La colère des Népalais contre les médias indiens

Nepalese victims of April 25, 2015 earthquake pictured inside an Indian Airforce aircraft as they are evacuated from Trishuli Bazar to Kathmandu airport in Nepal. Image via hemantrawat1234. Copyright Demotix (28/4/2015)

Des victimes népalaises du séisme du 25 avril 2015 photographiées dans un avion de l'Indian Air Force au moment de leur évacuation du bazar de Trishuli vers l'aéroport de Katmandou au Népal. Image via hemantrawat1234. Copyright Demotix (28/4/2015)

Une semaine à peine après le séisme du 25 avril au Népal, le hashtag #GoHomeIndianMedia [Rentrez chez vous les médias indiens] a commencé à circuler sur Twitter en Inde. Si les Népalais ont remercié l'Inde pour l'aide immédiate apportée après le tremblement de terre, les médias indiens ont eux été très critiqués en raison de leur désinvolture dans la manière de couvrir les événements.

Certains estiment que le gouvernement indien a fait de l'intervention humanitaire une opération de communication.

D'autres accusent la couverture médiatique elle-même d'être indifférente et sensationnaliste. En voici une illustration frappante : un reporter indien demande à une femme népalaise qui pleure de manière incontrôlable sur le corps sans vie de son enfant, “Comment vous sentez-vous – quelles émotions ressentez-vous en ce moment?

Furieux de l'attitude irresponsable des médias indiens, des Népalais ont commencé à utiliser le hashtag #GoHomeIndianMedia qui a été largement partagé sur Twitter pendant plusieurs jours.

La colère a également débordé les médias sociaux. Un pousse-pousse à moteur a par exemple été vu arborant le hashtag dans les rues de Katmandou.

D'autres personnes affirment que les médias indiens se sont livrés à des manœuvres déloyales et n'ont pas manifesté une once d'humilité au lendemain du séisme. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que des journalistes indiens sont confrontés à de telles critiques. Au cours de la crue dans l'état indien d'Uttarakhand, qui a fait plus de 5 000 victimes, certains médias indiens ont saturé les ondes de scènes de chagrin extrême, montrant les victimes des inondations dans des moments particulièrement difficiles, ce que des voix critiques ont dénoncé comme étant plus proche de la récupération médiatique d'un désastre que du reportage.

Certains Indiens ont indiqué sur les réseaux sociaux qu'ils se sentaient honteux de l'attitude de leurs propres médias.

D'autres Indiens ont commencé à utiliser le hashtag #DontComeBackIndianMedia [Ne revenez pas les médias indiens].

Pour certains, comme Krittivas Mukherjee, qui a a publié un éditorial dans Hindustan Times, le problème de la couverture médiatique indienne au Népal tient dans une large mesure à une “présentation égocentrique des faits” et un “sens de la condescendance.”

Tous ne sont évidemment pas pressés de fermer la porte aux médias indiens. Smita Sharma, journaliste basé à New Delhi, écrit sur Dailyo.in que les pessimistes devraient prendre le temps de se demander s'ils ont une perspective d'ensemble [sur la situation]:

It is time for course correction before #GoHomeIndianMedia hashtags overshadow all the good work done by many journalists, who too are mortals, and brave challenges to tell the world stories of those in pain.

Le moment est venu de rectifier le tir avant que le hashtag #GoHomeIndianMedia ne fasse de l'ombre à l'excellent travail réalisé par de nombreux journalistes, qui sont eux aussi mortels et bravent les risques pour raconter au monde les histoires de ceux qui souffrent.

Si certains reproches peuvent être relativisés, la préoccupation générale concernant les médias indiens suscite des interrogations quant à leur indifférence, ou pas, dans des situations d'urgence. L'Inde possède plus de 100 chaînes d'information qui sont en compétition les unes avec les autres dans une quête féroce de “points d'audimat cible” [ N.d.T Les “points d'audimat cible” ou “target rating points” en anglais permettent de quantifier le degré d'exposition d'un public cible spécifique aux programmes ou messages publicitaires qui lui sont diffusés.] Toutes ces chaînes veulent être les premières sur le terrain et y tourner un reportage exclusif. Dans cette course, en particulier lors de catastrophes de grande ampleur quand de nombreuses personnes suivent les événements, certains médias font passer au second plan les règles éthiques et professionnelles.

D'autres s'inquiètent que les chaînes embauchent trop d'amateurs et mettent des gens devant les caméras avant de les avoir formés correctement. Sunita Shakya, auteure d'origine népalaise, s'est plainte de cette supposée tendance dans un article de blog pour CNN, dans lequel elle compare la couverture médiatique indienne à un feuilleton télévisé.

Les catastrophes naturelles offrent d'immenses opportunités en terme d'audience pour les médias, mais elles peuvent également constituer un défi majeur à l'intégrité de la profession. L'attitude des médias indiens au Népal est un exemple de plus de la difficulté à couvrir une tragédie collective.

Sanjib Chaudhary de Katmandou au Népal a contribué à ce post.

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