Russie : La Moscou Pride 2011

La Moscou Pride [en anglais comme les 2 liens suivants] du 28 mai, interdite par les autorités de la ville le 17 mai, a mal tourné : selon la presse, au moins 18 militants des droits des homosexuels et 14 de leurs adversaires ont été appréhendés par la police à la tombe du Soldat inconnu sur la place du Manège et, plus tard, devant la Mairie rue Tverskaïa. C'était la sixième tentative de défilé de la gay pride dans la capitale russe ; lisez ici l'article de Global Voices sur la première, en 2006 [en anglais].

Les utilisateurs de LJ zyalt, drugoi, o_maksimoff, al_31f, edelveis8 et linuel_foto [tous en russe] ont été de ceux qui ont publié sur leurs blogs des photo-reportages du rassemblement et des affrontements.

Un agent anonyme de la police anti-émeute moscovite, qui blogue sur LJ sous le nom omon_moscow [en russe] et tweete sous @OMON_Moscow [en russe] (décrit dans ce billet [en anglais] de Kevin Rothrock sur A Good Treaty), a mis en ligne [en russe] des photos de la rue Tverskaïa, où il était en service au moment du rassemblement, et il note que “les militants des relations homosexuelles” ont voulu gâcher la fête annuelle officielle des gardes-frontières russes, le 28 mai (photos de la cérémonie au Parc Gorki, de l'utilisateur LJ ridus-news, ici). Sur Twitter, @OMON_Moscow a défendu l'action de la police en ces termes [en russe] :

A tous les malins qui me parlent des droits des gays et des lois européennes, je leur suggère de ne pas se donner cette peine. Je vis selon les lois de [la Fédération de Russie], et pas celles de l'Union Européenne. :)

Un certain nombre de militants étrangers des droits des gays ont été arrêtés à Moscou le 28 mai, dont un ancien officier de l'U.S. Army, Dan Choi (un document sur sa détention brutale, avec une vidéo, a été publié par AMERICAblog Gay, ici [en anglais]). @OMON_Moscow a publié à ce sujet ce commentaire [en russe] au ton désinvolte et affairé :

Bon, on a arrêté [place du Manège] l'essentiel des [homos] étrangers . [Un petit Noir] court toujours. Ils sont arrivés chez nous. Je fonce travailler.

Elena Kostioutchenko (l'utilisatrice LJ mirrov_breath), une journaliste de 23 ans de Novaïa Gazeta qui a aussi écrit de façon extensive [en russe] sur l'affaire de la forêt de Khimki (voir sur Global Voices ici), a expliqué sur son blog pourquoi elle prévoyait d'assister à la Gay Pride de cette année à Moscou. Le billet [en russe] a généré 7.414 commentaires jusqu'à présent (il a aussi été repris [en russe] par Novaïa Gazeta, où il y a déjà deux pages de commentaires).

E. Kostioutchenko – sa photo est ici, par l'utilisateur LJ o_maksimoff, elle y tient une feuille où il est écrit, “Haïr, quel ennui :)”, et ici, par l'utilisateur LJ zyalt, pendant qu'elle est emmenée par un policier – souffrirait d'un traumatisme crânien [en russe] après avoir été frappée à la tempe pendant le rassemblement, et elle est maintenant à l'hôpital.

Voici la traduction d'extraits du billet impressionnant d'Elena Kostioutchenko, où elle parle de sa compagne de 31 ans, décrit les problèmes rencontrés par les couples homosexuels en Russie, et répond par avance aux lecteurs homophobes de son blog, en rappelant quelques vérités évidentes qui ne le sont pourtant pas tant que cela pour beaucoup de gens.

[…] Nous sommes ensemble depuis deux ans. […] Nous avons emménagé ensemble au bout de deus semaines. Je ne l'ai pas regretté un instant. Je voudrais passer toute ma vie avec elle.

[…]

C'est un bonheur tout à fait ordinaire. Je ne crois pas qu'il soit très différent du vôtre.

[…]

Nous aimerions enregistrer notre relation. […] Nous sommes des femmes majeures et capables, citoyennes de la Fédération de Russie, nous travaillons beaucoup et bien, payons des impôts, nous n'enfreignons pas les lois et nous nous aimons – nous voudrions officialiser notre union.

