Chili : Les transsexuels veulent figurer dans la Loi contre les discrimination

Il y a quelques semaines, Valentina Verbal, 40 ans, était assise autour d’une petite table laquée, au côté de trois de ses amis très gais. Personne ne la dévisage dans ce petit restaurant  près du centre de Santiago, au Chili. Elle porte un jean décontracté, des baskets blanches sans marque et un léger maquillage. Les jours normaux, dit-elle, elle suit un parcours qu’elle connait, tel que ce coin de restaurant. Mais quand elle sort de sa routine,  lorsqu’elle se présente à un entretien d’embauche par exemple, le fait que sur sa carte d’identité elle soit « un homme » et que son rouge à lèvre fuchsia dise au contraire «une femme », peut devenir un obstacle.

Cela devrait bientôt changer. Une loi anti discrimination – qui a mis 6 ans à s’écrire – est prête à être votée au sénat cette semaine. Au grand dam de la communauté LGBT, un faible taux de participation parmi les sénateurs a repoussé le vote. Dans sa mouture actuelle, la législation interdit toutes formes de discriminations basées sur : la race, l’âge, le sexe, le genre, la religion, la croyance, l’opinion politique ou autre, la naissance, la  nationalité d’origine, l’appartenance culturelle ou socioéconomique, la langue, le statut marital, l’orientation sexuelle, la maladie, le handicap, le patrimoine génétique ou toute autre particularité. Valentina Verbal et ceux qui changent leur identité sexuelle ne figurent pas sur le texte original. Aujourd’hui, ils se battent pour en faire partie.

Valentina Verbal, qui utilise les médias pour convaincre des partisans des trans, veut que les Chiliens choisissent librement leur identité sexuelle légale sans faire face à la discrimination ou aient recours à la chirurgie. “La plupart d'entre nous avons des problèmes internes causés par notre société. La société est ce qui complique des choses,” a-t-elle ajouté.

Même si sa place dans la loi anti discrimination est suspendue, elle tweete qu’elle refuse de partager la colère qui se propage dans les réseaux sociaux. La réaction des internautes quant à ce délai  subi par le projet de loi se trouve encore sous le hashtag de twitter : #LeyAntidiscriminación.

Rodrigo Guendelman (@guendelman) a tweeté :

Más de 6 años lleva empantanada la #LeyAntidiscriminación y hoy el Senado vuelve a suspender la votación. Qué verguenza!!!

Plus de 6 ans que cette loi anti discrimination a été reporté, aujourd’hui le sénat suspend le vote ? Quelle honte !!!!

Andres Soffia Vega, une porte-parole de l’organisation pour la diversité sexuelle appelée Égaux (Iguales) voit là une opportunité de redoubler d'efforts. Il a tweeté a @ahsoffia :

Sumemos fuerza para el 8 de noviembre y sigamos trabajando.

Soyons plus fort le 8 novembre et continuons de travailler.

Gay Pride March. Photo by Katie Manning

La communauté LGBT a franchi un cap important. Le mois dernier, le gouvernement a ajouté un projet de loi pour légaliser l’union civile pour les couples gays et lesbiens. Les transsexuels ont également le droit de changer de genre au Chili. Valentina Verbal  souhaite  dépasser le statu quo. « Nous devrions avoir les mêmes droits, sous le même nom » dit-elle. Cela signifie mariage gay, ce que la voisine du Chili, l’Argentine, a approuvé seulement l’an dernier.

En 2009, le gouvernement chilien a signé la déclaration des Nations Unies contre les discriminations basées sur le genre. La communauté trans a déclaré que cette loi anti discrimination était une opportunité à saisir pour que le gouvernement respecte sa promesse.

Même si la communauté trans fait voter une autre loi, Valentina Verbal dit que le Chili est encore à la traine, à des kilomètres de la situation dans certains autres pays.  Des couples du même sexe ne sont toujours pas autorisés à adopter au Chili, ce qui a des conséquences pour beaucoup de couples transgenres. L’âge légal du consentement sexuel pour les couples hétéros est de 14 ans, alors que pour les couples de même sexe, il est de 18 ans.

A travers ses interviews dans différents médias, et sur son blog, Valentina Verbal explique pourquoi l’inclusion des trans dans la loi compte au Chili. Elle a écrit sur El Dinamo :

Sufren una serie de barreras sociales que les impide llevar una vida digna. La  primera de estas barreras es la laboral. Mucha de ellas, no obstante sus capacidades y sin tener una apariencia llamativa (como muchas veces se cree), no tienen acceso a trabajos dignos, precisamente por no corresponder su identidad legal con la de género.

Ils sont face à une série de barrières sociales qui les empêchent de vivre de manière digne. La première de ces barrières est de trouver un emploi. Beaucoup d’entre eux, en dépit de leurs compétences et sans avoir une apparence bizarre (comme on le croit  communément) ne peuvent accéder à un travail décent, uniquement parce leur apparence ne correspond pas à leur identité sexuelle légale.

Le président de droite Sebastian Pinera, dont les sondages de popularité sont au plus bas, à hauteur de 33 %, trouve un soutien important auprès de beaucoup de transsexuels. Pinera a soutenu le projet de loi d’union civile. Au Chili, les militants des droits des LGBT ne sont pas strictement à gauche ou à droite de l’échiquier politique, mais certains transsexuels s’inquiètent du fait que les politiciens qui posent pour des photos durant les manifestations de la Gay Pride ne transforment pas cela en actes dans l’arène du sénat.

Andres Rivera, 47 ans, a commencé à cultiver une voix grave et un bouc, neuf ans auparavant quand il a fait un documentaire à la télévision sur son changement de sexe. Maintenant, il met son énergie dans son activité de militant trans. Il a fondé l’Organisation des transsexuels pour la dignité et la diversité, la première ONG chilienne qui se bat pour les droit des trans, et tweete sur le compte @andresrivera. Il dit : « Je crois que Pinera ouvre son esprit aux transsexuels ».

Parallèlement, l'ancien professeur de l'université de Rancagua s'interroge sur l'authenticité de l’engagement de la plupart des politiciens. Il dit : « Ils nous utilisent. La droite comme la gauche, nous vendent comme de la viande pour faire des accords entre eux. »

Quand AndresRiviera a changé son apparence extérieure, il avoue qu’il a souffert d'une attitude de mépris dans sa ville natale de Rancagua, une ville agricole et minière poussiéreuse au sud de Santiago.

« