Guatemala : l'accès aux archives permet de faire la lumière sur un enlèvement politique

Where are the disappeared?

"Où sont les disparus ?"par Rudy Girón – Antiguadailyphoto.com sous licence Creative Commons BY-NC-SA version 3.0

L'accès à l'information joue un rôle important dans les sociétés en transition et dans les suites d'une guerre civile. Les dossiers et archives officielles sont en passe de devenir des armes contre l'impunité, par les preuves nécessaires qu'elles procurent pour poursuivre les coupables.  L'accès aux archives et bases de données a permis de faire la lumière sur un dossier symbolique de personne disparue au  Guatemala.

Edgar Fernando García avait 26 ans, il était élève-ingénieur, syndicaliste et membre du parti clandestin, le Parti des travailleurs guatémaltèques (PGT) quand il a été enlevé par des agents de police dans la rue dans la capitale du Guatemala et a disparu pour toujours. Sa disparation a laissé derrière lui sa jeune épouse, Nineth Montenegro de García, et leur fille âgée de 18 mois. C'était le 18 février 1984.

Voici comment commence le récit de l'experte Kate Doyle, sur le site des archives nationales de la sécurité , du procès destiné à juger les auteurs de la disparition de Fernando  Garcia.

Le témoignage qu'elle a apporté devant la cour criminelle du Guatemala est basé sur des archives américaines confidentielles et dé-classifiées, compilées à l'époque de la disparition de Fernando Garcia par le Département d'état américain et l'ambassade des États-Unis au Guatemala. Ces documents décrivent une campagne d'enlèvements et de meurtres orchestrée par le gouvernement de l'époque pour éliminer les dirigeants syndicaux et les mouvements étudiants liés à l'opposition.

Cette découverte a été rendue possible par la loi américaine, la Freedom of information act, qui permet de rendre publiques les notes confidentielles du gouvernement, mais elle a aussi nécessité beaucoup de travail de la part des analystes pour rassembler les morceaux du puzzle et reconstituer la stratégie de ce gouvernement guatémaltèque. Il n'en demeure pas moins que, comme l'indique le titre d'un billet publié sur The Witness Blog a propos de ce cas, “Les archivistes peuvent jouer un rôle central dans la responsabilisation et  la justice.”  Les archives de la police ont permis dans ce cas l'arrestation des auteurs, qui ont été jugés coupables et condamnés à 40 ans de prison.

The Witness Blog souligne le recours toujours plus important aux archives pour prouver des atteintes aux droits humains et la réalisation grandissante qu'il est absolument obligatoire pour les gouvernements d'être transparents :

Le travail de Kate sur le cas de Fernando García illustre bien son argument, que les archivistes peuvent jouer un rôle pour changer les choses. Non seulement l'enlèvement par les policiers de Fernando Garcia constitue une grave violation des droits humains, mais il existe aussi une atteinte non moins grave au droit à l'information de son épouse. Pendant des années, elle a supplié pour avoir des informations, elle a couru les morgues, les cimetières, le bureau du chef de l'état. Kate a déclaré :  “ce silence de l'état est l'un des grands crimes.”

L'analyse des bases de données a également joué un rôle important, grâce au travail de la société Benetech, qu'ils décrivent sur leur blog :

Le programme Benetech pour les droits humains utilise des technologies informatiques de pointe et l'analyse statistique pour constituer des preuves tangibles d'atteinte aux droits humains. Les données scientifiquement fiables de nos conclusions sont une arme puissante contre l'impunité et pour amener les auteurs de crimes devant la justice. Daniel Guzmán a témoigné en tant qu'expert en statistiques. Son témoignage a aidé les juges, dans ce cas, a écarter le doute sur l'authenticité et la fiabilité des documents. Il a démontré que le (contenu) des archives reflètent tant dans leur structure que leur contenu beaucoup d'autres documents d'archives et n'ont pas été choisies à dessein ou de façon sélective. Il a décrit la structure des données  trouvées dans les documents et la probabilité que la police connaissaient l'existence des 667 documents relatifs à Fernando Garcia. L'analyse statistique de Daniel Guzmán sur quelles unités de la police avaient accès à quels documents a prouvé l'existence d'une voie de communication entre l'armée et la police.

Les proches de Fernando, qui se battent depuis 26 ans, ont ouvert la page web http://casofernandogarcia.org/ pour partager avec le monde, en anglais et en espagnol, toutes les étapes du procès. Vous pouvez y lire les déclarations Alejandra Garcia à la clôture du procès des assassins de son père. En voici un extrait :

Je ne cherche pas la vengeance, et mon père ne l'aurait pas fait non plus, mais je cherche la vérité. Je veux savoir où il a été amené, je veux savoir pourquoi il n'y a pas eu de charges formelles, je veux savoir qui a donné l'ordre, je veux savoir où il a été amené et à qui il a été remis, je veux savoir ce qui lui est arrivé. Mon cœur ne peut connaitre de repos et être serein sans la vérité, aussi dure soit-elle, la vérité guérit toujours l'âme.

Aux termes du droit humanitaire international, les familles ont le droit d'être informées du sort de leurs parents disparus, et les parties prenantes d'un conflit ont la responsabilité de rechercher les personnes disparues et de faciliter les recherches effectuées par les familles. Aujourd'hui, de nouvelles technologies et de nouveaux outils, comme les lois sur l'accès à l'information, peuvent contribuer à remplir ces obligations et aider les familles à transmettre aux nouvelles générations les leçons apprises d'un passé violent, en préservant l'histoire et en la rendant accessible à tous.

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