Brésil : Le barrage de Belo Monte devant les tribunaux

Article d'origine publié sur Global voices en portugais le 21 octobre*

Ce billet fait partie de notre couverture spéciale Gros plan sur les forêts: l'Amazonie. [Tous les liens renvoient aux pages en portugais sauf mention contraire]

Le système judiciaire brésilien a déchaîné les protestations contre la centrale hydroélectrique de Belo Monte, dont la construction a commencé en juin 2011 [en français]. Une action en justice intentée en 2006 par le Ministère public de l'Etat de Pará (MPF/PA) est arrivée le 17 octobre [Note de l'éditeur : les sites du MPF/PA semblent actuellement indisponibles] devant le Tribunal régional de la 1ère région de la capitale, Brasilia.

Cette action en justice remet en cause la loi  788/2005 du  Congrès national qui a autorisé la construction du barrage sans avoir préalablement consulté les peuples autochtones de la municipalité d'Altamira et des zones alentours. La consultation avant ce type de construction est un droit inclus dans l'article 231 de la Constitution brésilienne.

Cette vidéo créée par le mouvement Xingu Vivo Sempre avec les peuples autochtones du fleuve Xingu montre leur mécontentement vis-à-vis du projet de Belo Monte et présente  leur action en justice afin que soit protégé leur mode de vie:

Le MPF/PA a ouvert un  site internet “Belo Monte: les problèmes posés par le projet et les actions du MPF“, sur lequel on peut suivre l'actualité, les actions en justice et les évaluations relatives au barrage. Un des liens renvoie au blog Belo Monte de Violências [un jeu de mots pouvant se traduire ainsi: “belle montée de violence” ] publié par le procureur Felício Pontes Jr du MNP/PA.

Ce blog a déchaîné une tempête car Pontes Jr y a publié les antécédents judiciaires de l'affaire, les articles qu'il a écrits pour critiquer le projet ainsi que les actions civiles publiques. Il inclut de plus un lien renvoyant à une pétition contre le barrage, une déclaration du mouvement  Xingu Vivo Sempre et  la vidéo “Défense des fleuves d'Amazonie“, qui explique l'impact du projet.

En début septembre, Norte Energia S.A. (NESA), l'entreprise en charge de la construction du barrage, a déposé une action en justice [en français] contre Pontes Jr, lui demandant de se tenir éloigné de l'affaire et de supprimer du site internet du MPF/PA le lien renvoyant à son blog.

Les procès en cours

El ministro de Minas y Energía, Edson Lobão, y la presidenta, Dilma Rousseff, brindan mientras palidece la selva destruida por la presa. Caricatura de Ju Borges (@peledaterra), del blog El Pele da Terra, usada con permiso.

Le ministre des Mines et de l'Energie, Edson Lobão, et la Présidente, Dilma Rousseff, trinquent tandis que la forêt détruite par le barrage décline. Caricature de Ju Borges (@peledaterra), du blog El Pele da Terra Image utilisée avec son aimable autorisation.

 

 

Il y a actuellement plusieurs actions en justice  réclamant l'interruption de la construction de la centrale hydroélectrique. L'une d'entre elle a été intentée par la municipalité d’ Altamira, conjointement avec le  MPF/PA. Dans un premier temps, la maire d'Altamira avait soutenu le projet  mais à présent elle affirme que les conditions des accords n'ont pas été respectées et que la ville a fait face à divers problèmes depuis que le feu vert a été donné pour le barrage.

Fin septembre, le Ministère public fédéral de l'Etat de Pará a déclaré sur Twitter:

@MPF_PA: Íntegra do ofício da prefeitura de Altamira, da câmara e de mais de 40 associações pedindo suspensão de Belo Monte: http://bit.ly/r35c37

@MPF_PA: Voici le document par lequel la municipalité d'Altamira, son assemblée et 40 autres associations réclament la suspension du barrage de Belo Monte: http://bit.ly/r35c37

La municipalité affirme :

Os estudos preliminares ao empreendimento criaram um sonho de uma Altamira de primeiro mundo, com uma infraestrutura urbana e saneamento nunca antes imaginada por nossa sociedade. Não pode agora a nossa população ver transformado este sonho em pesadelo, e passar a acreditar que essa obra só veio para agredir o meio ambiente e trazer miséria para a já sofrida população de Altamira.

Les études préliminaires du projet [de Belo Monte] ont formé le rêve d'une Altamira développée, disposant d'une infrastructure urbaine et sanitaire comme on n'en avait jamais imaginé auparavant en notre société. Notre population ne veut pas voir la manière dont ce rêve se transforme en cauchemar et elle a commencé à croire que ce projet n'a vu le jour que pour s'attaquer à l'environnement et pour apporter la misère à la population d'Altamira qui souffre déjà suffisamment.

