#FreeBassel : Dans les coulisses de la résistance syrienne

Bassel "Safadi" Khartabil. Photo de Joi Ito via Flickr (CC BY 2.0)

Bassel “Safadi” Khartabil. Photo de Joi Ito via Flickr (CC BY 2.0)

Ecrit par Monique Doppert

J'ai fait la connaissance de Bassel à la rencontre des blogueurs arabes de 2009 à Beyrouth. La première fois que je l'ai vu en action, il aidait un présentateur à traduire un article technique de l'anglais à l'arabe — dans l'improvisation car on avait sollicité son aide à la dernière minute. Durant une pause café il m'a parlé de son projet d'ouvrir un espace hacker à Damas. Je savais que c'était un type très spécial.

Après sa conférence historique nous nous sommes vus à quelques reprises à Beyrouth et Damas. Et bien entendu j'ai visité son espace hacker, Aikilab.

Personne ne s'attendait à ce que la révolution arabe prenne dès son entame une expansion si rapide. Depuis ses débuts en mars 2011, je suis resté en contact avec Bassel et quelques uns de ses amis d'Aikilab. Je lui ai parlé d'un projet de diffusion de récits que je voulais faire, celui-ci devant se focaliser sur un groupe d'amis de la région. Avec le temps, cette idée initiale se transforma en un récit journalistique centré sur un personnage principal – Bassel. Damas devenant de plus en plus dangereuse à visiter, nous avons maintenu le contact par mail, Skype et à travers ses billets de blog et tweets (qui sont nombreux).

Free Bassel art via @YallaSouriya

Free Bassel art via @YallaSouriya

Bassel est un web-entrepreneur épanoui. Avant son arrestation, il avait travaillé pour des entreprises internationales, gagnant confortablement sa vie, et il passait de bonnes soirées animées avec ses amis du milieu cinématographique et artistique syrien. Lorsqu'un journaliste de la BBC lui a demandé de faire des vidéos sur la révolution syrienne et de les diffuser en cachette en dehors du pays, sa vie changea radicalement. Il dirigea une équipe de volontaires seulement armés de leurs téléphones cellulaires pour filmer la révolution syrienne et diffuser ses nouvelles via les réseaux sociaux. Bassel appréciait secrètement ce travail de résistance. Il se fit des amis à vie et rencontra la femme de ses rêves. Mais le combat se durcit. Les amis fuirent, furent arrêtés ou tués. Durant une longue période, Bassel lui même demeura étonnement indemne. Ses amis commencèrent à se poser des questions: qui le protégeait ? Ensuite, le 15 mars 2012—coîncidant avec le premier anniversaire de la révolution syrienne —la chance de Bassel s'interrompit. Il fut arrêté et torturé. Il est toujours emprisonné à ce jour.

Après son arrestation, mes recherches devinrent plus systématiques. Bassel fit des choses extraordinaires durant la première année de la révolution – je suis certain que l'histoire que je décris, ci-dessus, ne révèle que la pointe de l'iceberg.

Ecrire une histoire en tant qu'acteur externe est difficile, mais cela comporte aussi beaucoup d'avantages. Il est facile de poser des questions idiotes et comme je ne parle pas arabe, je me suis retrouvée à observer et à regarder les expressions de visages, le langage du corps et d'autres détails avec plus d'attention. Bien que l'on manque sans aucun doute certains aspects de l'histoire, analyser une situation de loin aide à mieux la clarifier et à la mettre dans une perspective plus large.

J'ai consulté la famille, les amis et les experts sur les risques encourus à publier l'article. La majorité pensa que l'importance de publier cette histoire dépasse de loin les nombreux risques potentiels. C'est la petite histoire d'un groupe d'amis – jeunes citadins de la classe moyenne – une partie de l'histoire récente de la Syrie. En tous points de vue, leur façon de vivre et leurs rêves ressemblent beaucoup à ceux de leurs cadets citadins, encore que leurs vies changèrent complétement pendant la révolution et la guerre civile consécutive.

Je pense qu'il est important de faire ressortir les premières idées pacifiques de la révolution. J'espère sincèrement que quelque lumière d'espoir de cette époque éclairera la guerre civile actuelle, et survivra à la violence et à la destruction qui ruinent présentement le pays.

Tout ce que je peux faire maintenant c'est espérer que Bassel redevienne très vite un homme libre. Il pourra alors rejoindre son épouse, sa famille et ses amis. Et lire cette histoire sur son smartphone.


Monique Doppert est une chroniqueuse qui défend la liberté d'expression . Chargée de projet chez Hivos, elle vit aux Pays Bas.

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