En Allemagne aussi : stages payés au lance-pierre, “même pas honte !”

Documents de candidature

Documents de candidature, photo d'Anne Hemeda, 29 mai 2014.

Dans quelles conditions peut-on considérer qu'un stage relève de l'exploitation ? L'Allemagne n'a toujours pas adopté de salaire minimum général et les limites de ce qui semble acceptable sont régulièrement dépassées.

“N'avez-vous pas honte ?” demande un membre de la liste de discussion de la section Relations internationales de l'Association allemande de sciences politiques (Deutsche Vereinigung für Politische Wissenschaft) (IB-Liste) dans une lettre ouverte, lorsqu'une entreprise d'utilité publique recherche via la liste un stagiaire rémunéré 900 euros par mois pour un travail à plein temps d'assistant personnel du vice-gérant. Cette question a suscité instantanément un vif débat parmi les quelques 12 000 membres de la liste de discussion.

Les offres pour des stages peu ou pas rémunérés ne sont pas rares. Sans parler des remboursements de déménagement forfaitaires ou des remboursements des frais de transport. Les étudiants économisent pour leurs stages, afin de faire face aux frais entraînés et, bien souvent, compenser la perte de leurs revenus, dans la mesure où il est pratiquement impossible d'envisager un job d'appoint pendant la période de stage à plein temps.

La question est donc de savoir quels étudiants ou diplômés peuvent se permettre ce genre de postes. La lettre ouverte de Franz Schröder aboutit à cette conclusion :

A supposer que votre stage soit réellement un tremplin en termes de carrière, vous finiriez – comme de nombreuses associations proposant des stages non payés, etc. – par renforcer les inégalités sociales, dans la mesure où les enfants d'ouvriers ne peuvent pas se permettre de travailler pour vous.

Nombreux sont ceux qui acceptent alors des activités non rémunérées, dans l'espoir que cette référence fera bonne impression sur leur CV et qu'au terme d'une période de privations consistant en différents stages à peine ou pas rémunérés, ils pourront espérer un job bien payé. Cet espoir est douteux lorsque les activités qui leur sont confiées sont de type administratif et que le stage ne prévoit pas de formation initiale ou continue.

En mars dernier, une stagiaire a obtenu la reconnaissance par un tribunal du travail du bien-fondé de la plainte qu'elle avait déposée contre son employeur qui l'avait fait travailler sans rémunération, rapporte le Spiegel Online. Le contrat était immoral dans la mesure où l'employeur avait exigé l'exécution d'un travail régulier pour faire des économies sur le coût du travail, sans aucune optique de formation.

Définition du Duden

Definition du stage par le Duden, photo d'Anne Hemeda, le 29 mai 2014.

Il est paradoxal par ailleurs que ce soit précisément dans le secteur des organismes à but non lucratif que l'on se permette de contrevenir au droit du travail avec ses propres collaborateurs. En 2012, Mario Schenk, diplômé de l'enseignement supérieur a envoyé une “non-candidature” pour un poste qui l'intéressait et a partagé ce document sur la liste de diffusion Reflect-Info. Il y écrit : “Je n'ai tout simplement pas les moyens de me permettre le poste qui est à pourvoir chez vous.” Il est incroyable qu'une organisation, dont la “priorité est de s'engager pour le droit”, soit en contradiction “de manière aussi flagrante” avec son “engagement et ses priorités”, en proposant un tel dédommagement. Le projet Absageagentur, a envoyé lui-aussi des “non-candidatures” au printemps 2014 afin “d'opposer une fin de non-recevoir au travail salarié intolérable”.

Face à l'intérêt croissant exprimé par les lecteurs sur la liste IB, un document a été publié, dans lequel des personnes volontaires et engagées recueillent des idées en vue d'une future campagne. Une liste de diffusion a été mise en place pour les personnes intéressées, qui sont plusieurs centaines, ainsi qu'un groupe Yahoo, un groupe Facebook et enfin un “Hall of Shame (mur de la honte) des offres d'emploi les plus scandaleuses“.

Alors que la campagne continue à être planifiée, la lettre ouverte de Franz Schröder a réactivé l'intérêt pour ce sujet maintes fois discuté. Lorsqu'une autre liste de diffusion a publié l'offre de stage d'un institut proposant un dédommagement mensuel de 100 euros, plusieurs personnes ont demandé de préciser s'il s'agissait d'une faute de frappe. Effectivement : l'institut a retiré l'offre de stage en question, puis a publié un communiqué, avant de diffuser une description modifiée du stage.

Il reste à voir quels seront les effets de la disposition sur le salaire minimum, décidée début avril par le Bundeskabinett et qui devra s'appliquer aux stages non obligatoires de plus de six semaines.

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