Pakistan : des citoyens lancent une pétition après l'assassinat du Ministre des minorités

Des gens viennent signer, à Karachi, la pétition lancée après l'assassinat de Shahbaz Bhatti. Photo Abro Khudabuksh

Le 2 mars 2011 [en anglais], plusieurs inconnus armés ont tiré et tué le ministre fédéral en charge des minorités au Pakistan, Shahbaz Bhatti. Ses assassins ont fui après avoir laissé à côté de son corps criblé de balles un tract justifiant sa mort. Il s'agit du deuxième meurtre d'une personnalité, après celui du gouverneur Salman Taseer le 4 janvier dernier. Shahbaz Bhatti était le seul membre du gouvernement de confession chrétienne et sa mort constitue un sévère revers, non seulement pour les minorités religieuses, mais également pour le pays tout entier. A l'annonce de son assassinat, les utilisateurs pakistanais de Twitter ont fait part de leur répulsion et de leur chagrin sur la plateforme.

J'ai moi-même commenté les premières réactions sur mon blog Gawaahi.com [en anglais comme le reste des liens du billet] et exhorté les gens à s'élever contre la violence.

Il n'y a pas d'espoir pour le Pakistan”

“Que le Pakistan repose en paix”

“Le pays part à vau-l'eau”

Repose en paix, Pakistan. Ce fut le premier message que j'ai lu cet après-midi sur mon fil Twitter. Ça ne m'a pas pris longtemps pour faire défiler les précédents tweets sur l'écran et apprendre le drame. Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des minorités et seul représentant chrétien du gouvernement, a été abattu. Stupeur, horreur, peur, difficile de déterminer lequel de ces sentiments a fait surface en premier.

Kalsoom Lakhani estime sur son blog Changing Up Pakistan que sa mort est une immense tragédie, un nouveau coup dur pour ceux qui tentent d'agir avec courage dans ce pays. Le blogueur Ahsan Butt fait part de son désespoir face à ce meurtre, qui n'annonce rien de bon pour le futur aux yeux de nombreux Pakistanais.

Je me résigne de plus en plus à l'idée qu'il est peut-être trop tard pour changer quoique ce soit au chaos qui règne au Pakistan. Je ne parle pas d'une quelconque faillite de l'État ; je suis sûr que l'État survivra encore bien longtemps. Vous rappelez-vous ces mots d’Adam Smith [français] évoquant “tout un marché de la ruine dans un pays”?

Donc, non, je ne parle pas d'effondrement de l'État. Je parle de ce que deviennent l'État et la société – tous deux de plus en plus consternants – et de la question de savoir si, franchement, on peut encore y faire quelque chose.

Salman Taseer comme Shahbaz Bhatti ont tous deux été assassinés pour leur prise de position relative à la Loi sur le blasphème. Ceci dit, les réactions à la mort de Shahbaz Bhatti ont été différentes de celles ayant suivi celle de Salman Taseer – il n'y a pas eu d'hommage national. Un billet mis en ligne sur le blog Cafe Pyala montre du doigt la montée en puissance de la justification, au nom de la religion, d'actes meurtriers.

Personnellement, je ne suis pas d'accord avec tout homme, femme ou adolescent qui tente de nuancer le débat sur le fait que le désaccord mérite ou pas la mort.

Sur son blog, Mosharraf Zaidi appelle les Pakistanais à remiser leurs différends politiques et à s'unir dans le chagrin pour honorer la mémoire de Bhatti. Pour le blogueur Yasir Lateef Hamdani, le Pakistan est à un carrefour idéologique après la mort de ce dernier. Au beau milieu de l'obscurité et du désespoir, deux femmes remarquables, Naveen Naqvi et Beena Sarwar, parlent de courage et de détermination.

Sur son blog, Naveen Naqvi livre un poignant point de vue sur la mort de Bhatti intitulé Votre silence pourrait encourager d'autres meurtres :

Je vous en prie, appuyez-moi. Ne pensez pas que cela ne fera aucune différence. Au contraire. Il existe des précédents et nous devons avoir la volonté d'en créer de nouveaux, sinon, je vous le répète, il ne nous restera plus rien à combattre. Je vous demande d'agir avec moi le 12 mars. Venez signer, samedi 12 mars de 11 h à 19 h, la lettre contre l'intolérance religieuse destinée au gouvernement et à la justice. J'espère vous voir à ce moment-là.

Naveen Naqvi s'est par ailleurs également rendue à la messe commémorative organisée à la cathédrale Saint-Patrick de Karachi pour Shahbaz Bhatti et a mis en ligne des photos de l'événement. La militante des droits de l'homme Beena Sarwar a, de son côté, publié les e-mails échangés avec le journaliste canadien Gwynne Dyer afin de contredire l'idée que les meurtres n'avaient suscité qu'un silence de mort. La campagne de signatures a rassemblé plus de 15 000 personnes de différents âges, précise Naqvi sur son blog. Des images vidéos de l'événement, tournées par Sabeen Mehmud, montrent que les gens se sont déplacés en nombre.

Malgré le très grand succès de l'initiative, beaucoup ont émis des critiques et soulevé la question de savoir si une pétition pouvait, oui ou non, aider à résoudre les problèmes du Pakistan. Sur mon propre blog, j'ai essayé de prendre en compte ce pessimisme grandissant :

La critique est inévitable. Ici, elle concerne la capacité d'une pétition à résoudre des problèmes compliqués. C'est vrai qu'une pétition n'est pas la seule solution. Mais c'est quand même un bon point de départ pour mener une action de plus grande envergure. Ces 15 000 personnes ont bravé toutes les étiquettes et les clichés. Il ne s'agissait pas d'un débat entre libéraux et conservateurs, mais de Pakistanais signant contre la violence et la peur. C'est un symbole fort car, contrairement aux idées reçues, nous ne sommes pas une population passive. Le climat d'intimidation ne peut être contré que par le courage.

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