Du bon et du mauvais dans le nouveau Code du Travail cubain

Entra en vigor el nuevo Código de Trabajo cubano (Foto: Alejandro Menéndez Vega)

Entrée en vigueur du nouveau Code du Travail cubain (Photo d'Alejandro Menéndez Vega, utilisée avec autorisation)

Après des mois de discussions intenses au sein de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, le nouveau Code du Travail vient d’entrer en vigueur dans un contexte de développement des activités privées et d’incitation aux investissements étrangers. L’exclusion des articles sur la discrimination relative à l’identité de genre et sur le harcèlement ont cependant provoqué une polémique sur l’île.

Le nouveau Code met l’accent sur l’interdiction du travail des mineurs et la protection spéciale des jeunes entre 15 et 18 ans. En outre, il réglemente le droit des travailleurs quant aux heures supplémentaires et au repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’aux congés payés.

« La presse nationale évoque beaucoup cette nouvelle loi », constate Camilo García sur son blog, « surtout sur ce qui réglemente les relations de travail dans les entreprises privées, une législation nécessaire face à leur croissance exponentielle, d’où la nécessité de protéger les salariés ».

L’identité de genre négligée

La identidad de género no fue incluida como causa de discriminación en el nuevo Código de Trabajo (Foto: Jorge Luis Baños)

 (Photo de Jorge Luis Baños, utilisée avec autorisation)

L’identité de genre n’a pas été considérée comme une cause possible de discrimination dans le nouveau Code du Travail, où a seulement été incluse « l’orientation sexuelle ». L’article 2b, qui se réfère aux motifs de discrimination, a généré une profonde polémique sur les blogs et les réseaux sociaux. Cette disposition prévoit que :

Todo ciudadano en condiciones de trabajar tiene derecho a obtener un empleo atendiendo a las exigencias de la economía y a su elección, tanto en el sector estatal como no estatal; sin discriminación por el color de la piel, género, creencias religiosas, orientación sexual, origen territorial, discapacidad y cualquier otra distinción lesiva a la dignidad humana.

Tout citoyen capable de travailler a le droit d’obtenir un emploi de son choix ou correspondant aux exigences de l’économie, tant dans le secteur public que privé ; sans discrimination relative à la couleur de peau, le genre, les croyances religieuses, l’orientation sexuelle, les origines ethniques, le handicap et toute autre signe particulier préjudiciable à la dignité humaine.

Le journaliste et activiste pour les droits sexuels, Francisco Rodríguez, note sur son blog :

Estoy indignado porque ocurrió lo que no debía suceder. El nuevo Código de Trabajo acaba de ser publicado, sin incluir de forma explícita a la identidad de género como uno de los motivos para no discriminar, dentro de los principios fundamentales que rigen el derecho al empleo.

Je suis choqué car ce qui n'aurait pas dû arriver vient de se produire. Le nouveau Code du Travail vient d’être publié, sans inclure de façon explicite l’identité de genre comme cause de discrimination, parmi les principes fondamentaux qui régissent le droit du travail.

La lutte contre la discrimination pour orientation sexuelle faisait partie d’un projet discuté par l’Assemblée Nationale cubaine en décembre dernier. Le handicap a également rejoint le débat entre les députés. Cependant, la proposition de Mariela Castro, députée et directrice du Centre National de l’Education Sexuelle (Cenesex), sur la nécessité d’inclure l’identité de genre afin de protéger les personnes transsexuelles, n’a pas été retenue.

Rodríguez remarque :

El asunto es muy grave. Pone en entredicho los métodos y formas de trabajo de la Asamblea Nacional del Poder Popular, el cumplimiento de los procedimientos legislativos por parte de la dirección del máximo órgano del Estado y la transparencia en la toma de decisiones a partir de la voluntad de los diputados y las diputadas, los únicos que pueden ejercer el derecho de aprobar o modificar leyes en representación del pueblo cubano.

Il s’agit d’un sujet très sérieux. Ceci met en doute les méthodes de travail de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, le respect de la procédure législative par la direction de l’organe suprême de l’Etat et la transparence dans la prise de décisions des députés, les seuls pouvant exercer le droit d’approuver ou de modifier des lois au nom du peuple cubain.

Selon Rodríguez, l’introduction de l’identité de genre comme cause de discrimination « a seulement été rejetée par le secrétaire du Conseil d’Etat, qui, bien qu’il ait avoué son incompréhension deu sujet, s’est quand même opposé à son adoption ». Rodríguez explique :

También presentó sus reservas hacia las propuestas de la diputada Mariela, el presidente de la Comisión de Asuntos Constitucionales y Jurídicos, quien fue encargado para dirigir la comisión que concluiría la redacción del cuerpo legal. No fue atendida ni siquiera la sugerencia del primer vicepresidente cubano, Miguel Díaz-Canel, quien medió en la discusión y abogó por tener en cuenta lo allí planteado por Castro Espín.

Des réserves quant aux propositions de la députée Mariela ont également été émises par le président de la Commission des Affaires Constitutionnelles et Juridiques, qui fut chargé de diriger la Commission qui doit conclure la rédaction du projet de loi. Il n’a même pas pris en compte la suggestion du vice-président Miguel Díaz-Canel, qui modérait la discussion et plaidait pour que l’on prenne en compte la proposition de Castro Espín.

Alberto Roque Guerra, médecin et militant pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et hétérosexuels, estime sur son blog que « les personnes trans cubaines ont du mal à accéder à l’emploi ; au-delà de l’identité du genre qui les caractérise, elle les oblige à se montrer et à se comporter en fonction de leur identité légale ».

