Amour et politique dans la culture d'expression française

Julie Gayet at Deauville film festival  via wikipedia  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0

Julie Gayet au Festival du Film de Deauville via Wikipedia Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0

Le monde entier n'ignore plus rien de la tumultueuse vie amoureuse du président français François Hollande. Sa liaison avec l'actrice française Julie Gayet et la maladie consécutive de sa compagne actuelle et toujours Première Dame française en titre Valérie Trierweiler a fait la semaine dernière la couverture de la presse mondiale. M. Hollande est aussi le père des quatre enfants de sa compagne précédente Ségolène Royal, une femme politique arrivée deuxième à l'élection présidentielle française de 2007.

Sa vie sentimentale est donc un tantinet compliquée, pour autant il n'est pas le premier président français à avoir une famille non conventionnelle (qu'on pense à François Mitterrand [anglais] et Félix Faure [anglais]). On s'accorde à dire que l'électeur français ne tient pas compte de la vie privée des hommes et femmes politiques au moment de glisser le bulletin dans l'urne. De fait, un sondage du Pew Research Center suggère que les électeurs français seraient plus indulgents que d'autres envers l'infidélité [anglais] :

47 % seulement des Français disent qu'il est moralement inacceptable pour les gens mariés d'avoir une relation extra-conjugale, le plus bas pourcentage des 39 pays étudiés en 2013 par le Pew Research Center. En fait, la France était le seul pays où moins de 50 % des réponses disaient l'infidélité inacceptable. Au contraire, quatre sur dix pensent que ce n'est pas un problème moral, tandis que 12 % disent que c'est réellement moralement acceptable.

Le point de vue français sur l'adultère et la politique a souvent intrigué ses voisins anglophones. Adam Gopnik au Royaume Uni a formulé la dissonance culturelle entre les deux cultures [anglais] mise en évidence par l'éclatement au grand jour de la liaison de François Hollande : 

La France n'est pas une société puritaine, elle tient les appétits humains de sexe et de nourriture pour normaux, ou “la normale”, pour employer un terme très en vogue ici, et estime que les velléités pour réprimer l'un ou l'autre mettraient hommes et femmes à bout de nerfs pour ne pas dire plus […] 

Les puritains sont les gens les moins prudes au monde. Ils trépignent d'épingler un A écarlate d'adultère sur le vêtement ou tenir un rituel public d'humiliation. La meilleure illustration en est l'indignation outrée dirigée la semaine dernière par les journalistes de tabloïds britanniques contre leurs homologues réticents de la presse française. 

Quelques lecteurs se sont démarqués de l'interprétation de Gopnik. “Sean in Belgium” argue qu'il suffit de regarder les récentes manifestations de masse en faveur des valeurs familiales et l'interdiction de la prostitution en France pour trouver les failles de cette théorie :

C'est une caricature des complexités du comportement français que de dire que le désir est accepté. on est, après tout, dans le pays qui vient d'interdire la prostitution.   

Amour et vie privée dans les pays d'expression française

Etant donné l'influence culturelle qu'a eue la France dans les pays de son ancien empire, on ne peut s'empêcher de se demander si la vision décontractée du sujet s'étend à ses anciennes colonies.

A première vue, on pourrait penser que la tolérance française n'a pas gagné les autres pays francophones. L'étude précitée du Pew Research Center notait qu'une large majorité de personnes interrogées au Sénégal, au Liban, en Tunisie et au Canada considéraient les relations extra-conjugales comme moralement inacceptables [anglais]. En Côte d'Ivoire, les nationaux sont souvent déroutés par les choix de la France en matière d'amour et de relations sentimentales.

Ailleurs, les réactions ont été plus diverses. Au Maroc, le célèbre écrivain Tahar Ben Jelloun approuve la discrétion que demandent les personnalités publiques s'agissant de leur vie sentimentale. Voici sa lettre ouverte à la compagne de Hollande Valérie Treilweiler

Je pense à vous en ce moment où votre vie intime, la vôtre et celle de votre compagnon, est sujet de curiosité malsaine, une espèce de cambriolage en plein jour où l'on saccage tout sans penser aux conséquences non seulement sur votre existence, mais aussi celle de vos enfants.[..] Je pense à vous parce que je sais la douleur et la violence, je sais aussi l'attente et l'espoir. Une histoire d'amour est née entre vous et celui qui allait devenir président. Les gens sont durs et s'imaginent que la vie de ceux et celles qui sont sous les lumières de l'actualité ne mérite que des claques. [..] À présent, il vous faudra choisir : continuer à vivre à côté d'un homme qui est ce qu'il est et qui ne changera pas, ou bien tourner cette page douloureuse et trouver votre place

Dans d'autres ex-colonies, les gens ne se gênent pas pour discuter d'affaires de coeur. Certains se délectent même du mot “amour”. A Madagascar, l'ex-président de la transition Andry Rajoelina a changé la devise du pays pour y ajouter le mot : “Fitiavana, Tanindrazana, Fandrosoana” (Amour, Patrie, Progrès). L'ex-Première Dame Mialy Rajoelina dirige une association appelée FITIA (Amour), un organisme caritatif qui s'occupe d'éducation des enfants abandonnés. 

L'accent mis par celle-ci sur le développement de la compassion a trouvé un écho chez beaucoup de Malgaches, comme le montre l'utilisateur de Twitter @tagnam :

Au Cameroun, le blog collectif 237 Online s'interroge sur le droit à une vie privée des personnages publics. Maximilien Ombé s'est demandé quelle serait l'information sur une telle liaison :

On se demande si c'est possible qu'au Cameroun les médias aient le droit de publier des informations relatives aux loves stories des hommes publics notamment du Chef de l'Etat Paul Biya.

Dieudonné Mveng ajoute :

Dès lors qu'on est politique qu'on est une personnalité on est la boussole de la société. La population prend exemple sur nous. C'est aux personnes publiques de bien se tenir.

Ampère Simo conclut :

La règle qui doit guider les médias et les professionnels de l'information dans le traitement des affaires touchant à la vie privée des individus consiste à ne révéler que ce qui est d'intérêt public.  

Mais si les pays francophones n'ont pas fait leur l'attitude décontractée des Français envers les vies amoureuses de leurs élites, c'est peut-être aussi qu'ils préfèrent glisser sur ce genre de sujets pour s'intéresser aux affaires publiques plus pressantes.

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