Des poursuites pour avoir voulu en savoir plus sur la corruption en Espagne

(Les liens renvoient à des pages en espagnol ou anglais)

Après cinq ans de bataille judiciaire, l'ONG Access Info Europe, à laquelle collabore l'auteure de ce billet, a été condamnée au versement de 3000 Euros par un jugement prononcé par la Cour Suprême, qui lui dénie le droit de savoir ce que fait l'Espagne pour lutter contre la corruption.

Cet organisme européen basé à Madrid se bat pour veiller au respect des lois sur la transparence en Europe ainsi que pour la défense du droit à accéder à l'information au niveau mondial afin qu'il soit reconnu commme un droit fondamental.

Le 14 juin 2007, un membre du comité directeur d'Access Info a sollicité une information du Ministère de Justice espagnol, l'interrogeant sur les mesures prises par le gouvernement en application de la Convention de l'ONU contre la corruption. L'information a été démentie et l'affaire est passée entre les mains de la justice jusqu'à l'épuisement des voies juridiques en mai 2012. La Cour Suprême espagnole a estimé que cette demande d'information sur les mesures anti-corruption n'était pour l'ONG qu'un prétexte pour demander des explications au gouvernement – une fonction dévolue au Parlement – et qu'elle serait par conséquent condamnée à une amende de 3000 Euros.

Photo de la campagne montrant les membres d'Access Info prenant connaissance du verdict

La dernière option pour l'organisation est de porter l'affaire devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, ce qui pourrait faire traîner l'affaire plusieurs années. Afin de pouvoir faire face aux frais de justice imposés par la Cour Suprême, l’ONG vient de lancer une campagne de collecte des fonds nécessaires au paiement de l'amende. Les membres de l'organisation précisent que les soutiens de toute nature sont les bienvenus, qu'ils soient financiers ou permettent de diffuser l'information, en considérant qu'il s'agit d'une cause juste : soutenir la lutte pour la transparence en Espagne.

La campagne a reçu de nombreux appuis sur Twitter, le réseau dans lequel un grand nombre de personnalités politiques, d'organisations de la société civile, de journalistes et de citoyens attachés à la cause de la transparence ont contribué à la diffusion de la pétition de soutien. Access Info a récolté plus de 800 Euros dès le premier jour de la campagne. Si la somme récoltée dépasse le montant fixé, l'excédent sera affecté à d'autres litiges.

Le montant à payer et, au fond, la Cour Suprême espagnole (site Web d'Access Info)

Cette affaire est inquiétante à plus d'un titre : elle illustre le déni du droit de connaître les mesures prises pour lutter contre la corruption, tout particulièrement dans la période de crise sans précédent que traverse l'Espagne et qui génère le mécontentement des citoyens. Le contexte ne permet pas de comprendre ce verdict alors que de nouveaux cas de corruption politique sont révélés jour après jour par les médias, une corruption qui éclabousse jusqu'à la monarchie espagnole. Par ailleurs, il y a de quoi s'inquiéter que de telles demandes d'informations soient rejetées alors que l'Espagne débat au Parlement de la loi sur la transparence, l'accès à l'information et la gouvernance. Cette loi a été analysée par des experts internationaux, qui ont fermement critiqué le fait qu'elle marque un net recul face aux normes internationales et qu'elle exclut de larges pans d'informations qui restent ainsi inaccessibles pour les citoyens.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.