Nous aimerions que l'Etat nous reconnaisse comme de la même famille. Pas seulement comme de la même famille, mais comme conjoints, avec tout ce que cela implique. Nous voudrions pouvoir prendre un emprunt familial. Obtenir une assurance-santé familiale […]. J'aimerais que ma femme se sente sécurisée dans les procès en succession qui pourraient suivre ma mort. Je voudrais qu'elle ait la possibilité de ne pas témoigner contre moi en justice. Et si je me retrouve un jour aux urgences (ce qui, avec ma santé, est malheureusement plus que probable), je voudrais que ce soit elle qui prenne les décisions.

Nous aurons des enfants. Vous, mes chers homophobes, pouvez bien en ce moment [vous conchier] de l'autre côté de vos écrans d'ordinateur, nous aurons quand même des enfants. Nous les aimons d'avance et nous réjouissons beaucoup. Et s'il le faut, nous nous mettrons en quatre pour qu'ils soient heureux. Et certes, nous voulons figurer toutes les deux sur les actes de naissance de nos enfants. Nous voulons – toutes les deux ! – être les représentantes des intérêts de nos enfants à l'école, chez le médecin, et (Dieu nous préserve !) à l'hôpital et au tribunal. […] NOUS EXIGEONS DES GARANTIES que, en cas de mort de la mère biologique, nos enfants ne seront pas envoyés dans un orphelinat pendant que la seconde mère s'efforce de prouver à ces [conneries] d'organes russes de tutelle qu'elle n'est pas une étrangère pour ces enfants.

[…]

Tout ce qui est écrit plus haut a rapport à votre question “quel besoin ont-ils de parades si l'article du code pénal [criminalisant l'homosexualité masculine] n'existe plus ?” et “baisez tranquillement dans votre coin et personne ne touchera à vous.” Désolée, mais nous voulons un petit peu plus que “baiser tranquillement dans notre coin.” Nous voulons une vie humaine normale. Quelle horreur, non ?

[…]

Ça ne me plait pas quand vous voulez voir crever les pédés dans les commentaires. […]

C'est encore pire quand des gens apparemment mûrs qui ont l'air intelligent et parlent correctement le russe commencent à évoquer la “propagande de l'homosexualité.” Mes chers, vous êtes sérieux ? […] Je comprends que vous ne veuillez pas lire tous ces ennuyeux travaux scientifiques et recherches d'anthropologues, sociologues, psychologues, sexologues et historiens. D'accord, ils sont assommants. Mais alors mettez en marche vos cerveaux. L'absolue majorité des homosexuels russe sont nés et ont grandi dans des familles hétérosexuelles en Union Soviétique, où [il n'y avait même pas de sexe [en anglais]], et encore moins de gays. Alors d'où venons-nous ? […]

[…]

J'enrage quand des camarades ignorants recommandent que “les homos suivent un traitement.” Traitement de quoi, [merde] ? L'homosexualité a été officiellement retirée de la lite des pathologies, au plan international et dans notre pays. […] Pour que ce soit plus facile à comprendre, une variation de la norme, c'est comme pour les cheveux : il y a des bruns, des très blonds et des roux. On ne rencontre pas trop souvent des rouquins, mais aucune personne de bon sens ne proposerait de soigner quelqu'un parce qu'il est roux. […]

Certains de ceux que je considèrent comme des amis disent : “tu as raison, mais dans ce pays…” Et enchaînent avec un message appuyé sur la culture, la religion, les moeurs sociales… nationales, avec une allusion finale à l'émigration. Je m'abstiens de leur rappeler que les traditions de “ce pays” incluaient encore récemment l'esclavage et les exécutions de masse, et que la culture et la religion nationale, tout comme les moeurs sociales, les toléraient fort bien. Je ne le leur rappelle pas parce que je crois que notre pays mérite mieux. […] La Russie va changer, elle change déjà.

Et cela sera, même si vous salauds, m'écrasez la tête avec une batte de base-ball [à la parade de la Gay Pride aujourd'hui].

Parce que l'amour et le bon sens sont toujours plus forts – même si ce n'est pas tout de suite – que la haine et [la bêtise].

C'est ainsi que va ce monde, et les gays n'y sont pour rien. […]

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