Brésil : Comment résoudre la crise des transports urbains ?

[Tous les liens pointent vers des pages en portugais, sauf mention contraire]

Les récentes manifestations provoquée par la qualité des services publics et l'augmentation du prix des transports, qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues au Brésil, ont fait du thème de la mobilité urbaine une priorité politique et révélé une crise probable du secteur.

Dr. Jaime Waisman, professeur en transports publics à l'Ecole Polytechnique de l'Université de São Paulo (USP), s'est penché sur la situation:

Essa crise existe e há bastante tempo. Cidades de menor porte estão aumentando progressivamente esses deslocamentos e isso reflete numa queda da mobilidade urbana. De acordo com Waisman, um transporte público caro e de má qualidade gera um processo de exclusão social, cujo reflexo recai sobre a lentidão das cidades deixando-as menos interessantes para investimentos por causa da redução progressiva da mobilidade.

Cette crise existe depuis longtemps. Les villes de moindre importance s'ajoutent progressivement à ces mouvements et cela se traduit par une détérioration de la mobilité urbaine. Selon Waisman, les transports publics, qui sont chers et de mauvaise qualité, conduisent à un processus d'exclusion sociale qui se reflète sur le développement des villes, les rendant moins attractives pour les investisseurs à cause de la réduction progressive de la mobilité.

Un certain mépris pour la loi est mis en évidence par le fait que seules 15 des 5 000 municipalités brésiliennes ont terminé les projets prévus par la loi nationale sur la mobilité urbaine (12.587/12), ratifiée en janvier 2012, qui stipule que d'ici 2015, les villes de plus de 20 000 habitants doivent se doter d'un plan de mobilité. L'association Greenpeace Brésil mène une campagne en ligne pour suivre la préparation des plans de mobilité.

Transport individuel

Traffic in the Anhangabaú tunnel, São Paulo, photo by Ze Carlos Barretta, from Flick under Creative Commons license, taken 5th July 2012.

Embouteilages dans le tunnel Anhangabaú à São Paulo. Photo de Ze Carlos Barretta prise le 5 juillet 2012. License CC BY.

La politique gouvernementale d'investissement dans l'accès à la voiture individuelle a causé des dégâts sociaux, économiques et environnementaux pour la population. En avril 2013, le Secrétariat aux Transports (Denatran) enregistrait 77,8 millions de nouveaux véhicules au Brésil, dont des voitures, des camions, des bus, des caravanes et des motos. En 2011, ce chiffre était moindre :  70,5 millions. L'augmentation du parc automobile national se traduit par un déficit de qualité de vie pour les habitants. Des recherches menées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ont montré qu'environ 30% des résidents de la zone métropolitaine de São Paulo, la plus grande au Brésil, souffrent de troubles liés à l'accélération du rythme de vie dans la ville et au stress dû au trafic.

Un rapport du chercheur et professeur en urbanisme Juciano Martins Rodrigues, publié en septembre 2012, montre qu'en plus de l'augmentation du nombre de véhicules, et par conséquent de l'augmentation des embouteillages et des temps de transport dans les villes, un autre aspect de la mobilité concerne l'efficacité, la sécurité et la gestion des transports publics:

E nesse sentido o Brasil também vai mal. (…) O principal problema é a ineficiência da gestão pública na área da mobilidade urbana, devido sobretudo à falta de transparência, clareza em termos de aplicação de recursos e respeito à população que paga tributos, porém não recebe serviços seguros e eficientes de transporte.

Et dans ce sens aussi, le Brésil va mal. (…) Le problème principal, c'est l'inefficacité de l'administration publique dans le domaine de la mobilité urbaine, en grande partie due au manque de transparence, de clarté dans les termes de l'allocation de ressources et de respect pour la population, qui paie des impôts et pourtant ne bénéficie pas de services de transport sûrs et efficaces.

Dr. Eduardo Fagnani, professeur à l'Institut d'économie d'Unicamp, une université publique de l'état de São Paulo, affirme que:

O problema é que nunca tivemos uma política nacional com gestão de transporte público compartilhada, entre os três níveis de governo nos últimos 60 anos. Essa questão precisa ser enfrentada.

Le problème, c'est que nous n'avons pas eu de politique nationale de gestion des transports publics, aux trois niveaux de gouvernement, ces soixante dernières années. Cette question doit être mise sur le tapis.

