Venezuela : Fermeture de la Fondation pour la Culture Urbaine

L'espace culturel et communautaire traverse une nouvelle crise dans le centre du Vénézuela, avec la fermeture de la Fundación para la Cultura Urbana (Fondation pour la Culture Urbaine) [tous les liens sont en espagnol sauf mention contraire]. Cette fondation rassemblait différentes œuvres collectives et visuelles qui racontaient le quotidien à Caracas. Les concours, publications, expositions et autres activités [qui y étaient organisés] étaient les symboles de la réconciliation et de l'exaltation de la beauté dans une ville dynamique et chaotique aux habitants très créatifs.

Mais lorsque la société de courtage Econoinvest [en anglais], un investisseur à l'origine de la Fondation pour la Culture Urbaine, fut perquisitionnée par le gouvernement en mai dernier [en anglais], cela fut une raison suffisante [en anglais] pour que la Commission Nationale des Valeurs [ndt : un équivalent de l’Autorité des Marchés Financiers, en français] décide de fermer la Fondation de façon permanente.

Les blogueurs qui s'intéressent aux activités culturelles à Caracas ont exprimé une forte opposition à cette fermeture, qu'ils accusent d'être illégale et aucunement liée à l'intervention chez la société de courtage.

Sur le blog Círculo de Escritores de Venezuela (le Cercle des Écrivains du Vénézuela), Magaly Salazar déclare :

La creación de una Fundación para la Cultura Urbana tiene como objetivo contribuir a la humanización y armonía de la ciudad. Al frente de ella han estado distinguidas personalidades, entre ellas el escritor Rafael Arráiz Lucca. Esta Institución se ha constituido en un espacio de discusión, expresión del pensamiento contemporáneo, creadora de la Cátedra Permanente de Imágenes Urbanas, de Concursos literarios, de numerosas publicaciones.

La création d'une Fondation pour la Culture Urbaine avait pour objectif de contribuer à l'humanisation et à l'harmonisation de la ville. Dans ses rangs figuraient des personnalités distinguées telles que l'écrivain Rafael Arráiz Lucca [en anglais]. Cette institution a été conçue comme un espace de discussion et d'expression de la pensée contemporaine, suscitant la présence à demeure d’Images Urbaines, de concours littéraires et de nombreuses publications.

Gabriel Payares, sur son blog Kariba, s'interroge sur la fermeture de la société de courtage et sur le vide laissé après la fermeture de la Fondation :

Cuando anunciaron la intervención de Econoinvest Casa de Bolsa, C. A., no pegué el grito en el cielo, como muchos compañeros y amigos, sino que esperé a ver. (…) Tal vez el problema esté en nuestra desconfianza por las instituciones de todo tipo, y que con el chavismo ha alcanzado sus niveles más elevados en la historia (…) pero ahora se le allana e interviene directamente (…) y se detiene la marcha de una institución que desde el inicio de sus labores en 2001 se supo integrar al panorama cultural y literario del país, convirtiéndose rápidamente en una alternativa para canalizar muchísimas propuestas que no hallaban espacio.

Quand ils ont annoncé la perquisition chez la société de courtage Econoinvest, je ne m'en suis pas inquiété, à l'instar d'amis et collègues, mais, au contraire, j'ai attendu de voir la suite (…) Le problème est peut-être notre manque de confiance dans les institutions de tout type, et cela a atteint avec le chavisme [en anglais] son plus haut niveau historique (…) depuis il y a eu l'effraction [dans la société de courtage] et l'intervention directe [du gouvernement]  (…) et désormais le développement s'est arrêté pour une institution qui depuis son ouverture en 2001 savait comment intégrer les scènes littéraires et culturelles du pays, se transformant rapidement en alternative pour promouvoir des idées différentes qui ne trouvaient pas d'espace.

Il continue ainsi :

Ahora que cierra sus puertas y no sabemos si para siempre, la incertidumbre y el pesimismo a los que cada vez nos acostumbramos más nos hacen preguntarnos qué carajos se gana cerrando uno de los pocos, poquísimos espacios para la edición y la producción cultural de los que dispone nuestro país (…) Agotar nuestros pocos espacios de generación de objetos culturales al mismo tiempo que se planifica una Gran Explosión Cultural Bicentenaria es no solo una cruel ironía, sino una estupidez mayúscula, que apunta hacia una nauseabunda monopolización del rótulo “cultura” por parte del Estado.

Maintenant que les portes sont fermées, et nous ignorons si cela sera pour toujours, l'incertitude et le pessimisme, auxquels nous nous habituons chaque fois davantage, nous font nous interroger sur l'intérêt de fermer l'un des rares, très rares espaces pour l'édition et la production culturelle que possède le pays (…) Vider les rares espaces qui génèrent des œuvres culturelles au moment même où se prépare la Grande Exposition Culturelle pour le Bicentenaire est non seulement une cruelle ironie, mais aussi une stupidité en lettres capitales, qui dénote une nauséabonde monopolisation du label “culture” par l'État.

