Nouveau naufrage à Lampedusa, le débat européen sur l'immigration clandestine toujours dans l'impasse

Italian Prime Minister, Enrico Letta, visits the site of the coffins before the funeral. Photo Palazzo Chigi used under CC License BY-NC-SA 2.0.

Le Premier Ministre italien, Enrico Letta, en visite sur le lieu où sont disposés les cercueils avant les funérailles. Photo Palazzo Chigi utilisée sous autorisation CC BY-NC-SA 2.0.

[Tous les liens renvoient à des pages en espagnol sauf mention contraire]

Un bateau chargé de 500 immigrants, pour beaucoup des femmes et des enfants, a pris feu et a coulé au large des côtés de Lampedusa le 3 octobre, faisant au moins 363 morts.

Lampedusa [en français] est une petite île italienne située entre la Sicile et le nord de l'Afrique, à un peu plus de 100 km de la Tunisie. A cause de sa proximité des côtes africaines, l'île est l'un des points d'entrée utilisés par les réfugiés et les migrants clandestins pour rejoindre l'Union Européenne. Des Soudanais, Somaliens, Erythréens ou Syriens tombent entre les mains des mafias du trafic d'êtres humains qui utilisent de vieux bateaux de pêche pour les transporter jusqu'au côtes européennes.

Ces voyages dangereux, à bord d'embarcations vétustes et surchargées, se multiplient à la fin de l'été en anticipation de la pause hivernale pendant laquelle de telles traversées sont suspendues à cause des mauvaises conditions de navigation.

Beaucoup des survivants de ce naufrage doivent la vie aux pêcheurs présents dans la zone, cependant, des témoins variés font état de trois bateaux passés près du site de la tragédie sans s'arrêter pour porter secours aux victimes.

Ce comportement s'explique par la peur inspirée aux pêcheurs par la stricte loi Bossi-Fini [en français] contre l'immigration illégale. Cette loi, soutenue par l'extrême-droite et votée en 2002 lors du mandat de Berlusconi, criminalise les immigrants en statut irrégulier ainsi que ceux qui les assistent de quelque façon.

D'après le blog Kaos en la Red,

El otro horror de la ley Bossi-Fini reside en la condena por complicidad con el delito de clandestinidad a las personas que ayuden a un supuesto clandestino a poner el pie en “la tierra de Italia”. Así, los pescadores de Lampedusa que ayuden a una persona que esté ahogándose pueden ver su barco, su instrumento de trabajo, confiscado y ser condenados. Lo cual va completamente en contra de la Convención de las Naciones Unidas sobre los refugiados y del derecho internacional de navegación. Así, Giorgio Bisagna, experto en derecho a la inmigración, abogado en Palermo, afirma: “En el caso del naufragio de Lampedusa, el delito podría haber sido cometido por quienes no han intervenido para auxiliar a refugiados que se encuentran en la mar”.

Une autre horreur de la loi Bossi-Fini réside dans la condamnation pour complicité du délit de clandestinité des personnes qui aident un présumé migrant clandestin à poser le pied sur “la terre d'Italie”. Ainsi, les pêcheurs de Lampedusa qui assistent une personne en train de se noyer peuvent voir leur bateau, leur équipement de travail, confisqué et être condamnés. Cela va complètement à l'encontre de la convention pour les réfugiés des Nations Unies et la loi maritime internationale. Ainsi, Giorgio Bisagna, expert en droit de l'immigration et avocat à Palerme, explique : “Dans le cas du naufrage de Lampedusa le délit aurait pu être commis par ceux qui ne sont pas intervenus pour porter secours aux réfugiés qui étaient dans la mer”.

Map of African immigration routes to Europe. Image from Wikimedia Commons uploaded by the user historicair. With licence CC BY-SA 3.0

Carte des routes d'immigration africaine vers l'Europe. Image de Wikimedia Commons mise en ligne par l'utilisateur historicair. Avec autorisation CC BY-SA 3.0

Le cas de l'Espagne

L'Espagne est un autre des points d'entrée vers l'Europe utilisés par les immigrants africains. Le détroit de Gibraltar [en français], seulement large de 14 km, est une des routes préférée des mafias pour transporter les immigrants en pateras, de petits bateaux ou canots gonflables qui sont bien trop fragiles pour traverser ces mers dangereuses. Les naufrages sont courants et les immigrants doivent souvent être secourus par les pêcheurs et les gardes-côtes de cette zone.

Mais cela pourrait changer bientôt, comme le rapporte le site Internet cuartopoder.es :

Según la reforma del Código Penal que el ministro de Justicia, Alberto Ruiz Gallardón, tiene en cartera quienes faciliten la entrada, acojan, ayuden o alojen a inmigrantes indocumentados incurrirán en delito punible y podrán ser castigados con dos años de cárcel. Algunos colectivos de ayuda a los inmigrantes se movilizaron en abril pasado y han recogido más de 100.000 firmas con la campaña “salvemos la hospitalidad”.

