L'effet boomerang de la “boîte de plaintes” du gouvernement espagnol

La ministre espagnole de l'Emploi et de la Sécurité Nationale, Fatima Banez, a lancé une “boîte de plaintes” afin de combattre la fraude au travail. Le gouvernement encourage les citoyens à signaler anonymement les cas de fraudes commis par des entreprises et des travailleurs afin d'approfondir les enquêtes menées par le Bureau de l'Inspection du Travail.

Cartoon by J.R Mora. Used with permission.

Dessin de J.R Mora. Utilisé avec autorisation.

La “boîte” est un formulaire en ligne consultable sur le site du Ministère.

Cette décision a suscité la controverse dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux, et crée un effet boomerang contre le gouvernement espagnol : les premières plaintes reçues grâce à ce système concernaient le gouvernement lui-même et les membres de la sphère politique, non les citoyens ordinaires comme cela était prévu. Une fois de plus, les Espagnols ont démontré leur bon sens et leur humour en répondant à l'action gouvernementale.

La principale critique de cette boîte de plaintes est, qu'avec elle, le gouvernement transforme les citoyens en “mouchards”, créant un climat accusateur qui ressemble davantage à un système autoritaire qu'à une démocratie. Les critiques révèlent aussi que l'objectif réel est de persécuter les personnes les plus vulnérables de la société au lieu de poursuivre les citoyens les plus riches coupables d'évasion fiscale, ou de réduire le chômage.

La contradiction n'est pas passée inaperçue: ceux qui déclarent combattre les fraudes font partie d'un gouvernement accablé par les scandales de corruption massive et suspecté de financer illégalement le parti, le Parti Populaire (PP).

Le journaliste Antonio Maestre a soumis une plainte via la nouvelle boîte, contre la Secrétaire Générale du PP, Maria Dolores de Cospedal, et a invité les followers à marcher sur ses traces:

Le lien vers la boîte de l'emploi où vous pouvez, comme moi, déposer une plainte. Ou une de vos inventions. http://t.co/LjY0rSgP8q

— Antonio Maestre (@AntonioMaestre) 6 août 2013

Capture d'écran d'une plainte soumise par Antonio Maestre

L'économiste Ignacio Trillo a également publié des captures d'écran des plaintes qu'il a soumis sur le site du Ministère contre les fonctionnaires du Parti Populaire, et les affiche sur son blog avec le commentaire suivant:

No hay que ser meridianamente inteligente para interpretar que esta iniciativa de Báñez, que cada vez cuenta en su Departamento con menos inspectores de Trabajo para estas tareas de inspección y control del fraude laboral, en contra de lo que se presume, no va destinada prioritariamente a descubrir y penalizar al malvado empresario explotador que mantiene a su plantilla de personal sin seguros sociales o pagándole en negro (…).Por el contrario, se trata de enfrentar, entre ellos, a las principales víctimas principales de la crisis, trabajadores y también entre pequeños autónomos, mientras más se encuentren en la escala inferior, mejor, como los que cobran ridículas prestaciones como los 420 euros al mes como único ingreso del Plan Prepara de su Ministerio, destinado a desempleados de larga duración que han finalizado la cobertura del desempleo y a los que la derecha, para más deshonra de los afectados, considera unos vagos por no encontrar o querer, como dicen, un puesto de trabajo.

Il ne faut pas être trop intelligent pour comprendre que cette initiative de Banez, qui a de moins en moins d'inspecteurs du travail dans son Département, ne vise pas principalement à découvrir et pénaliser les malfaisants hommes d'affaires qui ne fournissent pas de sécurité sociale à leur personnel ou les paient sous la table… Au contraire, elle affectera, entre autres, les principales et primordiales victimes de la crise, les travailleurs et les auto-entrepreneurs. Et aussi de préférence les personnes au plus bas de l'échelle, celles qui reçoivent des prestations ridicules, comme les 420 euros par mois issus du plan PREPARA, le seul revenu dont peuvent bénéficier les chômeurs de longue durée qui ont épuisé tous leurs droits. Ceux que la droite, dont le manque de respect affecte le plus les chômeurs, appelle des paresseux car ils ne trouvent pas ou ne veulent pas trouver, selon leurs mots, un emploi.

Pendant ce temps, d'autres ont remis en question la légalité de cet outil. La blogueuse Myriam Sanchez Nocea, une professionnelle du droit, a donné une vue d'ensemble de la loi espagnole sur son blog Recursos Humanos y Derechos [es]:

Denunciar a alguien es otorgar al/ a la  denunciante un poder muy peligroso; no sólo porque puede dar lugar a venganzas, revanchas,….; sobre todo es peligroso porque:

-  se otorga a la ciudadanía el poder de interpretar las leyes. ¿Pero tenemos tod@s la formación jurídica necesaria para ello?. Me podrán decir que sólo se pide al ciudadano que señale que  “hay algo que no le cuadra”.

Vale, es verdad. Pero ¿y si la denuncia conllevara la suspensión cautelar de la prestación hasta que el organismo administrativo correspondiente termine la investigación?.

- Se convierte a la ciudadanía en  “agente de la autoridad”, en empleado público. ¿Acabaremos en una sociedad de espías y espiados?. ¿Trabajaremos gratis para el poder?.

Se plaindre contre quelqu'un donne au dénonciateur un pouvoir très dangereux; non seulement car il peut mener à la vengeance, aux représailles…; mais il est surtout dangereux car:

- il donne au citoyen moyen le pouvoir d'interpréter les lois. Mais avons-nous tous la formation juridique pour cela? Selon moi, ll demande au citoyen de signaler uniquement “ce qui cloche”.

D'accord, c'est vrai. Mais si la plainte mène à l'avertissement de suspendre une prestation jusqu'à ce que l'autorité compétente termine son enquête ?

- Il transforme le citoyen en un “agent d'exécution de la loi” dans l'emploi public. Cela créera-t-il une société d'espions et d'espionnés ? Travaillerons-nous gratuitement au service du pouvoir?

Dans un récent article, le journal en ligne El Diaro.es a souligné que même la loi de la gestion de l'Inspection du Travail spécifie “qu'aucune plainte anonyme ne sera prise en considération.” Le gouvernement s'est défendu, arguant que la nouvelle mesure porte davantage sur les notifications que sur les plaintes.

Le blog Los Rábanos por las hojas [es] a désapprouvé tout en ironisant :

 Para la ministra de Empleo, Fatima Bañez “el Estado de bienestar español y las conquistas sociales alcanzadas” están en peligro. Y no, la crisis no tiene la culpa. La gran amenaza se llama fraude laboral y, ante tamaño desafío, la ministra ha recurrido a un arma inesperada: el chivatazo ciudadano.

Pour la ministre de l'Emploi Fatima Banez “l'Etat-providence espagnol et ses acquis sociaux” sont en danger. Et non, la crise n'est pas responsable. La menace principale est la fraude au travail et, face à un tel défi, la ministre a eu recours à une arme inattendue: le citoyen mouchard.

Alors que les premières réactions sur le Net se moquaient essentiellement de cette nouvelle façon de combattre les irrégularités dans le monde du travail, les internautes se mobilisent maintenant contre la boîte de plaintes controversée, et demandent son arrêt.

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