Australie : Quand la politique fait des cadeaux déguisés aux islamophobes

[liens en anglais] Les hommes politiques d'opposition australiens ont été accusés le week-end dernier de ‘dog-whistle’ politicien [NdT : l'expression désigne, dans la sphère anglo-saxonne, l'utilisation de phrases codées à double-sens qui seront comprises par son électorat, de même que le sifflet à ultra-sons n'est entendu que par les chiens] et de courtiser les islamophobes. Deux affaires se sont heurtées à des répercussions immédiates sur la blogosphère.

Le porte-parole de l'opposition pour l'immigration Scott Morrison a reconnu son “insensibilité” d'avoir contesté hier le coût des obsèques pendant que les familles pleuraient les victimes du naufrage tragique de l'île Christmas.

L'opposition avait attaqué le gouvernement fédéral sur sa décision de faire venir en avion 22 demandeurs d'asile à Sydney pour les obsèques de huit personnes, dont deux bébés, morts dans le naufrage de décembre.
Morrison recule dans la dispute sur les obsèques

Son aveu a été rejeté par Grogs Gamut:

Ce qu'a admis Morrison, ce n'est pas que ses commentaires étaient insensibles, mais que le “moment choisi” l'était. M. Abbott n'a pas dit “nous sommes allés un tout petit peu trop loin”, ce qu'il a réellement dit était : “Je veux remercier Scott d'avoir été assez viril pour accepter que peut-être nous sommes allés un tout petit peu trop loin hier.” Ainsi en réalité ce n'était pas Abbott l'admettant, mais louant Morrison pour censément l'accepter (ce qu'il n'a pas fait – il a seulement pensé que ses commentaires venaient au mauvais moment, quant au contenu ? tout va très bien).
Morrison et Abbott redoublent ; Hockey les rejoint

Mr D sur The Failed Estate, ‘Rejuvenating Journalism in a Jaded Age’, utilise une photo de Scott Morrison en tête de son billet :

L'Australie que je suis venu à admirer est l'un des pays les plus riches du monde ; riche en esprit et en ressources ; un pays qui s'enorgueillit de façon presque enfantine de sa générosité d'esprit, de sa bonne humeur, de son bon coeur et de sa disponibilité à aider les laissés-pour-compte.

Il déplore le rôle des média dans la disparition de cette Australie-là :

Mais je n'entends plus cette Australie-là à la radio. Je n'entends pas cette Australie-là dans les phrases soigneusement choisies et calculées des politiques ou dans les sophismes des éditorialistes de journaux. Au lieu de quoi ce langage biaisé, gêné et élaboré révèle un pays craintif qui se replie sur lui-même et se dérobe du monde, perdant les qualités mêmes qui pendant plus de deux siècles lui avaient fait aimanter ceux qui étaient à la recherche d'une vie meilleure – y compris les familles de nos responsables politiques Tony Abbott et Julia Gillard.
C'est ça, l'Australie ?

Pour ceux qui ne connaissent pas le “dog-whistling”, la journaliste Annabel Crabb donne sur son blog The Drum une leçon à M. Morrison sur cette forme de basse politique :

Ceux qui sifflent dans cet instrument légendaire le font dans une intention complexe : atteindre certaines oreilles réceptives, tout en se réservant la possibilité d'un démenti plausible de motivations plus noires.

…Mr Morrison est, semble-t-il, d'une nouvelle race : le Siffleur audible.
Morrison transforme le cor des alpes en sifflet pour chien

Anthony Eaton condamne lui aussi fermement, sur Musings, from an outer-spiral-arm:

Ainsi donc le ministre de l'immigration du cabinet fantôme Scott Morrison présente ses excuses. Non pas pour l'inhumanité pure et simple de sa suggestion que ces réfugiés qui viennent de perdre des membres de leurs familles dans le naufrage du bateau à Christmas Island (y compris le garçon de 9 ans qui a perdu ses deux parents et son frère dans la catastrophe) ne soient pas autorisés à assister aux funérailles de leurs proches, mais d'avoir choisi pour moment de ses commentaires le jour même desdites funérailles.

