Des activistes rejettent la Déclaration des Droits Humains de l'Asie du Sud Est

[Liens en anglais] Plus de 50 groupes de défense des droits humains d'Asie du Sud Est ont fait paraître une déclaration pour critiquer l'annonce d'une Déclaration des Droits Humains rédigée par les 10 états membre de l'Association des Nations de l'Asie du Sud Est (ASEAN).

La signature de cette déclaration commune a eu lieu lors du 21ème sommet de l'ASEAN à Phnom Penh le mois dernier. L'idée de faire une déclaration commune sur les droits humains avait été discutée au Laos en 2010. Mais les principaux acteurs concernés et les défenseurs des droits humains se sont plaints de ne pas avoir été consultés.

Quand la déclaration a été rendue publique ce mois-ci, elle a été immédiatement rejetée par les organisations régionales de défense des droits humains car elle contient des clauses contraires aux principes universellement reconnus pour la protection de ceux-ci. Elles s'interrogent tout particulièrement sur les principes généraux de la déclaration qui mettent en regard les droits et les devoirs et responsabilités imposés par les pays membres.

 

Des centaines de personnes ont manifesté pour mettre à l'ordre du jour les droits humains lors du 21ème sommet des droits de l'homme à Phnom Penh. Photo de Erika Pineros, Copyright @Demotix (11/16/2012)

La clause controversée est la suivante :

…la réalisation des droits de l'homme doit être envisagée dans un contexte régional et national, en gardant à l'esprit les différentes données politiques, économiques, juridiques, sociales, culturelles, historiques et religieuses.

L'exercice des droits humains et des libertés fondamentales sera soumis aux seules limitations définies par la loi avec pour unique objectif celui de garantir la reconnaissance des droits humains et des libertés fondamentales d'autrui, et de satisfaire aux exigences nécessaires à la sécurité nationale, à l'ordre public, à la santé publique, à la sécurité publique, à la morale publique, ainsi qu'au bien-être général des peuples dans une société démocratique.

Bien sûr, certains droits fondamentaux ont été identifiés dans la déclaration, tels que le droit de vote, le droit de participer à un gouvernement, et le droit de former ou adhérer à un syndicat, mais ces droits, supposés universels, ne peuvent s'appliquer que s'ils sont conformes aux lois et politiques nationales en vigueur.

Prachatai a publié un communiqué des groupes de la société civile qui ont critiqué la déclaration :

Ce document est une déclaration des pouvoirs des gouvernements sous couvert d'un déclaration des droits humains.

Nous déplorons que les gouvernements de l'ASEAN aient insisté pour rédiger une Déclaration qui implique que leurs peuples méritent un accès aux droits humains limité par rapport à ceux dont disposent les peuples d'Europe, d'Afrique ou d'Amérique. Les peuples de l'ASEAN ne devraient pas accepter un niveau de protection des droits humains inférieur à celui du reste du monde.

La Déclaration omet plusieurs droits déterminants et libertés fondamentales, dont le droit à la liberté d'association et le droit d'être libéré en cas de disparition forcée.

Il est très regrettable que les gouvernements de l'ASEAN qui sont plus démocratiques et ouverts aux droits humains doivent subir la pression de gouvernements hostiles aux droits de l'homme et adoptent un instrument totalement inadéquat.

Cette Déclaration ne mérite pas son nom. Nous la rejetons donc. Nous ne l'utiliserons pas dans nos travaux en tant que groupes engagés pour la protection des droits humains dans la région. Nous n'en ferons pas état dans nos échanges avec l'ASEAN et les états membres de l'ASEAN, si ce n'est pour condamner cet outil qui va à l'encontre des droits humains.

Selon Maruah, un groupe de défense des droits humains de Singapour, la déclaration détourne le concept des droits de l'homme:

C'est choquant et trompeur… Cette clause (de la déclaration) est restrictive et détourne le concept des droits humains. Nous sommes très préoccupés par l'emploi du terme ‘moralité publique’ qui est subjectif et peut être interprété de telle manière qu'il porte atteinte aux populations, plus particulièrement aux femmes en les empêchant de faire valoir leurs droits. Cette clause est trompeuse, car l'interprétation subjective du terme ‘moralité’ risque grandement d'accroître la vulnérabilité de certaines communautés … au lieu d'en développer l'universalité. Elle a marginalisé certaines communautés par l'exclusion.

Karapatan, un réseau de défense des droits humains aux Philippines, craint que la déclaration ne soit la porte ouverte à de futures violations des droits :

Ce ne sont pas de simples lacunes de la déclaration, qui peuvent satisfaire les intérêts des états signataires, et nous craignons que ces clauses soient utilisées par les états pour justifier la poursuite des violations des droits humains dans la région. Cette déclaration ne peut pas seulement être jugée insignifiante pour la promotion, la protection et la mise en place des droits humains, elle peut tout aussi bien ouvrir la porte à de futures violations des droits.

Le Comité de Protection des Journalistes indique que le document ‘ne prévoit pas de mécanisme approprié pour sa mise en application’.

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