Au Cameroun, un ministre arrêté et relâché 24 heures après

Le ministre camerounais de l'Enseignement secondaire, Louis Bapes Bapes a été placé en garde à vue [anglais] lundi 31 mars 2014 sur des charges de détournement de fonds, après sa convocation devant la Cour criminelle spéciale du Cameroun dans ce qui était prévu comme une enquête de routine sur la corruption dans son ministère.

Tandis que l'opinion essayait encore de comprendre l'arrestation sans précédent d'un ministre en exercice, le mandat d'arrêt a été retiré 24 heures à peine après son émission et le ministre relâché [anglais]. Beaucoup ont d'abord pensé que la nouvelle de sa remise en liberté était un poisson d'avril, jusqu'à ce que la télévision montre les premières images d'un Bapes à l'alure frêle [anglais] de retour au milieu de sa famille et de ses amis.

Certains récits ont prétendu que le Président Paul Biya avait été pris de court par l'arrestation et qu'il avait ordonné sa libération immédiate sitôt informé. Le portail Camer.be a avancé une autre théorie, selon laquelle l'arrestation de M. Bapes Bapes se voulait un avertissement à d'autres ministres du gouvernement :

De l’avis de certains analystes, M. Paul Biya a voulu lancer un message à ses ministres. De la sorte, il a créé une panique générale et un malaise entre le pouvoir judiciaire et l’exécutif. Les ministres camerounais, même en fonction, ne sont plus des intouchable[s].

Dans un point de presse le même soir, le Ministre de la Communication Issa Tchiroma a expliqué officiellement pourquoi son collègue avait été emprisonné puis relâché en l'espace de 24 heures :

Dans la journée du 31 mars 2014, Monsieur Louis Bapès Bapès, Ministre des Enseignements Secondaires, a été placé en détention provisoire par le juge d’instruction du Tribunal criminel spécial. Dans le cadre d’une procédure suivie contre lui pour détournement de deniers publics. Le 1er avril 2014, en application du pouvoir que lui confère les dispositions de l’article 222 alinéa 1er du code de procédure pénale, ce juge a donné main levée d’office du mandat de détention provisoire décerné à l’encontre du sus nommé. En effet, d’après cet article je cite: «le juge d’instruction peut à tout moment, jusqu’à la clôture de l’information judiciaire, d’office, donner main levée de mandat de détention provisoire» fin de citation. En la matière, le juge n’obéit qu’à sa conscience et n’a de comptes à rendre à personne. Il y a lieu de rappeler que d’une part, d’après l’article 1er du code pénal, la loi pénale s’impose à tous. Et que d’autre part, la procédure d’information judiciaire suivie contre lui, suit son cours normalement. Voici la communication que je voulais porter à votre connaissance. En raison du fait que l’affaire se trouve entre les mains de la justice, un pouvoir indépendant, jaloux de son indépendance et de ses prérogatives, il ne m’est pas permis de répondre à une quelconque question qui tarauderait l’esprit des journaliste.

Les explications n'ont pas réussi à convaincre tous ceux qui voient dans ce feuilleton la marque d'un gouvernement en pleine confusion :

Dans le même esprit, le blog Mantango Club a déploré ce qu'il appelle la désacralisation de la fonction ministérielle :

A la suite de cette rocambolesque arrestation, je suis tout de même confus par cette facilité et cette manie que nous avons, dans ce pays, de la désacralisation de la fonction ministérielle, de l’autorité de l’Etat, de la banalisation institutionnelle à défaut de parler de crime… un ministre qui est soupçonné de vol ou de prévarication doit rendre sa démission ou être déposé par respect institutionnel avant son arrestation. Arrêter un ministre en fonction sans décret de destitution préalable est une barbarie d’autocrate contre les institutions de la République qu’il confond à sa cuisine et de terreur à l’égard des ministres membres du gouvernement de la République.

Le fait que M. Bapes Bapes ait pu réellement être envoyé à la célèbre prison de Kondengui (où d'autres éminentes figures du pouvoir sont enfermées, comme l'ex-Premier Ministre Ephraim Inoni), puis ait réussi à en ressortir libre le lendemain, en a plongé plus d'un dans la perplexité. @PierreChrist_ a ironisé :

Tandis que les Camerounais ruminaient les étranges événements des derniers jours, le portail d'actualités Cameroon Info soulevait une question présente dans de nombreux esprits :

On se pose la question de savoir si la libération provisoire de Bapès Bapès ne lui offre pas une occasion en or de prendre la poudre escampette? Il faut faire vite, avant qu’il ne soit trop tard…

L'image de vignette est une capture d'écran d'un reportage d'Equinoxe TV.

2 commentaires

Ajouter un commentaire

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.