Bangladesh : Controverse autour d'un statut Facebook

Au Bangladesh, comme partout dans le monde, Facebook devient un média social incontournable. Il sert aux interactions entre amis, à la diffusion d'actualités et d'informations, mais aussi au débat politique.

Les Bangladais expriment volontiers leurs opinions, coups de cœur et coups de colère sur Facebook. L'un d'entre eux a un jour publié ce statut : “Je suis peut-être pauvre, mais j'ai un Statut”, qui a très vite circulé sur le réseau, et il a maintenant sa propre page Facebook.

Facebook Status

Image de l'utilisateur de Flickr Christy Sheffield. CC By-NC 2.0

 

Mais un simple statut Facebook peut parfois poser des problèmes, comme l'a découvert récemment Ruhul Amin. Suite à la mort de deux personnalités du cinéma,Tareq Masud et Ashfaque Munier, lors d'un accident de la route [en français], de nombreux utilisateurs ont exprimé leur colère sur Facebook. L'un d'entre eux, Ruhul, est aujourd'hui appelé à comparaître devant la Cour Suprême.

Quel était le statut incriminant ? Le réseau d'informations web BDNEWS24.com [en bengali] cite :

La Cour Suprême a demandé à ce que Ruhul Amin Khondker, un professeur vivant à l'étranger, soit appelé à comparaître pour avoir dit souhaiter la mort du Premier Ministre.

Sur le blog de ce site, on peut lire [en bengali] :

Ruhul, conférencier de l'Institut des Technologies de l'Information de l'Université de Jahangirnagar, est actuellement en année sabbatique en Australie. Il a posté un statut Facebook dans lequel il se demande “Pourquoi le Premier Ministre ne meurt-il pas ?” Ce commentaire a été publié à la suite de l'accident de voiture qui a causé la mort de cinq personnes, dont le réalisateur de renom Tareq Masud et le PDG de la chaîne ATN News Ashfaq Mishuk Munier. Un journal local a repris l'histoire du statut du professeur, et la Cour Suprême a décidé de réagir.

M.Ruhul a posté deux statuts sur son mur. Ce samedi à 19h40, il a écrit : “Conséquences d'un permis de conduire délivré sans examen écrit : Cinq morts, y compris celles de Tareque et de Mishuk Munier. Tout le monde meurt sauf le Premier Ministre.” Le lendemain, il poste un nouveau statut à 4h59 : “Un permis sans examen écrit ? Est-ce imaginable dans une société civilisée ? Alors que le monde entier devient de plus en plus strict sur le permis de conduire, le gouvernement Hasina les distribue sans examen.”

La principale raison de sa colère est due à la décision [en bengali] du Ministre des Transports d'accorder le permis à 21 000 candidats (24 000, selon certains) sans qu'ils aient passé tous les tests, une partie des candidats étant illettrés.

L'article de BDNews24blog a entraîné de nombreux commentaires. Certains soutiennent Ruhul, tandis que d'autres ont une autre vision de l'affaire.

Rabbani dit :

Je soutiens aussi le statut de Ruhul, et je considère que l'action de la Cour Suprême est un abus de pouvoir et de la loi, et que c'est contre les droits de l'homme. Ruhul s'exprime avec ses propres mots contre la négligence des chefs politiques envers les milliers de morts sur la route chaque année.

Mohammad Morshed Alam pense que c'est une attaque contre la liberté d'expression. Il commente :

Les atteintes à la liberté d'expression ne sont-elles pas contre la démocratie ? Cela ne va-t-il pas diminuer la confiance envers le système judiciaire ? Chers juges, je vous en prie, n'ôtez pas le dernier espoir des citoyens.

Mohsin Rahman dit :

Le professeur a exprimé sa colère personnelle, qui se fait l'écho de ce que pensent beaucoup de gens. Les juges n'ont fait que propager cette idée, en rendant l'affaire publique et médiatique.

Hasan dit :

J'ai peur de commenter sur cet article, on pourrait m'accuser de mépris envers la Cour ! :P

Selon Ratan Adhikary, ces commentaires vont trop loin :

Cela va bien trop loin. Ce que le conférencier Muhammad Ruhul Amin Khondoker a dit ne doit être encouragé sous aucune forme. Nous espérons que M.Ruhul et ses partisans vont prendre conscience de leur comportement déplacé.

Netpoka dit à son tour :

Ce genre de commentaire est indécent. Mais en quoi est-il illégal, vous le savez ?

Extreme regulations lead to censorship

Des régulations extrêmes mènent à la censure. Image par l'utilisateur Flickr publik15. CC BY 2.0

Anik Iqbal est un blogueur. Il a écrit un mail groupé aux étudiants de l'Université Jahangir Nagar (publié avec autorisation) :

Cela m'intéresse de voir si le gouvernement peut vraiment défendre son accusation et justifier son raisonnement. S'ils décident de vraiment lancer l'affaire, beaucoup de choses seront en jeu. Le rôle du gouvernement en tant que protecteur des droits des citoyens sera remis en question. Encore une fois, il va être accusé de contrôler les opinions du peuple par la force. Qu'il gagne ou non le procès, il est probable que son image en ressorte ternie.

Ruhul Amin a répondu par email à une interview de Bangla News [en bengali], dans laquelle il explique le contexte de ses remarques :

Chers frères et sœurs

Je ne devrais pas avoir à exprimer à nouveau la peine d'avoir perdu Tareq Masud et Mishuk Munier. Le jour de leur mort, je l'ai appris dans des articles de journaux bangladais en ligne. J'ai aussi essayé de trouver d'autres articles à ce sujet. J'ai été très touché par les centaines de commentaires postés sous ces articles. J'étais véritablement submergé par les émotions, et j'ai compilé quelques extraits des commentaires que j'ai postés sur mon profil.

Il ajoute :

Je le dis sans hésiter : je n'ai rien contre le Premier Ministre et je ne le menaçais absolument pas dans mon statut. Je voulais juste partager avec mes amis les réactions du peuple face à l'accident de la route. Ces remarques ne sont pas mes propres mots. J'ai confiance dans le Premier Ministre, d'autant plus que je suis professeur d'une université indépendante. Je suis vraiment désolé si mon statut à heurté la sensibilité de certains.

Il conclut en disant :

Les problèmes d'interprétation de mon statut ont entraîné des conséquences indésirables. J'espère que cette malencontreuse affaire s'arrêtera là.

Le blogueur Anik tire ses conclusions de l'histoire :

Je vais suivre le développement de cette affaire avec intérêt. Ce procès décidera de l'avenir des médias électroniques et définira les droits d'expression des citoyens à travers les outils puissants et modernes des nouvelles technologies.

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