Les professeurs, les étudiants et l'église de la ville voisine de Vitória do Xingu sont aussi mécontents de ce que les conditions d'autorisation du projet ne sont pas remplies et ont exigé une audience publique pour débattre du sujet, selon le site internet  Xingu Vivo.

La 12ème Action civile publique contre le Belo Monte émane des agriculteurs locaux comme l'a déclaré le 4 octobre la twiteuse Verena Glass :

@VerenaGlass: 12a Ação Civil Publica Belo Monte: MPF quer obrigar NESA a respeitar direitos dos agricultores atingidos http://bit.ly/oauebT

@VerenaGlass: 12ème action civile publique contre le Belo Monte: le MPF veut obliger Norte Energia à respecter les droits des agriculteurs affectés http://bit.ly/oauebT

La manière la plus efficace d'engager des actions en justice contre le Belo Monte a été l'injonction préliminaire du 27 septembre qui a interrompu les travaux sur le fleuve Xingu, un acte de l'Association des éleveurs et des exportateurs de poissons ornementaux d'Altamira (l'Acepoat). Comme l'Institut brésilien pour l'Environnement et les ressources naturelles renouvelables (l'IBAMA) avait auparavant autorisé l'Acepoat à pêcher dans le fleuve Xingu, l'autorisation du barrage est par conséquent incompatible puisqu'il limite l'accès au fleuve et va altérer la faune de la zone.

Belo Monte, droits de l'Homme et peuples autochtones

Ce sont les autochtones de la région de Xingu qui ont souffert de l'impact premier du barrage. Selon Xingu Vivo, la malaria et la mortalité infantile ont augmenté dans ces villages, lesquels reçoivent généralement une aide insuffisant . La déforestation illégale a aussi été plus fréquente.

C'est pourquoi le journaliste et blogueur Leonardo Sakamoto a dit que le Belo Monte est la “pierre dans le discours ” de la Présidente Dilma Rousseff, faisant référence à son discours historique lors de l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations Unies,  fin septembre (comme l'a déjà fait savoir [en français] Global Voices). Sakamoto souligne la nécessité pour le gouvernement de répondre à l’appel lancé début avril par la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme quant à la protection des communautés autochtones et des autres groupes.

Le 30 septembre, le “Chef” Kayopó Raoni, qui vit sur les rives du fleuve Xingu, s'est rendu au siège suisse de l'ONU à Genève où, enregistré sur vidéo, il a juré qu’ “il n'accepterait jamais le Belo Monte”. La vidéo a été doublée en portugais et sous-titrée en anglais:

La dernière grande manifestation contre la centrale hydroélectrique a eu lieu en août et a pris des proportions internationales. Le mouvement Xingu Vivo Sempre, l'une des voix les plus actives contre le Belo Monte, a lancé un appel sur  Twitter le 11 octobre, rattachant la manifestation à la manifestation mondiale du 15 octobre.

Au Brésil, la manifestation pour une démocratie réelle s'est tenue en de nombreuses villes. Sur sa page Twitter @xinguvivo a déclaré :

Porque Belo Monte é um projeto que vai na contramão do desenvolvimento que respeita a vida.#reasons15o

Parce que le  Belo Monte est un projet qui s'oppose au développement durable de la vie. #reasons15o (les raisons du 15 octobre)

L'utilisateur de YouTube rodrigoguim1 a publié une vidéo du “Campement autochtone ” du 15 octobre à São Paulo:

Une nouvelle campagne a pour but de faire pression sur le tribunal régional fédéral (TRF1) afin qu'il organise le procès des douze demandes contre le Belo Monte. Le site internet de la campagne “TRF1, empêcher les crimes sur le  Xingu est de ta responsabilité” rassemble les adresses e-mail des trois juges qui sont en train d'examiner l'affaire MPF/PA. Le procès a été reporté et sa date n'est toujours pas fixée. Il reprendra au plus tôt dans environ 15 jours .

Ce billet fait partie de notre couverture spéciale Gros plan sur les forêts: l'Amazonie.

 

*Note de la traductrice: Depuis l'écriture de ce billet, d'autres évènements se sont produits augurant assez mal de la suite donnée à cette affaire. Condamné plusieurs fois par la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme de l'Organisation des Etats américains, le Brésil refuse toujours de dialoguer avec les populations autochtones de la région fluviale du Xingu. Preuve en est l'expulsion des opposants à la construction de ce barrage par la Force nationale le 28 octobre 2011 mais aussi l'installation sur décision du gouvernement de cette dernière sur le chantier de construction afin d’ “éviter de nouvelles invasions.” (sic) Voir le billet traduit: https://fr.globalvoicesonline.org/2011/11/02/86023/]

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