Le fact checking sur le web francophone

Un affrontement entre le mari d'une femme portant le niqab et la police à Trappes, banlieue défavorisée de Paris, récemment, a été illustré et commenté par de nombreuses photos et posts de blogs sur le Web. Le blog Les Décodeurs, qui tente de départager le vrai du faux sur le Web francophone, a été prompt à signaler de fausses informations.

Fabrice Florin, le fondateur de NewsTrust et TruthSquad, qui parle français, explique la nécessité du fact checking (vérification de l'information):

On note un nombre croissant de désinformation, particulièrement dans ce climat politique  [..] Face au choix croissant de sources d'informations, quand quelqu'un trouve une info qu’il aime ou avec laquelle il est d'accord, il a tendance à s'accrocher à celle-ci. La raison [du besoin d'initiatives de fact checking] est d'encourager les gens à réfléchir à ce qu'ils lisent ou entendent et à partir de là, à s'interroger sur la véracité de l'information.

Voici quelques exemples récents qui ont été examinés en profondeur par les “vérificateurs d'infos”, sur les médias sociaux francophones.

Rixe à Trappes

Le 19 juillet 2013 à Trappes, le mari d'une femme antillaise portant le niqab aurait tenté d'étrangler un officier de police. A la suite de l'arrestation du mari, 200 personnes ont manifesté devant un commissariat et ont commis des actes de vandalisme. Elles ont finalement été repoussées par la police anti émeutes. Les photos publiées sur le Net était légendées comme celles prise durant cette manifestation. Les  Décodeurs ont révélé de nombreuses erreurs :

Quelques personnes, en général connues pour leur activité militante, diffusent sciemment de fausses informations. C'est le cas de cette photo, diffusée par Stéphane Journot, ancien militant UMP, actif durant la campagne de 2012

Ci-dessous, le tweet qui pose problème, et le lien vers la photo :

La photo avait en fait été prise en 2010 à Lyon. Le site Les Décodeurs ajoute que de nombreux tweets similaires ont été diffusés, en connaissance de cause ou non qu'il s'agissait d'une fausse information.

Le fact checking sur le continent africain

Les pays africains sont bien conscients de l'importance de la vérification de l'information. Ushahidi, la plateforme pionnière de crowd-mapping [cartographie et information collaboratives] est née sur le continent africain  Un projet nommé Africa Check se consacre à la vérification des informations sur les dirigeants africains. Voici comment ils décrivent leur mission :

Nous vérifions les déclarations faites par les personnages publics sur le continent africain, à commencer par l'Afrique du Sud en utilisant des méthodes journalistiques et des preuves obtenues par les plus récents outils en ligne, venant des lecteurs, des sources d'informations publiques, d'expert, pour partager les faits de la fiction.

En Afrique francophone, ces méthodes sont particulièrement utilisées pour le suivi d'élections. Certaines, comme au Sénégal, au Burundi, sont bien connues déjà.  Plusieurs pays sont en période électorale, dont le Mali, le Togo et Madagascar. Pen Plus Bytes consacre une plateforme en ligne spécifique au suivi des élections en Afrique, appelée African Elections Project (AEP). Le site de ce projet écrit l'article suivant sur les élections parlementaires au Togo.

Environ 3,3 millions d'électeurs inscrits voteront aujourd'hui dans 7 600 bureaux de vote pour choisir 91 parlementaires sur environ 1 174 candidats du parti au pouvoir ou de ceux de l'opposition. Cette élection a été repoussée pendant huit mois car l'opposition s'inquiétait du manque de transparence et d'équité du scrutin.

Sylvio Combey au Togo a déjà publié des images de fraudes supposées, sur son compte Twitter.

 

Au  Mali, Fasokan blogueur malien lauréat d'une bourse Rising Voices a participé activement à ce type d'activités de suivi durant la campagne de l'élection présidentielle malienne. Il écrit, à propos d'une formation d'observateurs qu'il a suivi :

Pendant cinq jours, plusieurs thèmes ont été abordés : la loi électorale, la charte des partis politiques, les genres journalistiques (compte rendu, portrait, interview…), les règles de déontologie et éthique du journaliste, les contraintes liées à l’exercice de la profession

Training  for Media and Elections in Mali. Photo by Fasokan published with his permission

Une formation Médias et Elections au Mali. Photo Fasokan reproduite avec autorisation

Madagascar attend aussi des élections, et les inquiétudes montent déjà au vu de fausses informations publiées en ligne. Durant des manifestations, récemment, qui réclamaient un calendrier électoral qui ne changerait plus, une photo, dont la légende affirmait que les manifestants étaient nombreux dans les rues à cette occasion, a été relevée par un contributeur de Global Voices à Madagascar, Jentilisa.

Jentilisa a réagi [malgache]:

Fa maninona ho'aho ity sarin'ny tolon'ny 2009 na fony mbola tsy vita ny lapan'ny tanàna hita amin'ny “grue” manakaiky ny hazo avo ireo no miverimberina hanetanana ny tolonareo e? Sahala amin'ny hoe io no tao androany nefa tamin'ny 2009 ity sary ity?

Pourquoi une photo de 2009 refait-elle surface (taguée comme photo des événements récents) ? On peut voir, à la grue à  l'arrière plan, qu'il ne s'agit clairement pas d'une photo récente. Cette grue était à cet endroit en 2009, n'est-ce pas ?

La photo en question, relevée par Jentilisa, est ci-dessous :

Fact checked photo of protests in Madagascar via Jentilisa - Public Domain

photo ancienne de manifestations à Madagascar, présentée comme récente, via Jentilisa – Domaine public

L'expansion mondiale du Web rend très nécessaire un œil critique et que les méthodes et initiatives de fact checking deviennent plus pratiquées, et mieux connues également.

1 commentaire

Ajouter un commentaire

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.