Pakistan : Une puissance nucléaire en panne d'électricité

(Note : le billet d'origine en anglais a été publié le 5 mai 2010)

Pays d'importance géostratégique et allié des Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme, le Pakistan est au bord d'une crise grave. Le pays figure au rang des puissances nucléaires mais fait face actuellement à  une immense pénurie d'électricité et d'énergie. La vie professionnelle comme personnelle des Pakistanais est entravée par la routine d'une coupure de courant quotidienne de huit à dix heures. Mumtaz A. Piracha, dans son billet de blog le dit avec justesse [les liens sont en anglais]:

“En juin 2007, les coupures de courant au Pakistan ne duraient pas plus de 3 ou 4 heures par jour. Aujourd'hui, en pleine canicule, ce sont 8 à 10 heures par jour que doivent endurer les Pakistanais. La production industrielle souffre, les exportations baissent, des emplois sont perdus et l'économie nationale est dans une spirale descendante. Selon toutes les indications, la crise de l'électricité au Pakistan ne fait qu'empirer.”

Karachi, la métropole financière et industrielle du pays, est confrontée à un déficit approximatif de 700 MW pour une demande moyenne totale de 2200MW. La situation présente continue à causer d'énormes pertes industrielles et ajouter une calamité à une économie déjà en mauvaise passe. Riaz Haq, un blogueur pakistanais, jette un regard très critique sur la demande croissante d'énergie et publie des informations vitales pour les lecteurs de son blog :

“Lors d'une conférence du programme Asie organisée par le Wilson Center en 2006, Vladislav Vucetic de la Banque Mondiale a fourni une évaluation inquiétante de la situation du secteur de l'électricité au Pakistan : la demande approche la capacité maximale de production, tandis que la capacité institutionnelle de développement et de réalisation des programmes reste basse. Pire, l'échec à résoudre ces problèmes peut être source de retards pour les investissements et entraver la croissance économique du Pakistan.”

L'économie n'est pas seule à payer pour l'incompétence et la corruption des gouvernements passés et présents. En réalité, la vie quotidienne du Pakistanais ordinaire est arrivée au point mort. Dans un billet de blog, Saeed Shah narre les épreuves d'une Pakistanaise qui travaille :

“Les enfants ne peuvent pas faire leurs devoirs. Les tâches ménagères restent en panne, car les machines à laver et autres appareils ne peuvent fonctionner. Quand vous rentrez du travail, vous n'avez aucune idée s'il y aura de l'électricité à la maison. Votre vie est complètement perturbée,” a dit Mahnaz Peracha du Réseau pour la Protection des Consommateurs, une association de défense pakistanaise indépendante.”

Manifestation contre le barrage de Kalabagh et le canal de Thal. Photo de l'utilisateur Flickr International Rivers. CC By-nc-sa

Une crise énergétique de cette ampleur ne s'est pas faite en un jour. D'où la question : comment en est-on arrivé là ? cela fait plus de dix ans que la polémique du barrage de KalaBagh empoisonne le pays à la manière d'un disque rayé. Dès sa création, le Pakistan s'est fixé sur l'hydroélectricité comme seule technologie de génération électrique. Abstraction faite de la politique, le barrage de KalaBagh était un projet parfait qui aurait pu satisfaire les besoins du pays pour les années à venir. Tahir Hameed décrit l'absence de consensus national sur la question du barrage de Kalabagh dans son billet :

“L'incapacité des provinces et des gouvernements à résoudre la question du barrage de Kalabagh en dit long sur notre perspicacité et notre sagesse d'autant plus que les organismes internationaux soulignent que la construction du barrage de Kalabagh épargnera la désertification au pays.”

Dans le scénario actuel, les pouvoirs publics et les producteurs et distributeurs d'électricité sont tous pris au piège d'une dette circulaire, qui a ajouté des complications administratives à une situation déjà devenue inextricable. Riaz Haq explique :

Les joueurs-clés de ce piège de “dette circulaire” sont les gouvernements fédéral et provincial comme mauvais payeurs, les distributeurs d'électricité comme KESC, les producteurs comme Pepco et Hubco, et les fournisseurs de carburant comme l'entreprise à capitaux publics Pakistan State Oil (PSO) et la semi-nationalisée Pak-Arab Refinery Ltd (PARCO). Ce cercle d'endettement commence avec l'Etat comme plus gros débiteur et se termine par une entité nationalisée comme plus gros créancier….. Y a-t-il un motif de profit personnel du dirigeant suprême du PPP au pouvoir, qui pousse à des contrats de location de centrales électriques (RPP) avant le prompt règlement de la dette circulaire ? Est-ce une combinaison de corruption et d'incompétence?

La solution de contournement des centrales électriques de location  (RPP) n'a pas bonne presse auprès des Pakistanais, et le blogueur de My Land Pakistan partage ce sentiment :

“Tout ce drame des délestages est mis en scène pour donner de l'importance aux RPP (CENTRALES ELECTRIQUES EN LOCATION) auprès des gens. Il y a eu de très fortes critiques contre le gouvernement de la part des médias et de l'opinion sur la question des RPP”

Y a-t-il une alternative, si on écarte les RPP ?

Saeed Qureshi nous éclaire de son opinion franche :

“L'Iran a offert au Pakistan jusqu'à 2270 MG déjà en 2008 en renfort de la production interne d'électricité et pour compenser la pénurie qui a mijoté un implacable chaos social et économique. Et quand l'Iran se penche avec timidité et essaie frénétiquement d'aider le Pakistan à surmonter son déficit chronique en énergie, le gouvernement regarde d'un oeil méfiant, ignore délibérément une proposition si cruellement nécessaire et préfère des bricolages pour la production d'électricité qui sont non seulement excessivement coûteux, carrément non fiables mais encore ne peuvent satisfaire les exigences énergétiques du pays. Une magnifique jeune nation est la victime impuissante d'une monstrueuse arnaque par une meute humaine gloutonne, rapace et cupide.”

Tandis que les autorités appliquent leurs délestages électriques au pays, l'opinion public pakistanaise subit, impuissante, la menace, pour le moment. Mais si l'aggravation se poursuit on ne peut exclure la possibilité d'un éclat violent de la part de la majorité apparemment passive.

1 commentaire

  • Face au chantage de l’empire financier :

    Crise des « subprimes », crise bancaire, accélération de la destruction de l’agriculture, de l’industrie et des emplois. Puis aujourd’hui crise de l’euro, crise de la dette publique des États, destruction du service public, chantage sur les retraites. Sans oublier les divers plans injustes pour sauver les banques !

    Nous devons nous organiser et nous mobiliser massivement pour demander à faire la lumière sur la crise financière en convoquant immédiatement une commission d’enquête parlementaire !

    Face à ce chantage, ne choisissons pas le choix de la défaite ! mon groupe facebook : http://fr-fr.facebook.com/group.php?gid=104166076293247&ref=ts

    david.cabas.over-blog.fr

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