De la politique de caniveau par excellence, Scott.
Siffler les Cerbères…

Il a été pratiquement impossible de trouver des blogueurs défendant Morrison, hormis d’extrême-droite. Même le journaliste Andrew Bolt, qui a été accusé de manières similaires, a trouvé que Morrison était peut-être allé trop loin :

Je ne voudrais vraiment pas avoir à défendre la position de Morrison, que ce soit par instinct de conservation ou respect de moi-même. Peu importe la dépense. Il y a pléthore d'autres gaspillages à attaquer dans ce dossier et je pense que la réaction de Joe Hockey est la plus digne et humaine de la part de l'opposition :

Peu importent la couleur de votre peau, la nature de votre religion, si votre enfant est un mort, ou un père, vous voulez être là pour lui dire adieu, et je comprends totalement l'importance de cela pour ces familles.
Est-ce que nous courons à ce point derrière un dollar ?

La position de Bolt a pourtant semblé évoluer dans ses écrits ultérieurs :

Dis donc, c'était cher quand même, comme l'a concédé le ministre de l'Immigration Chris Bowen à Neil Mitchell ce matin…

Beaucoup des commentaires négatifs sur le billet de Bolt montrent que le sifflet pour chiens a été audible pour quantité de gens.

La deuxième polémique concernait la soumission d'une pétition au Parlement Fédéral par un sénateur Libéral, qui appelait à une suspension pour 10 ans de l'immigration de musulmans. Citons Islamophobia Watch, Documenting anti Muslim bigotry :

Le sénateur Libéral de l'ACT Gary Humphries a fâché la communauté islamique de Canberra en soumettant une pétition anti-islamique aux termes virulents devant le Sénat, même s'il dit ne pas en approuver le contenu ni connaître ses signataires.
Australie : colère contre une pétition anti-musulmans au Sénat

Conscience Vote, Politics for the human, s'en prend à l'opposition sur ces deux affaires.

Ç'a été le début d'une véritable symphonie de “dogwhistling” cette semaine. Le sénateur Gary Humphries a ensuite joué son solo, en soumettant au Parlement une pétition qui appelait à un moratoire sur l'immigration musulmane pour donner la priorité aux chrétiens. Il s'est hâté de nous assurer qu'il ne soutenait pas les idées dans la pétition : ‘Beaucoup de musulmans sont mes amis et j'espère qu'ils le resteront’, a-t-il dit. Mais il avait une ‘obligation à remplir ou à apporter devant le Parlement des points de vue de citoyens’.

Ça paraît tout à fait raisonnable, n'est-ce pas ? Ce n'est pas que Humphries voulait le faire – tiens, certains de ses meilleurs amis sont musulmans – mais il n'avait tout bonnement pas le choix. Après tout, il est important de s'assurer que les préoccupations de la communauté soient transmises au Parlement.

La pétition était signée par trois personnes.
Une symphonie de ‘dogwhistling’

Riotact a écrit deux billets sur la pétition. Le deuxième doute de la dénégation de Humphries d'en partager les sentiments:

La liberté de parole est bien belle, mais si des mouvements veulent une voix au parlement ne devraient-ils pas faire élire un représentant ?
Combien de fois le Sénator Humphries va-t-il donner une voix à des détraqués intolérants

Tandis que la semaine de Scott Morrison a continué sa spirale descendante alors qu'il se défend contre de nouvelles allégations de racisme :

Le porte-parole assiégé de l'opposition pour l'immigration Scott Morrison a rejeté comme un ragot l'information qu'il a incité le cabinet fantôme à tirer profit de la peur des musulmans.
Morrison rejette l'information anti-musulmane comme étant un ragot

Un cas de chien qui mord un politicien siffleur ?!

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