Chine : la ville de Shenzhen veut expulser les chômeurs

[Les liens sont en chinois] Se débarrasser des chômeurs de plus de trois mois : c'est ce que le maire adjoint de la ville de Shenzhen, chef de la police, a suggéré le 29 avril pour résoudre les problèmes de sécurité dans cette zone franche économique du sud de la Chine. Cette proposition a provoqué de vives réactions en ligne.

Lors d'une réunion avec le Comité consultatif politique pour Hong Kong et Macao, l'adjoint au maire de Shenzhen, M. Li Ming, qui cumule le poste d'adjoint et de chef de la police, a dit que si Shenzhen pouvait trouver une base juridique pour le faire, la ville réduirait le nombre de travailleurs immigrés [NdT : venant d'autres régions de Chine] en interdisant de louer un logement à ceux qui ont été au chômage pendant plus de trois mois, ce qui revient à les obliger à quitter la ville. La suggestion a été accueillie par les applaudissements des autres membres du Comité consultatif politique, d'après des informations du quotidien Southern Daily.

Li Ming avance que les travailleurs migrants au chômage sont responsables d'un fort pourcentage de la criminalité à Shenzhen. Il dit que 88 pour cent des prisonniers arrêtés pour un premier délit dans les centres de détention proviennent des “régions intérieures” de la Chine à la recherche de travail. Il y aurait un million de travailleurs “immigrés de l'intérieur” en tout dans la ville de Shenzhen.

Southern Daily cite encore M. Li : “Régulariser et mettre de l'ordre parmi les travailleurs immigrés est la clé pour la solution [des problèmes] de sécurité. Sans la solution de ce problème, il n'y aura pas d'espoir pour la sécurité.”

Shenzhen, la première zone économique spéciale de la Chine, a vu sa population doubler au cours des 7 dernières années. La population est passée de 7 millions en 2003 à 14 millions en 2010, soit une croissance de 1 million de personnes par an.

Dans l'article du Southern Daily, M. Li  explique que la police de Shenzhen est en situation d'insuffisance chronique d'effectifs, avec seulement 13,5 agents pour 10 000 personnes. C'est moins de la moitié du ratio du nombre de policiers par habitants de la ville voisine de Guangzhou, qui disposerait de 29,7 policiers pour 10 000 habitants.

Réactions en ligne

Les réactions aux propos de M. Li ont été négatives. De nombreux blogueurs chinois ont trouvé que l'idée était une atteinte aux droits élémentaires des travailleurs. D'autres les ont considérés injustes pour tous les immigrés de l'intérieur dans leur ensemble. Le blogueur Hai Tao écrit qu'une telle mesure implique que tous les chômeurs venus d'autres provinces sont des criminels.

不可否认,深圳犯罪者中确有不少是无业流动人员,但无业流动人员毕竟只是犯罪者中的一部分。而立法清除无业流动人员,就等于将所有的无业流动人员都纳入了打击范围,这对于那些并未实施犯罪行为的无业流动人员来说无疑是不公平的。

C'est indéniable que de nombreux criminels à Shenzhen sont des travailleurs immigrés sans emploi. Mais ces chômeurs immigrés [emprisonnés] ne représentent, après tout, qu'une partie des criminels. Une législation pour se débarrasser d'eux équivaudrait à mettre tousles travailleurs migrants dans le même sac. Une telle mesure est sans doute injuste envers ceux qui n'ont commis aucun délit à ce jour.

Le blogueur écrit que la mesure serait une violation des droits fondamentaux.

更为重要的是,自由迁徙是公民的一项自然权利,任何组织与个人无权限制,包括深圳在内任何地方都无权立法清除无业流动人员。

Encore plus important, la liberté de quitter sa région est un droit naturel des citoyens, et aucun groupe ou individu n'a le droit de la limiter. Shenzhen, ou tout autre endroit, n'a pas le droit d'expulser des travailleurs au chômage.

Le blogueur Zhuben-Dingchong écrit que cette décision pose évidemment des problèmes juridiques :

这位官员法律素养欠缺,体现在他向政协委员谈论法律依据这点上。首先,法律依据不够,这位官员居然不懂得政协委员可没有立法权,人民代表才有给予他法律依据的可能 … 再次,通过立法不租给无业者房子,并不是以法律规范市场经济的行为…

L'insuffisance de la formation juridique de ce responsable saute aux yeux dans sa recherche d'une base juridique pour cette mesure avec les membres du Comité consultatif politique. Premièrement, il n'y a pas suffisamment de base juridique. De façon étonnante, ce responsable ne comprend pas que les membres du Comité consultatif politique n'ont pas de pouvoir législatif. Seuls les représentants du peuple peuvent lui octroyer ce pouvoir… D'autre part, l'adoption de lois interdisant la location de logements aux chômeurs n'est pas un moyen légal pour réguler le marché….

Le blogueur Chisun pense que les citoyens de  Shenzhen ont le droit de louer à qui ils veulent.

对3个月以上无正当职业的人,不租房子给他。深圳百姓想将房子租给任何合法的公民包括那些暂时无业但没有犯法的人们,那是宪法赋予的自由与权利,任何人无权干涉和限制,这是一个基本商品交易常识。

Pour ce qui est de ne pas louer des maisons à des chômeurs de plus de trois mois, les habitants de Shenzhen qui louent des maisons à tout citoyen en situation légale, y compris aux chômeurs temporaires qui n'ont commis aucun délit, ont une liberté et un droit garantis par la constitution avec lesquels personne n'a le droit d'interférer pour les limiter. C'est une règle de base concernant toute transaction de biens.

Li Zheqi, consultant pour une entreprise commerciale, a écrit un article sur son blog que quels que soient les problèmes que les travailleurs immigrés “de l'intérieur” amènent dans les villes dans lesquelles ils aménagent, ils restent des citoyens ayant des droits.

人口流动是城市化发展的必然,不可否认的是,“无业人员”的确在给城市发展带来进步的同时也带来一些问题,比如治安管理难,整体素质低,卫生条件差等问题。但是“清除”这个词语让人感觉这里是另外一个国度,在自己的国家自己的土地,没有工作就应该被清除吗?这是什么逻辑!属于这一个群体人员的尊严被置放到什么地方?

La population flottante est une nécessité pour l'urbanisation. C'est indéniable que les travailleurs sans emploi, bien que porteurs de progrès et de développement, ont aussi amenés des problèmes.Par exemple, les difficultés pour maitriser la sécurité, un niveau culturel moyen plus bas, des conditions d'hygiène plus basses et d'autres problèmes. Mais le verbe “expulser” donne aux gens l'impression que nous sommes dans un pays différent du leur. Dans votre propre pays, sur votre propre sol, si vous n'avez pas de travail, devrait-on se débarrasser de vous ? Quel genre de raisonnement c'est, ça ? Qu'est devenu le respect que l'on doit à cette population ?

M. Deng Luwen, un éditorialiste du China Business Net, a qualifié la proposition “une idée d'un gouvernement paresseux, comme d'habitude”. Il écrit que les travailleurs ont le droit constitutionnel de s'installer où ils veulent, tant qu'ils n'ont pas commis de délits. Ces droits, dit-il, sont protégés par le Traité des Nations Unies sur les droits humains.

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