Bradley Manning a fourni des documents à Wikileaks pour susciter un débat sur la guerre

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La semaine dernière, Bradley Manning, soldat de l'armée étasunienne dont il a dénoncé les opérations, était appelé à la barre dans un procès militaire, pour expliquer, avec ses propres mots, pourquoi il a transmis des milliers de documents sensibles de l'armée américaine à Wikileaks. La journaliste Alexa O'Brien a rédigé un transcript, non officiel, du témoignage. Bradley Manning a expliqué qu’il avait agi ainsi car les activités militaires des États-Unis en Irak et en Afghanistan l’inquiétaient.

Bradley Manning mural. Photo by mulch.thief. (CC BY-NC-SA 2.0)

Graffiti de Bradley Manning. Photo de mulch.thief. (CC BY-NC-SA 2.0)

Lors de l’audition, les avocats de Bradley Manning ont plaidé coupable pour dix des accusations retenues contre lui, y compris plusieurs charges mineures relatives à l’accès à l’information. Pour ces dix accusations, Bradley Manning risque 20 ans de prison.

Malgré le plaidoyer de défense et le témoignage du soldat, le gouvernement des États-Unis maintient les 22 accusations originales. La plus sérieuse étant d’avoir « aidé l’ennemi », une accusation qui pourrait lui valoir la prison à vie voire la peine maximale, même si le procureur a déclaré ne pas vouloir demander la peine de mort.

Lors de son témoignage devant la cour, Bradley Manning a avoué avoir divulgué des documents à Wikileaks et expliqué pourquoi. Il a décrit son dégoût et sa préoccupation face aux opérations militaires de son pays, qu’il a pu observer depuis son poste d’analyste dans l’armée. Se référant à une vidéo, désormais connue sous le nom de Collateral Murder, où nous pouvons voir des soldats admettant des tirs sur deux journalistes de l'agence Reuters et un certain nombre de civils non armés, il a expliqué à la cour :

Le côté le plus alarmant de la vidéo, à mon avis, est l’apparente soif de sang [des soldats américains]. Ils déshumanisent les individus contre lesquels ils se battent, ne valorisent pas les vies humaines car ils désignent des personnes par les termes « bâtards morts » et se félicitent de leur capacité à en tuer en grand nombre. À un moment, il y a une personne au sol, qui essaye de ramper pour se mettre à l’abri. Elle est grièvement blessée. Au lieu d’appeler des secours médicaux, un membre d’une équipe aérienne demande à la personne de prendre une arme pour avoir une raison de faire feu. On dirait des enfants torturant des fourmis avec une loupe.

Bradley Manning décrit aussi ce qu’il espérait accomplir en fournissant des documents concernant les guerres en Irak et en Afghanistan, connus comme les Iraq War Logs et les Afghan War Diary sur Wikileaks :

Je pensais que si le grand public, et notamment les citoyens des États-Unis, avait accès à ces informations… cela pouvait lancer un débat national sur le rôle de l’armée et sur notre politique étrangère en général, ainsi que sur les guerres en Irak et en Afghanistan. Je croyais aussi que l’analyse détaillée des données sur le long terme réalisée par différents secteur de la société pouvait permettre à celle-ci de réévaluer le besoin, voire l’envie, de s’engager dans des opérations de lutte contre le terrorisme ou contre l’insurrection en ignorant les dynamiques complexes de la population vivant au quotidien dans les régions concernées.

Il déclare avoir ressenti un soulagement après avoir transmis ces informations à Wikileaks :

Avant que les informations ne soient publiées par WLO, je me suis senti soulagé qu’elles soient en leur possession. J’avais le sentiment d’avoir accompli quelque chose qui me permettait d‘avoir la conscience tranquille, en fonction de ce que j’avais vu et lu et que je savais qui se produisait quotidiennement en Irak et en Afghanistan.

Nominé trois fois pour le prix Nobel de la paix, Bradley Manning a passé presque trois ans en prison dans l’attente du début de son procès. Il est apparu devant le tribunal militaire à plusieurs reprises pour des audiences préliminaires visant à déterminer les éléments clés de l’affaire et la forme de son procès. Ces audiences ont spécifié ce sur quoi les personnes appelées à la barre pouvaient témoigner, quelles preuves pouvaient être présentées et les arguments qui seraient considérés par la cour.

Un élément crucial dans son dossier est de déterminer si la sécurité nationale des États-Unis a été menacée par la publication des documents fournis par l’accusé à Wikileaks. Après une bataille juridique de plusieurs mois, la défense du soldat Manning a pu obtenir des rapports de recherches menées par le gouvernement sur cette question. Toutefois, le juge chargé de l’affaire a ensuite décidé que les menaces potentielles à la sécurité nationale ne seraient pas considérées comme un facteur déterminant pour établir la culpabilité de Bradley Manning.

Malheureusement, les autorités ont largement restreint l’accès du public à ces audiences. Les autorités militaires refusent de fournir des transcriptions officielles des audiences et la couverture directe de celles-ci (via Twitter ou blog, par exemple) est interdite. Cela est particulièrement gênant car ces procédures, à l’instar des procès militaires en général, sont supposées être accessibles au public.

Aussi bien le contenu de cette affaire que sa nature, où certaines procédures judiciaires se sont déroulées à huis clos, soulèvent d’importantes questions concernant l’accès à l’information ainsi que la transparence et l’obligation de rendre des comptes du gouvernement des États-Unis. Ces questions et le rôle émergent des entités en lignes, telles que WikiLeaks, qui offrent un accès libre à des documents gouvernementaux sont des thèmes auxquels la communauté de Global Voices Advocacy accorde une importance particulière.

Le procès de Bradley Manning devrait débuter le 3 juin 2013. Des organisations du monde entier prévoient d’organiser des événements de soutien le 1 juin 2013. Pour en savoir plus, consultez le site web www.bradleymanning.org.

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