Deux Mexicains encourent la prison pour “terrorisme” via les réseaux sociaux

Marucho Bravo Pagola (@maruchibravo) et Gilberto Martínez Vera (@gillus_22) sont deux citoyens mexicains  arrêtés  pour “terrorisme et sabotage” dans l'État de Veracruz, au Mexique, après avoir diffusé sur Twitter et Facebook des rumeurs au sujet d'une attaque des narcotraficants.

Daniel Hernández écrit dans le Los Angeles Times [en anglais]:

A Veracruz, l’ utilisateur  actif de Twitter, Gilberto Martinez Vera (@gilius_22), a écrit jeudi dernier sur une supposée attaque dans une école primaire de la localité de Boca del Río, près de la ville de Veracruz. Le message original de Martinez Vera sur  Twitter disait ceci: “un groupe armé a kidnappé 5 enfants,  c'est la psychose générale dans la région.” Il l'a signalé à sa belle-sœur puis a dit qu'il s'était trompé d'école et en a cité une autre, ce qui n'a fait qu'augmenter davantage la confusion.

Selon certaines sources, Maria de Jesus Bravo Pagola (@MARUCHIBRAVO) a fait de similaires déclarations sur son compte Facebook, citant des témoignages de parents pris de panique et courant à l'école qui était mentionnée dans les messages.  Son compte Twitter est inactif depuis le 22 août.

Les autorité n'ont pas pu confirmer l'attaque. Le lendemain, Martínez, professeur de son état et Bravo, journaliste et ancien fonctionnaire, ont été arrêtés à leur domicile.

Avant ces arrestations, le gouverneur de l'Etat de Veracruz, Javier Duarte, a fait ce commentaire sur Twitter :

Nous avons déjà établi  l'origine des fausses informations d'aujourd'hui. Je veux que l'on sache que celles-ci auront des conséquences juridiques, prévues par  l'Article 311 (article relatif au terrorisme)

Le gouverneur de Veracruz  affirme que les personnes arrêtées ont créé et diffusé des fausses rumeurs, mais beaucoup de gens assurent qu'ils ont reçu des appels des écoles en question, afin d'aviser les parents des dites attaques. (Voir cette vidéo à ce sujet ).

Amnistie Internationale au Mexique a non seulement exprimé sa préoccupation devant  l'arrestation des deux citoyens mexicains et à l'accusation portée contre eux mais a  aussi écrit aux autorités pour leur demander ceci :

-  Nous réclamons que soient menées immédiatement des enquêtes impartiales sur les dénonciations de mauvais traitements et de coercition,  ainsi que sur le refus qu'il leur a été fait par la police judiciaire et les autorités de recourir aux avocats de leur choix durant leur détention et leur procès.

-  Nous demandons à ce que soient respectés le droit à un procès équitable ainsi que la liberté d'expression  et nous exigeons que les autorités de l'état revoient non seulement leur position sur la détention de  María de Jesús Bravo  et de Gilberto mais aussi quant aux accusations portées contre eux.

La Jornada Veracruz a fait savoir que la Commission des Droits de l'Homme de Veracruz ne défendra pas les accusés car, en la matière, elle se trouve limitée par la loi.

Toutefois,  la Revista Proceso a publié un article dans lequel les avocats des détenus dénoncent les “tortures psychologiques” infligées pour obtenir les aveux de Gilberto et de María de Jesús.

L'antenne mexicaine de l'association Article 19  condamne ces détentions et demande la libération des “twitteurs” mexicains:

Les limites à l'exercice du droit à la liberté d'expression sont clairement définies par le droit international et n'incluent pas de condamnation pour diffusion d'informations fausses ou non confirmées.

L'incarcération des utilisateurs de Twitter pour terrorisme s'avère être la dernière tentative en date de restriction de la liberté d'expression à   Veracruz. La crise de la sécurité publique dans l'État a déjà gravement entravé la libre circulation de l'information avec l'assassinat de quatre journalistes depuis le début de cette année et maintenant l'utilisation discrétionnaire de la loi pour poursuivre les utilisateurs de Twitter représente un abus.

En nous appuyant sur l'ARTICLE 19, nous appelons le gouverneur Javier Duarte à s'abstenir d'interférer dans l'exercice du droit à la liberté d'expression et en particulier  à ne pas restreindre ce droit  de manière injustifiée et disproportionnée dans le domaine de la sécurité nationale et de la sécurité publique.

Le sénateur Francisco Castellón Fonseca du parti PRD, connu pour son travail de défense des droits numériques et de la liberté d'expression dans la société civile,  a fait quelques déclarations dans lesquelles il qualifie les actions menées par le gouvernement de Veracruz comme étant l'expression du “plus obscur autoritarisme”:

Avec tout le respect dû à l'autonomie de l'Etat de Veracruz, je demande au gouverneur Javier Duarte de retirer les accusations portées contre María de Jesús Bravo Pagola et Gilberto Martínez Vera, qui ont été accusés de terrorisme et de sabotage pour leur utilisation des réseaux sociaux sur Internet.

Javier Castellón Fonseca a noté que les gouverneurs et parlementaires de  Veracruz, de Tabasco et de Nayarit ont approuvé les lois contre les réseaux sociaux, ce qui leur a permis de  “diaboliser l'utilisation de cet important outil de communication et d'accès à la connaissance. Il faut qu'ils comprennent qu'on ne doit pas contrôler ce qui circule sur la Toile puisque ainsi, on restreindrait les principes les plus élémentaires de la liberté d'expression”.

Reporters Sans Frontières a publié une entrée sur son blog [en anglais] dans laquelle il considère cet épisode comme étant un exemple de:

la manière dont on est en train de démolir l'état de droit tandis que  l'offensive fédérale contre le trafic de drogues continue à avoir un prix pour la société mexicaine. Le coût des pertes humaines dépasse déjà les 45 000 morts depuis décembre 2006.

Javier Duarte a défendu la décision de poursuivre les citoyens mexicains par un  Tweet et a  affirmé qu'ils seraient châtiés non pour avoir été des utilisateurs de Twitter mais pour “les conséquences engendrées par leurs actes irresponsables” .

Gilberto et Maruchi sont détenus dans la prison de  Pancho Viejo dans l'Etat de Veracruz et, s'ils étaient condamnés, selon l'article 311 du Code pénal de ce même État, ils pourraient encourir une condamnation de 3 à 30 ans de prison.

ContingenteMX, un réseau de militantisme civil apparu l'an passé au Mexique, a envoyé  une pétition exigeant leur libération immédiate.

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