gr [grec].

Dans un communiqué [grec], Aimilios Liatsos accuse Monsieur Arvanitis et Melle d'avoir “violé le code de déontologie des journalistes” et a soutenu leur licenciement :

Le directoire général de l'ERT respecte intégralement les règles de la presse libre : cela est prouvé au quotidien dans la présentation de tous les points de vue. Cependant, il ne peut tolérer la violation des règles de base de la déontologie des journalistes.

Les présentateurs du magazine quotidien “Informations du matin ” sur NET, Monsieur Kostas Arvanitis et Mademoiselle Marilena Katsimi, ont fait des insinuations inacceptables au sujet du ministre de l'Ordre public Nikos Dendias, sans même lui accorder le droit de s'exprimer, et ils semblent s’être exprimés sur l'affaire en préjugeant des conclusions de la justice.

Monsieur Dendias avait annoncé au parlement son intention de porter plainte contre le quotidien The Guardian, comme Dimitris Bounias l'avait annoncé sur Twitter :

@DimitrisBounias: Les médias grecs annoncent que#Dendias a dit au parlement : “Je porte plainte contre le Guardian au nom de l'Etat grec pour diffamation de notre démocratie”.

Le site TVXS (TV sans frontières) a signalé que le départ des journalistes est devenu un problème politique, car il a donné lieu à des conflits entre membres du gouvernement.

Réactions sur les médias sociaux 

Sur Facebook, de nombreux internautes ont exprimé leur soutien aux deux journalistes sur la page Facebook de leur émission :

Margarita Zontou: Και οι μάσκες πέφτουν…

Et les masques tombèrent..

Kosmas Tseligaridis: Ντροπή και αίσχος στους αυλοκόλακες της κρατικής τηλεόρασης. Η λογοκρισία δε θα περάσει.

Honte et disgrâce aux “courtisans flatteurs” de la télévision d’état. La censure ne passera pas.

Sur Twitter, des utilisateurs ont exprimé leur dédain sous le hashtag #Dendias, demandant, entre autres choses, que Dendias démissionne.

@monahus: Δένδια παραιτήσου #dendias

@monahus: Monsieur Dendias, démissionnez #dendias

@blacktom1961: Αντί να παραιτηθεί ο χυδαίος και προφανώς κρετίνος #Dendias, που εκτέθηκε μόνος του σαν τον τελευταίο ηλίθιο του πλανήτη, φιμώνει κριτικές.

@blacktom1961: Au lieu de démissionner parce qu'il s'est ridiculisé comme le dernier des idiots sur cette planète, qu'il est un bandit et de toute évidence un crétin, #Dendias réduit au silence les critiques.

Rogiros a comparé [grec] le président de l'ERT, Aimilios Liatsos, à l'ancien président italien du conseil, Silvio Berlusconi :

@rogampf: Ούτε ο Berlusconi δε θα τολμούσε να κάνει τέτοιο πράγμα στη RAI σαν κι αυτό που έκανε ο Λιάτσος στην ΕΡΤ. #Dendias #Arvanitis #Liatsos #ERT

@rogampf: Même Berlusconi n'aurait pas osé faire une telle chose à la RAI [la télévision publique italienne], comme ce qu'a fait Liatsos à l'ERT. #Dendias #Arvanitis #Liatsos #ERT

Les partis et organisations politiques ont condamné la décision de l'ERT, et les journalistes de ERT/NET ont lancé une grève tournante de 24 heures à compter du 30 octobre, pour que la décision concernant leurs collègues Arvanitis et Katsimi soit annulée.

Une rafale de censures 

D'autres affaires de censure ont récemment eu lieu. Le 25 septembre, un internaute grec de 27 ans a été renvoyé devant le tribunal après son arrestation pour “blasphème”, accusé de gérer une page Facebook intitulée “Gerontas Pastitsios” (Pastitsios l'ancien), comprenant des commentaires satiriques sur le christianisme et des personnalités religieuses comme Paisios l'ancien et ses supposées “prophéties”.

Le 11 octobre, des groupes religieux et des néo-nazis ont manifesté pour faire interdire une pièce sur l'homosexualité [en français], “Corpus Christi”, à Athènes, car ils la considéraient comme “blasphématoire” ; ils ont agressé un critique de théâtre et obligé le théâtre à annuler la représentation.

Le 16 octobre, la chaîne publique grecque NET a censuré un baiser entre homosexuels dans une épisode de la série télévisée de la BBC Downton Abbey. “L'ironie de cette affaire est que le nouveau directeur nommé à la tête de ERT/NET TV est l'ancien directeur d'une chaîne de télévision privée qui diffuse constamment des images des folles parties de Mykonos et de fesses nues de femmes durant l'été”, rappelle le blog Keep Talking Greece.

Cette dernière sanction en date contre deux journalistes arrive au lendemain de l'arrestation du journaliste Kostas Vaxevanis [en français], dont le magazine HOT DOC a publié une liste de plus de deux milles noms de personnes ayant des comptes bancaires en Suisse.

1 commentaire

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    […] enfin, les cas de censures se multiplient. Ainsi, comme le rapporte le site Globalvoicesonline, des groupes religieux et liés au parti néo-nazi Aube dorée ont réussi à faire annuler une […]

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