Utiliser un WiFi public en Russie ? Vos papiers, S.V.P.

Russia will soon require a passport from those wishing to use public Wi-Fi. Images mixed by author.

La Russie exigera prochainement un passeport pour l'utilisation d'un WiFi public. Photomontage de l'auteur.

[Article d'origine publié en anglais le 7 août] En Russie, les internautes ne pourront plus utiliser anonymement le Wifi dans les emplacements publics. Les autorités russes sont sur le point d'imposer aux individus utiisant les points d'accès publics de WiFi la présentation d'un passeport ou d'une pièce d'identité. Leurs données personnelles seront enregisrées et conservées par le fournisseur d'accès internet, de même que les renseignements sur les machines utilisées et leur adresse de carte réseau. Selon la presse russe, le Premier Ministre Dmitri Medvedev a déjà signé l'oukase correspondant (dont le texte intégral est aussi disponible sur le portail législatif officiel).

Le décret oblige également les propriétaires de points d'accès  – restaurants, cafés, bibliothèques – à communiquer leurs FAIs avec la liste des utiisateurs de leurs connexions publiques, en indiquant nom, adresse et numéro de pièce d'identité. Ces listes devront être mises à jour trimestriellement.

Matveï Alekseev, directeur des relations avec l'administration de Rambler & Co, trouve ce décret un peu bizarre, puisque la couverture WiFi s'étend à Moscou, pour ne parler que de la capitale, aux parcs et même aux rues, ce qui rend difficile l'identification physique.

Идентификация пользователя при доступе к Сети через Wi-Fi в общественных местах неосуществима. Только в Москве покрытие открытого Wi-Fi охватывает все парки и места общественного доступа. Не думаю, что все, кто придет в парк Горького, будут показывать свои паспорта.

L'identification des utilisateurs qui accèdent à Internet par le WiFi dans les espaces publics est impossible. Rien qu'à Moscou le WiFi public couvre tous les parcs et points d'accès publics. Je ne pense pas que tous ceux qui vont au parc Gorki vont montrer leur passeport.

La nécessité de conserver les données personnelles signifie aussi que tous les cafés ou parcs devront demander une licence d’ “opérateur de données personnelles” auprès de Roskomnadzor, sous peine d'amende.

Les fonctionnaires estiment cependant le décret indispensable, car il permet de réfréner les manigances louches de suspects dans l'actuel état de “guerre de l'information.” C'est ce que dit Vadim Dengin, premier vice-président de la commission de la politique et technologie de l'information et des communications à la Douma :

Речь идет о безопасности. Идет информационная война. Анонимное подключение к интернету в общественных местах позволяет осуществлять противозаконные действия безнаказанно. Найти нарушителя бывает весьма сложно. Американцы боятся войны, сейчас им лучше всего воевать в информационном пространстве. Они усилили свой холдинг «Голос Америки». Те, кто заинтересован в дестабилизации, пытаются насытить Сеть мошенниками, фашистами и экстремистами. Всё, что связано с интернетом, должно быть идентифицировано.

Il s'agit de sécurité. Nous sommes dans une guerre de l'information. La connexion anonyme à l'Internet dans les lieux publics permet de mener des activités contraires à la loi dans l'impunité. Trouver un contrevenant est très difficile. Les Américains ont peur de la guerre, aujourd'hui ils préfèrent combattre dans l'espace de l'information. Ils ont renforcé leur holding de la “Voix de l'Amérique”. Ceux qui veulent la déstabilisation s'efforcent de saturer le web d'escrocs, de fascistses et d'extrémistes. Tout ce qui a un rapport avec l'Internet doit être identifié.

Mise à jour du 8 août 2014

Depuis l'annonce initiale, la confusion régnait sur la notion de “point d'accès WiFi public.” L'information à peine connue, un responsable à la municipalité de Moscou affirmait que le décret était applicable seulement aux “points d'accès collectifs” gérés dans le cadre du réseau des services publics universels de communications (c'est-à-dire dans les bureaux de poste de Russie), et que l'accès au WiFi dans les parcs, cafés, le métro, les universités et établissements scolaires ne nécessitait pas d'identification.

Le ministère russe des Communications est ensuite intervenu pour clarifier que l'exigence ne s'applique qu'aux points d'accès établis par les opérateurs de réseaux (et non aux points d'accès privés installés par les particuliers pour leur usage personnel). Le Ministère a aussi expliqué que les opérateurs donnant l'accès ne doivent pas nécessairement exiger un passeport ou une pièce d'identité, ils peuvent aussi demander à l'utilisateur de remplir un formulaire ou d'envoyer un SMS pour transmettre leur identification.

La secrétaire de presse de Dmitri Medvedev, Natalia Timakova, a également commenté le projet de texte et laissé entendre que les exigences du décret étaient susceptibles de modifications au vu de l'application dans la pratique. On peut donc espérer que le décret gagnera en clarté au sujet de ceux qui devront finalement collecter les informations personnelles des utilisateurs en échange de l'accès au WiFi. TJournal note que dans son état actuel, le texte ne précise pas comment les renseignements d'identification seront vérifiés, autrement dit, les opérateurs de réseaux fournissant l'accès sans fil public à l'Internet devront faire confiance aux informations que les utilisateurs voudront bien donner.

Tandis que la Russie marche dans les pas de certains de ses voisins ex-soviétiques, comme l'Ouzbékistan, qui réclame déjà aux utilisateurs de s'identifier pour accéder aux connexions internet publiques, on ne peut qu'imaginer les prochaines idées du Kremlin avec la paranoïa montante de ses fonctionnaires devant le potentiel d'un Internet libre.

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