Dans son billet La cultura y Econoinvest (Culture et Econoinvest) Petrusco fait cette remarque :

No conozco a los directivos de Econoinvest. Es más, no conozco a nadie de los que trabajan allí. De ninguno de ellos puedo decir si es buena o mala persona, si es honesto o no (…) Pero sí conozco a mis amigos músicos, artistas y productores, particularmente de la Movida Acústica Urbana, quienes se han visto apoyados en forma firme y desinteresada por Econoinvest y por la Fundación para la Cultura Urbana

Je ne connais pas les responsables de Econoinvest [en anglais]. Qui plus est, je ne connais personne qui y travaille. Je ne peux pas dire s'ils sont gentils ou méchants, ou s'ils sont honnêtes ou non (…) Mais je connais très bien mes amis musiciens, artistes et producteurs, particulièrement ceux du mouvement Movida Acústica Urbana, qui ont été soutenus avec énergie et désintérêt par Econoinvest et par la Fondation pour la Culture Urbaine.

Fedosy Santaella, dans son blog Caja Virtual, présente les motivations derrière la fureur idéologique qu'il considère comme le moteur de la fermeture de la Fondation, et s'interroge sur les motivations idéologiques positives et négatives du pouvoir. Voici sa conclusion :

…una cosa sí es cierta, la Fundación para la Cultura Urbana, seguirá existiendo. Fundó en el espacio valores intangibles que por más zarpazos que les den, permanecerán como evidencias de lo verdaderamente bueno,y revolucionario incluso.

… une chose est sure, la Fondation pour la Culture Urbaine continuera à exister. Elle a établi des valeurs intangibles qui en dépit des coups de griffes reçus, resteront des preuves de ce qui était vraiment bon, et même révolutionnaire.

Kira Kariakin dans son blog Anotiaciones al Borde écrit:

La cultura venezolana repudia lo que se le hace a esta Fundación pero en general creo que repudia todo abuso, todo vilipendio producto del investíguese, exprópiese, encarcélese o un simple no me gusta del presidente. Su dedo que apunta a capricho comandado por alguna epifanía momentánea causa desgracia y temor, porque ha significado la ruina de empresas y familias, pérdida del sustento de mucha gente. Las razones siempre caen en lo mismo: eran unos capitalistas o unos burgueses, o era un jueza/funcionario desobediente, una finca de un oligarca, un canal de un oligarca, una radio de un oligarca, una casa de bolsa especuladora de un oligarca.

Quizás desaparezca la Fundación para la Cultura Urbana, pero quedará la leyenda (…) Bajo esa aura de mito posible surgirán otras iniciativas. Dependerá de nosotros.

La culture vénézuélienne rejette ce qui arrive à la Fondation mais je pense qu'en général, elle récuse tous les abus, tous les dénigrements résultant des enquêtes, expropriations, incarcérations ou d'un simple “Je n'aime pas” du président [Chavez]. Son doigt menaçant, fruit d'un caprice ordonné par une apparition soudaine, est cause de malheur et de crainte, car il a provoqué la ruine d'entreprises et de familles, la perte des moyens de subsistance pour beaucoup de personnes. Les raisons sont toujours les mêmes : ils étaient capitalistes ou issus de la bourgeoisie, ou il s'agissait d'un juge/fonctionnaire désobéissant, de la ferme d'un oligarque, de la chaîne de télévision d'un oligarque, de la radio d'un oligarque, ou de la société de courtage d'un oligarque. (…)

La Fondation pour la Culture Urbaine peut disparaître, mais sa légende restera (…) Sous son aura d'autres initiatives apparaîtront. Cela dépendra de nous.

Sur les réseaux sociaux, l'activité de soutien à la Fondation a été très intense. De nombreux utilisateurs de Facebook et Twitter montrent leur soutien via les discussions et les profils de la Fondation. Un blog intitulé Solidaridad Ciudadana con la Fundación para la Cultura Urbana (Solidarité Citoyenne avec la Fondation pour la Culture Urbaine) a été ouvert pour rassembler des signatures contre la fermeture de la Fondation. Dans le blog, plusieurs artistes et écrivains nationaux ont participé en signant et en envoyant des lettres de soutien. Dans son manifeste, le blog déclare que la fermeture de la Fondation est illégale, car elle est indépendante de Econoinvest; voici ce qu'il dit :

Convocamos a reflexionar detenidamente sobre el significado y las implicaciones de esta acción contra la Fundación para la Cultura Urbana, porque más que afectar a una institución, constituye un agravio a esa Venezuela pensante y democrática que ha hallado en la Fundación para la Cultura Urbana un espacio de encuentro, discusión crítica y expresión de las más diversas ideas.

Nous appelons à une réflexion vigilante sur le sens et les implications de ces actions contre la Fondation pour la Culture Urbaine, car pire qu'ébranler une institution, cela constitue un affront à un Vénézuela lucide et démocratique, qui trouve dans la Fondation pour la Culture Urbaine un espace rassembleur propre à la discussion critique et à l'expression des idées les plus diverses.
Image par  l'utilisateur Flickr NeoGaboX sous Licence Creative Commons.

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