SP metro, Photo by Kazzttor, from Flick, under Creative Commons license

Métro de Sao Paulo: “Surcharge, pannes fréquentes, surtout aux horaires de pointe. Un gouvernement qui n'investit pas plus qu'il ne cherche des solutions aux problèmes des gens.” Photo de Kazzttor sous licence CC BY-NC-SA

Les données du gouvernement fédéral indiquent le déblocage [en anglais] de 50 milliards de reais d'investissements [environ 16 milliards d'euros] dans le secteur des transports urbains en réponse aux sollicitations de la population. La moitié des fonds a déjà été réclamée par 3 des 26 états brésiliens. Les demandes d'infrastructures de transports urbains de la part des états de São Paulo, Rio de Janeiro et Bahia s'élèvent à elles seules à un total de 25 milliards de reais [environ 8 milliards d'euros].

Dans un article intitulé “Les milliards de dollars dégagés pour la mobilité urbaine fournissent un terreau fertile pour la corruption à l'échelle mondiale”, l'écologiste et consultant chez Mobilidade Sustentável (Mobilité Soutenable) Lincoln Paiva attire l'attention sur le fait que “des affaires de corruption liées à la mise en place de systèmes de transport au Brésil” émergent occasionnellement:

(…) muitos deles acabam se confirmando, alguns são arquivados  por falta de provas, outros  resultam  na paralisação da construção da obra, com prejuízo direto para a população. No entanto, o que se observa é que não há punição para os envolvidos, empresas continuam fazendo negócios com os governos ou em PPP’s (parceria-público-privada) e pessoas  seguem por aí trabalhando em governos, nas empresas ou em consultorias privadas.

(…) la plupart des cas finissent par être avérés, certains sont classés faute de preuves, d'autres provoquent l'abandon du chantier, ce qui cause des torts directs à la population. Cependant, ce que l'on observe, c'est qu'il n'y a pas de répercussions pour les personnes impliquées ; les entreprises continuent à travailler avec les états fédéraux ou les PPPs (partenariats public-privé) et les personnes impliquées finissent par occuper des postes au gouvernement, dans les entreprises et les firmes de conseil privées.

En quête de solutions

Tandis que le Brésil est confronté à l'absence de planification des transports urbains et avance laborieusement dans l'application de la loi dans la majorité des villes, les solutions au problème de la mobilité adoptées par les grands centres urbains européens et américains passent par l'investissement dans des lignes de métro, l'augmentation des péages [en français] dans les centre-villes pour lever des fonds destinés à l'amélioration des transports publics, et l'expansion du réseau de pistes cyclables et de couloirs de bus.

Sur le blog Planeta Sustentável (Planète Soutenable), Mariana Viktor a identifié une série de mesures qui pourraient aider à l'amélioration de la mobilité urbaine. Parmi celles-ci, on trouve la cohabitation des vélos avec les bus sur les voies réservées et l'intégation des vélos avec les autres formes de transport; un processus participatif d'élaboration de plans de mobilité urbaine; le covoiturage et la marche à pied pour rester en bonne santé; et enfin, la préférence pour le travail à domicile.

En attendant des investissements, certains activistes ont commencé à ‘humaniser’ les grandes métropoles en encourageant l'usage du vélo. Un documentaire produit par le mouvement Vá de Bike (Va à vélo) met en avant la relation nouée par les cyclistes avec la ville de São Paulo. Pé no Pedal (le pied sur la pédale) est centré autour de quelques groupes de personnes qui parcourent la ville à vélo et d'interviews avec des cycloactivistes, le maire et d'autres habitants. L'une des personnes interrogées, Aline Cavalcante, qui partage dans ce film une “déclaration passionnée expliquant comment tout a commencé et pourquoi le vélo [la] faisait et [la] fait toujours se sentir une partie importante de la ville”, conclut sur ces mots:

Sem dúvida ouvir boas histórias de revoluções pessoais muda bastante a maneira como passamos a enxergar a bicicleta e o ciclista.

Il ne fait aucun doute que d'entendre de belles histoires de révolutions personnelles change considérablement la façon dont on perçoit le vélo et le cycliste.

Voici le documentaire Pé no Pedal:

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.