Avec la réforme du Code Pénal prévue par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardón, ceux qui facilitent l'entrée de migrants sans-papiers, et les guident, les assistent ou les logent, vont commettre un délit punissable et pourront être punis de deux ans de prison. Des collectifs d'aide aux migrants se sont mobilisés en avril et ont récolté plus de 100 000 signatures avec la campagne “Sauvons l'hospitalité”.

Manque de volonté des autorités européennes

Outre le détroit de Gibraltar, d'autres importantes routes d'entrée en Espagne pour les immigrants sont les Iles Canaries et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sur la côte nord de l'Afrique.

La politique de l'Union Européenne (UE) laisse le sauvetage des immigrants sans-papiers entre les mains des Etats membres dans les eaux desquels ils ont fait naufrage, et n'alloue pas d'assistance financière spéciale à ceux les plus affectés par ce problème. Les pays méditerranéens, qui souffrent plus sévèrement de la crise économique que ceux du nord, demandent de l'aide à l'Europe depuis des années sans obtenir de réponse.

La montée des partis d'extrême-droite [en français] avec une profonde idéologie xénophobe qui veulent le renforcement de la forteresse Europe contre l'immigration illégale, poussent les gouvernements européens à durcir leur position sur le sujet de manière à contre-carrer le discours populiste de l'extrême-droite.

Le 8 octobre, 28 ministres de l'intérieur européens se sont réunis à Luxembourg avec l'intention de résoudre la question du sauvetage des immigrants sur la côte méditerranéenne de l'UE. Une fois de plus, la rencontre fut un échec, comme le décrit El País :

Toda la reprobación y la vergüenza que han expresado los políticos europeos tras la tragedia de Lampedusa han quedado, de momento, en una mera declaración de intenciones. La Unión Europea se mostró ayer incapaz de concretar un proyecto para rescatar a inmigrantes que naufraguen en las costas del Mediterráneo. La Comisión Europea trasladó su propuesta a los Estados miembros, pero ninguno fue capaz de ofrecer ni calendarios concretos ni dotación económica para intentar paliar el drama de quienes se lanzan al mar para llegar a Europa. 

Toutes les condamnations et regrets exprimés par les politiciens européens suite à la tragédie de Lampedusa n'ont été, pour le moment, rien de plus que des déclarations d'intentions. L'Union Européenne a démontré hier qu'elle est incapable de mettre en place un projet  pour secourir les immigrants qui font naufrage au large des côtes méditerranéennes. La Commission Européenne a transféré ses propositions aux Etats membres, mais aucun n'a été capable d'offrir un calendrier concret ou des ressources économiques pour essayer de soulager la souffrance de ceux qui prennent la mer pour rejoindre l'Europe.

Nacho Torreblanca le résume ainsi sur Twitter :

Lampedusa n'est pas une tragédie. C'est la conséquence d'une série de décisions politiques délibérées http://t.co/YJGRe13257

— Nacho Torreblanca (@jitorreblanca) 11 octobre 2013

Tombs of unidentified immigrants in Tarifa's cemetery (Spain). Screen capture from a video by canalsuresposible on YouTube

Tombes d'immigrants non-identifiés au cimetière de Tarifa (Espagne). Capture d'écran d'une vidéo de canalsuresposible sur YouTube

Manuel Zaguirre explique sur le site Internet Rebanadas de realidad [Tranches de réalité] :

El Papa Francisco, cuyas declaraciones, decisiones, tomas de postura y testimonio de vida me merecen cada vez más interés, visitó en el mes de Julio la isla de Lampedusa. Pudimos conocer entonces que tiene apenas 5000 habitantes y que han sido casi el doble los inmigrantes que han muerto a orilla de su “mare nostrum” en los últimos 15 ó 20 años. Conocimos, también, de la solidaridad de sus habitantes y de la combatividad de sus autoridades locales, con la Alcaldesa al frente, denunciando la falta de apoyos e interés ante el desborde y la tragedia de los inmigrantes.

Le Pape François, dont les déclarations, décisions, positions et témoignage de vie méritent de plus en plus mon intérêt, a visité l'île de Lampedusa en juillet. Nous avons ainsi pu apprendre que l'île compte seulement 5000 habitants et que le chiffre d'immigrants morts sur les rivages de cette “mare nostrum” durant les 15 ou 20 dernières années correspond presque au double de ce chiffre. Nous avons aussi découvert la solidarité des habitants de l'île et la combativité de ses autorités locales, avec à la tête sa maire, qui dénoncent le manque de soutien et d'intérêt face au débordement et à la tragédie des immigrants.

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