Angola : Appels à la révolution

[ Le billet d'origine a été publié le 5 mars. Note de la traductrice: La manifestation organisée le 7 mars 2011 en Angola a avorté et s'est soldée par l'arrestation d'une quinzaine de personnes dont trois journalistes, à ce jour, toutes relâchées. Néanmoins, la réaction vigoureuse du MPLA semble indiquer de sa part une certaine nervosité face à une opinion publique qui aspire au changement de régime politique dans un contexte de révolutions populaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.]

Dans le sillage des manifestations qui ont touché les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, l'Angola semble y avoir trouvé quelque inspiration. Après la révolte du peuple tunisien qui avait décidé de s'unir pour destituer le dictateur et aujourd'hui ex-Président Ben Ali, la fin de la dictature du Président Moubarak en Egypte et plus récemment les conflits en Lybie, quelques Angolais ont décidé que, dans leur pays aussi, les temps étaient mûrs pour la révolution.

"Protesta del 7 Marzo contro la dittatura di José Eduardo dos Santos.  L'Angola dice basta a 32 anni di tirannia e malgoverno." Nuovo poster  della rivoluzione del popolo angolano. Pubblicato su Facebook dal  movimento omonimo.

"Manifestation du 7 mars contre la dictature de José Eduardo dos Santos. L'Angola dit "assez" à 32 années de tyrannie et de malgouvernance." Nouvelle affiche de la révolution du peuple angolais. Publiée sur Facebook par le mouvement du même nom.

Comme rapporté par Global Voices, les manifestations sont organisées par «Agostinho Jonas Roberto dos Santos» – un pseudonyme né des noms de célèbres personnalités de l'Histoire angolaise contemporaine : à savoir Agostinho NetoJonas Savimbi, Holden Roberto et l'actuel Président José Eduardo dos Santos.

D'après un e-mail qui circule sur le web et qu'il est possible de lire sur le site officiel de la “Nouvelle Révolution du Peuple Angolais », la date de la révolution est fixée au lundi 7 mars, sur la place de l'Indépendance.

La pétition qui a été élaborée dénonce entre autres choses « l'extrême pauvreté en Angola, la culture de la peur et de l'intimidation, la misère et l'autocratie. » L'objectif étant de mener une action populaire mettant fin à 32 années de pouvoir de José Eduardo dos Santos.

Sur le blog Página Um (Page Un) [en portugais], on lit un appel à la manifestation:

Vamos marchar com cartazes exigindo a saída do Ze Du [note de l'auteur : diminutif de José Eduardo dos Santos], não mais ditadura do MPLA. Liberdade e Progresso. Abaixo o regime do MPLA.

Nous allons marcher avec des pancartes pour demander la fin du pouvoir de Ze Du (Note de l'auteur : diminutif de José Eduardo dos Santos) et de la dictature du parti MPLA. Liberté et Progrès ! A bas le régime du MPLA !

José Eduardo dos Santos "Ricercato vivo o morto"

José Eduardo dos Santos "Recherché, mort ou vif". Image de la page Facebook "Revoluçao do Povo Angolano".

Le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l'Angola) est le parti qui a dirigé le pays pendant plus de trente ans. L'actuel Président, successeur d'Agostinho Neto et l'un des symboles de la lutte pour l'indépendance, est au pouvoir depuis 1979.

Dans une interview accordée à Terra Magazine le leader anonyme du mouvement parle des raisons des manifestations:

Estamos cansados desta ditadura de quase 32 anos e queremos ser liderados por vários líderes em cada 5 ou 10 anos, o que acreditamos será uma verdadeira democracia, visto que o país será dirigido por diferentes pessoas com visões diferentes para o bem do povo angolano.

Nous sommes fatigués d'une dictature qui dure depuis presque 32 ans et nous demandons à être dirigés par des leaders aux opinions politiques diverses alternant tous les 5 ou 10 ans et travaillant seulement pour le bien du peuple angolais ainsi que cela devrait être dans toute vraie démocratie.

Nouvelles formes de mobilisation

Les personnes se mobilisent suite au bouche à oreille, à des débats dans les quartiers et dans toute les villes du pays, rapporte l'organisateur  “Agostinho Jonas Roberto dos Santos” dans la même interview accordée à Terra Magazine.
Toutefois, les nouvelles formes de communication telles Internet sont en train de jouer aussi un rôle important. L'auteur du blog  Morro da Maianga dit avoir eu des difficultés à envoyer des SMS ces derniers jours et demande si ceci pourrait être dû à l'intervention de ceux qui espèrent ainsi “mettre à l'épreuve le système de mobilisation virtuelle en Angola” :

Se de facto foi esta a sua intenção, a “operação 7 de Março” foi coroada de total êxito, pois a informação disseminou-se mesmo, ao ponto de se ter transformado num extraordinário facto político nacional, a provocar até reacções enérgicas de condenação da parte dos altos comandos das FAA [Forças Armadas de Angola].
De facto já há muito tempo que não via o MPLA “tãm nervioso”…

Si en effet c'était leur intention, “l'Opération du 7 mars” a plutôt obtenu un grand succès. Les informations ont atteint tous les coins du pays jusqu'à transformer ce mouvement en un extraordinaire fait politique national qui a provoqué de fortes réactions de condamnation de la part du Commandant de la FFA [Forces Armées de l'Angola]. Cela faisait en effet longtemps que nous n'avions vu le MPLA “ainsi nerveux”.