Harcèlement au travail, licenciements, rassemblement et conformité : d’autres problèmes en attente

Roque note l’absence de références au harcèlement au travail dans la loi “malgré les cas ordinaires qui restent difficiles à vérifier”. 

Las trabajadoras y los trabajadores cubanos no tienen ni la menor idea de cómo identificar el acoso laboral, a pesar de que estos perfiles han sido descritos por la psicología, la psiquiatría y la medicina del trabajo hace muchos años. En mi práctica profesional he conocido numerosas víctimas, tanto pacientes como compañeros de trabajo. Al parecer tendremos que esperar unos treinta años para incluirlo como «una novedad» de la post-postmodernidad.

Les travailleurs cubains ne savent pas du tout comment identifier le harcèlement au travail, même si ces profils sont décrits par la psychologie, la psychiatrie et la médecine du travail depuis de nombreuses années. Dans ma pratique professionnelle, j’ai connu de nombreuses victimes, aussi bien en tant que patients qu’en tant que collègues. Apparemment, nous devrons attendre une trentaine d’années pour l’inclure comme “un changement” de la post-modernité.

Rogelio Díaz, du site Observatorio Crítico, signale également que le Code n’établit pas de moyens efficaces pour lutter contre la discrimination, “au moins dans la sphère privée, dans laquelle on utilise et abuse de la mention ‘fin de la relation de travail’ à la simple ‘initiative de l’une des parties’”.
La “conformité” des fonctionnaires est également sujet à discussion. Selon Díaz,

A mí me preocupaba también, por ejemplo, la situación de riesgo de los trabajadores del sector estatal de quedar declarados “no idóneos” y, por lo tanto, despedibles, sin muchas garantías. El Código y su Reglamento complementario establecen los mecanismos para este proceso y, según lo que entendí, dependerá sobre todo de la ética de las personas involucradas.

Je suis également inquiet, par exemple, du risque des fonctionnaires à être déclarés “adéquats” et, par conséquent, à être exploités, sans aucunes garanties. Le Code et son Règlement complémentaire établissent des dispositifs pour ce processus qui, si j’ai bien compris, dépendront surtout de l’éthique des personnes impliquées.

Dans le chapitre II, qui aborde les organisations syndicales, l’article 13 affirme que “les travailleurs ont le droit de s’associer bénévolement et de constituer des organisations syndicales, en conformité avec les principes unitaires constitutifs, les statuts et les règlements, qui sont discutés et approuvés démocratiquement et sont conformes à la loi”.
Cependant, cette possibilité de se réunir librement et spontanément “vient entraver l’obligation de suivre les principes ‘unitaires’ qui, bien sûr, serviront à réprimer tous ceux qui manifesteront, au nom de l’unique organisation syndicale reconnue par le gouvernement”, souligne Rogelio Díaz.

D’autres éléments, comme le droit de grève et la discrimination pour opinion politique, restent ignorés par le Code du Travail.

Des leçons claires sur les procédures de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire

L’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire (ANPP), en accord avec ce qui a été établi dans les articles 69, 70 et 71, est l’organe suprême du pouvoir de l’Etat ; elle représente et exprime la volonté souveraine du peuple, est l’unique organe possédant une autorité constitutionnelle et législative et se compose de députés élus par un vote libre, direct et secret des électeurs, en proportion et selon le processus déterminé par la loi.

En décembre dernier, face à l’impossibilité de se mettre d’accord pendant les sessions de l’Assemblée Nationale, une Commission de Style a été créée afin de rédiger la version finale de la loi, en s’appuyant sur les débats des députés.

« Pour les citoyens et leurs représentants du Parlement, la leçon doit être claire : il n’est pas possible de compter sur les votes des commissions ni d’avoir une médiation en-dehors de la sphère démocratique de l’Assemblée. Ce n’est ni constitutionnel ni éthique », prévient Francisco Rodríguez. 

Si hay que discutir cada letra de una ley, tendrán que hacerlo. No son posibles los conformismos ni las presiones a partir de los restringidos tiempos parlamentarios de las sesiones ordinarias de la Asamblea Nacional (…) 

El Parlamento tiene que sesionar las horas y los días que sean necesarios hasta que haya una votación sobre textos y principios definitivos. No es admisible que nuestros diputados y diputadas otorguen un cheque en blanco a ninguna persona o grupo de personas para que determinen sobre cuestiones sustantivas de derechos con posterioridad al ejercicio del voto (…) 

Solo así conseguiremos que haya respeto a las políticas aprobadas y a la voluntad expresa del Partido Comunista de Cuba en sus documentos rectores, sin que nadie se arrogue la potestad de interpretarlos y adoptar decisiones sobre la base exclusiva de su conveniencia o sus limitaciones culturales o de otro tipo.

S'il faut discuter chaque ligne d’une loi, alors faites-le. Le conformisme et les pressions ne sont plus possibles, en raison du temps restreint des parlementaires lors des sessions de l’Assemblée Nationale (…) 

Le Parlement doit anticiper le nombre d’heures et de jours nécessaires pour que les textes et les principes définitifs soient votés. Il n’est pas admissible que nos députés octroient un chèque en blanc pour décider sur les problèmes postérieurement au vote (…)

C’est la seule manière d’obtenir le respect des décisions approuvées et de la volonté du Parti Communiste de Cuba, sans que personne ne s’arroge le droit de les interpréter ni d’adopter les décisions à sa convenance ou selon ses limites culturelles ou d'autre sorte.

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