Le coup d'Etat et la guerre de l'information en Thaïlande

Manifestants anti-putsch en Thaïlande. Photo de Prachatai via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Manifestants anti-putsch en Thaïlande. Photo de Prachatai via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

En Thaïlande, une guerre de l'information est en cours. Au-delà du putsch et de la loi martiale établie par l'armée, il y a la censure. Sur ordre militaire, des chaines du câble, des stations de radio et de télévision ont été fermées et il a été recommandé aux utilisateurs des réseaux sociaux d'être « très prudent » – le tout avant que le coup d'Etat soit déclaré.

Peu d'informations politiques sont diffusées en Thaïlande ces jours-ci. Le commandant en chef de l'armée Prayuth Chan-Ocha a éxigé [En] que les chaînes de télévision publiques n'émettent que des nouvelles en provenance de sources approuvées par l'armée. Les téléviseurs de nombreux Thaïlandais n'émettent que des rediffusions d'annonces militaires, jour après jour. Le manque d'informations est effrayant à un moment ou les habitants sont avides de nouvelles. Bien que la plupart des Thaïlandais soient habitués aux couvre-feu, il y en a eu tant ces 10 dernières années, avoir une idée de ce qu'il se passe dans le pays pourrait aider à soulager l'esprit de toute une population contrainte à rester chez elle – et savoir ce qu'il se passe dans leur pays est un droit.

Bien que la loi martiale soit normalement accompagnée par des restrictions imposées à la presse et à la liberté d'expression, cette fois l'armée a fait preuve de beaucoup de prudence. Contrairement au dernier coup d'Etat en 2006, cette année les hommes en uniforme ont diffusé des déclarations fermes et explicites sommant les producteurs de nouveaux médias et de médias traditionnels de surveiller leur comportement. Les responsables de la transmission et de la diffusion de l'information ainsi que les fournisseurs d'accès à internet ont été convoqués à des réunions et mis en garde contre les comportements « déplacés » à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux.

Parmi les 19 déclarations [Th] officielles publiées par le Conseil national pour la paix et le maintien de l'ordre récemment formé, six ciblent spécifiquement les nouvelles et les flux d'information. L'armée prétend devoir contrôler la télévision, les stations radio et internet afin de veiller à la diffusion d'informations « correctes » et « vérifiées » à la population. Selon certaines sources, les membres du conseil s'inquiètent de la communication sur les réseaux sociaux, où leur contrôle est le moins direct. Ils ont ouvertement exprimé leurs craintes, signalant que des flux d'informations non censurées pourraient poser plus de problèmes au régime militaire et à l'Etat dans son ensemble.

Une déclaration du conseil exige des fournisseurs d'accès internet qu'ils surveillent les réseaux sociaux et qu'ils en effacent les informations qui pourraient « entraîner des désordres » dans le pays. Le texte annonce :

Afin de diffuser des informations en ligne correctes à la population et en vue d'éviter les manipulations qui pourraient créer des malentendus ou faire éclater un conflit, les fournisseurs d'accès internet :

  1. Se doivent de surveiller et arrêter toute diffusion d'information qui pourrait engendrer le désordre au sein du royaume ou qui pourrait avoir un impact négatif sur la stabilité de l'Etat ou le moral de la population.

  1. Sont convoqués à une réunion au Bureau national de la diffusion et des télécommunications.

De quoi l'armée a-t-elle peur ? Beaucoup d'inquiétudes seraient motivées par la menace d'une « campagne de propagande d'incitation à la violence menée par des individus mal intentionnés ». L'armée croit [Th] que des groupes « secrets » [Th] sont déterminés à faire des ravages dans le pays.  A moins de réussir à contrôler et à centraliser la diffusion d'informations, Ils s'inquiètent qu'ils ne parviendront pas à gagner cette bataille. Une bataille qui n'oppose pas seulement les Sninawatra et « le reste », mais plutôt l'Etat et « ses opposants ».

Depuis le décret de la loi martiale, les forces de sécurité ont commencé à arrêter ceux suspectés de mener des activités subversives. Des armes de catégorie militaire auraient été trouvées [Th]. Certaines de ces armes seraient soupçonnées d'avoir appartenu à des personnes en lien avec les mouvements de protestation.

La prise de contrôle militiaire des médias est elle justifiée ? Lors du dernier coup d'Etat, en 2006, bien que l'armée ait imposé certaines restrictions à la liberté des médias, la situation n'avait pas abouti à un tel niveau de verrouillage de l'information. Beaucoup de chaines de télévision privées en Thaïlande étaient principalement apolitiques : la plupart ne diffusait que des feuilletons, des jeux et des vidéos de musique. Peut-être cette quasi-interdiction pesant sur les médias est-elle destinée à semer la peur à l'échelle du pays. Ou peut-être l'armée croit-elle que cela contribuera à supprimer les voix de l'opposition.

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