Orlando Castro, dans son  blog Alto Hama [en portugais], s'attend à une grande adhésion de la part de tous les Angolais de la diaspora et prévoit ceci:

Apesar da garantia de que as manifestações serão pacíficas, democráticas e legítimas, inspiradas no Movimento de «Não-Violência» e a favor de paz e estabilidade em Angola, é bem possível (já há, aliás, indícios nesse sentido) que o regime do MPLA procure impedir a sua realização.

En dépit de toutes les garanties prises pour une manifestation pacifique, démocratique et légitime, celle-ci étant inspirée par un mouvement non-violent et en faveur de la paix et de la stabilité en Angola, il est très probable (il y a déjà des signes en ce sens) que le régime du MPLA cherchera à entraver la manifestation.

Réactions et tensions

On s'attend à ce que le gouvernement cherche à réprimer la manifestation ; si cela arrive, ce sera probablement en usant de la violence.

L’avertissement [en portugais] vient du Président du groupe parlementaire du MPLA, Virgílio de Fontes Pereira, qui déclare :

num Estado Democrático não devem ser tolerados comportamentos individuais ou colectivos, praticados por quem quer que seja, que atentam contra a ordem constitucional e ponham em risco a estabilidade do mandato e do funcionamento dos órgãos legitimados para exercer os poderes Legislativo, Judicial e Executivo.

Dans un Etat démocratique, indépendamment de ceux qui l'adoptent, la tolérance zéro doit être exercée à l'encontre des comportements individuels et collectifs qui tendent à attaquer l'ordre constitutionnel, mettant ainsi en danger la stabilité et le fonctionnement des organes qui exercent les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif dans le pays.

Dino Matross, un des leaders du MPLA va même plus loin, déclarant sans demi-mesure à la radio Luanda Antena Comercial, que tous ceux qui auront seulement l'audace de manifester seront punis.

Les propos de ce  leader ne sont toutefois pas suffisants pour démotiver tous ceux qui rêvent d'un changement en  Angola. Le Diário da Liberdade [en portugais], a rapporté la déclaration d'un jeune Angolais qui affirme ne pas craindre les conséquences des actions de répressions du gouvernement.

Um jovem angolano disse, e com razão, que o povo de Angola já não é aquele povo de 20 anos atrás. Atualmente conhecemos a besta que vamos derrubar e não somos intimidados pelas ameaças mesquinhas do corrupto Dino Matross (secretário-geral do MPLA).

Un jeune Angolais a déclaré avec justesse que le peuple de l'Angola n'est plus celui d'il y a 20 ans. Aujourd'hui, nous connaissons la bête que nous voulons faire tomber et nous n'avons pas peur des intimidations de personnages corrompus tels que Dino Matross (secrétaire général du  MPLA).

En riposte à la révolte annoncée, la Commission spéciale pour le Changement du MPLA a poussé à faire une contre-manifestation le 5 mars à Luanda, afin de prévenir de  futures manifestations contre le gouvernement.

Carlos Alberto Jr. publie de nouveau l'e-mail qui circule, accompagné de l'invitation sur son blog Diário de África et conclut:

Com uma população miserável e uma juventude cada vez mais insatisfeita, as autoridades precisarão de muita habilidade para manter o país nos trilhos.

Avec une population qui vit dans des conditions misérables et une insatisfaction toujours plus grande chez les jeunes, il faudra une grande habileté aux autorités pour maintenir le pays dans le calme.

1 commentaire

  • pires feliciano mayimona

    a propos de monsieur dos santos et de ses camarade ,il est temps de partir avec toute la dignité qu’on leur doit malgré leur mauvaise gouvernance de plus d’un quart de siècle.la vitalité et la sante de la démocratie c’est l’alternance du pouvoir et la distribution équitable des richesses. ce qu’il faut savoir;”quand il y a une révolte devant les porte du régime “la réponse c’est sont des reformes précises ,urgentes et concrètes et non l’organisation de marche de soutien au pouvoir, tout ça va aboutir a rien puisque nous voulons du changement et que personne n’est au-dessus de cette volonté.

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