Des bouddhistes radicaux à l’origine de l’abandon de la mention « halal » au Sri Lanka

Des responsables religieux musulmans confrontés à des manifestations de militants bouddhistes au Sri Lanka ont mis un terme au système généralisé d’étiquetage halal sur les emballages mis en place sur l’île.

Le nouveau mouvement bouddhiste cinghalais Bodu Bala Sena (Force bouddhiste) a organisé de grands rassemblements tout au long du mois de février 2013 pour réclamer l’abolition du système musulman d’étiquetage halal  certifiant si des aliments ou d’autres produits suivent les prescriptions alimentaires de l’Islam.

Les industriels alimentaires du Sri Lanka, en particulier ceux qui exportent vers le Moyen-Orient, ont longtemps utilisé des méthodes halal pour éviter les coûts engendrés par deux lignes de production séparées. Ces produits portaient un certificat halal émis par l’organisation islamique All Ceylon Jamiyyathul Ulama (ACJU).

Mais les protestataires ont avancé qu’il était injuste que les musulmans, qui représentent moins de 10 % de la population sri-lankaise, contraignent une majorité bouddhiste à consommer de la viande préparée selon les lois islamiques.

Halal Logo. Image courtesy Groundviews

Logo “halal”. Image reporduite avec la permission de Ground Views 

Afin d’étouffer les tensions religieuses grandissantes, l'organisation All Ceylon Jamiyyathul Ulama a annoncé le 11 mars 2013 que dans « l’intérêt de la paix » elle arrêterait d’émettre ses certificats dans la région.

Sur Twitter, l’utilisateur « MajlisW1 »  (@majlisW1) a publié la déclaration d'Al Shaikh Rizvi Mufti, président de l’ACJU:

@majlisW1:À l’époque le logo « halal » était incontournable, désormais, en raison de la situation tendue, le logo ne sera pas obligatoire, mais les entreprises pourront choisir de l’apposer sur les emballages ou de l’abandonner – Rizvi Mufti

 Les fonctionnaires de la Chambre de Commerce de Ceylan ont déclaré lors d’un point de presse qu’après s’être entretenus avec les responsables religieux bouddhistes et musulmans, il a été décidé que tous les producteurs sri-lankais devaient retirer immédiatement la mention « halal ».

Le blog d’information dbsjeyaraj.com a rapporté que selon  Bodu Bala Sana, les autorités ont désormais promis de mettre en place des unités spéciales de police pour inspecter les magasins qui vendent encore des produits halal.

Les violences religieuses sont en augmentation au Sri Lanka. Le conflit avec les Tigres tamouls est peut-être terminé, mais l’on signale de plus en plus d’attaques de bouddhistes radicaux envers des musulmans ou des chrétiens.

Sur le site d’information communautaire Lanka Wed, Shenali Waduge explique pourquoi les non-musulmans n’ont pas à accepter les produits halal :

La plupart des restaurants affichent systématiquement des panneaux « certifié halal, sans porc ». Alors que la vache est un animal sacré pour les bouddhistes et les hindous, pourquoi serait-il plus acceptable de manger du bœuf mais pas du porc ? Pourquoi est-ce que les préférences religieuses d’une seule communauté ethnique décident pour le reste de la population quand celle-ci est constituée à 70 % de bouddhistes ?
[…]
Dans tous les cas, il ne devrait pas y avoir de frais à payer pour la certification de la viande halal et aucun non-musulman ne devrait payer un centime ou être contraint de payer avec son argent durement gagné quelque chose qui générera un bénéfice qui ne profite qu’aux musulmans.

Toutefois, le site de journalisme citoyen Ground Views a fait remarquer que les manifestations contre les produits halal ont plus à voir avec la montée des sentiments anti-musulmans des nationalistes bouddhistes cinghalais qu’avec un désir d’équité :

Il y a eu au cours des derniers mois un accroissement des démonstrations de sentiments anti-musulmans virulents de la part de personnes prétendant s’exprimer au nom de tous bouddhistes cinghalais. Des groupes organisés dirigés par des moines bouddhistes ont tenu des réunions publiques, distribué des pamphlets, et fait des déclarations de presse. Des articles publiés dans des journaux cinghalais et anglais traditionnels ont propagé une haine ethnique et religieuse. […] Les attaques envers les musulmans se sont portées sur tout : les certifications halal sur les produits alimentaires ; le port du hijab, de l’abaya et du niqab chez les femmes ; le port de la barbe chez les hommes ; l’adhan ou appel à la prière depuis les mosquées ; la tradition musulmane de fermer les commerces pour les prières du vendredi ; la prédominance de certaines différences sectaires chez les musulmans ; et le débat en cours sur les méthodes d’abattage des animaux pour la consommation de viande.

Le journaliste citoyen Riza Yehiya a écrit que les bouddhistes radicaux jettent l’opprobre sur la communauté bouddhiste dans son ensemble, et détériorent ainsi les relations avec les musulmans : 

La menace adressée à la communauté musulmane est un défi pour cette nation. Elle ne provient pas de la communauté bouddhiste traditionnelle dont la relation avec les musulmans est éprouvée. Elle provient de groupes bouddhistes extrémistes déterminés qui se comportent comme des mercenaires soutenant les élites politiques défaillantes, et servant consciemment ou inconsciemment des intérêts étrangers plutôt que le but consacré de la protection du bouddhisme.

Le blogueur R.M.B. Senanayake a accusé les nationalistes cinghalais, dont certains moines bouddhistes, de mener une campagne de haine contre les musulmans publiquement et sur les médias sociaux en rapportant les incidents récents sur son site web.

Image courtesy Say No To Halal Facebook Page

Image reproduite avec l'autorisation le page Facebook Say No To Halal

Le blogueur politique Indi Samarajiva a écrit sur son site web Indi.ca « le Parti national uni dans l'opposition, a contribué à la controverse sur la question de l’étiquetage halal, en demandant également sa disparition, ce qui est « en conformité avec les intérêts racistes cinghalais ».

Ainsi que le fait remarquer le journaliste citoyen Hejaaz Hizbullah, il n’existe aucune conspiration musulmane au Sri Lanka cherchant à s’emparer des produits halals. Les entreprises ont pris leurs décisions au sujet du halal :

Ce sont les entreprises, et certainement pas les consommateurs musulmans, qui souhaitent ardemment que le halal soit reconnu.

Il a ajouté :

Ce qui inquiète par contre de nombreux musulmans c’est qu’une minorité puisse faire autant de bruit autour de ce « non-problème » et en fasse un problème national. Il ne s’agit pas d’un « problème », mais d’une campagne de haine et d’un programme servant des buts précis qui prend comme prétexte la question de la « certification halal ». Ils veulent mettre le feu aux poudres et s’en prennent donc à n’importe quoi.

Le blogueur Patta Pal Baru est d’avis que la campagne contre le halal n’était pas nécessaire.

Kasun Adikari encourage les bouddhistes à faire preuve de tolérance envers leurs compatriotes musulmans :

En tant que bouddhistes, nous devons savoir respecter les autres religions et leurs pratiques puisque nous appartenons au groupe religieux qui accepte et estime les enseignements raisonnables de chaque religion. Les bouddhistes peuvent également tolérer les pratiques d’autres religions, leurs traditions culturelles et leurs coutumes, même s’ils ne souhaitent pas nécessairement les imiter.

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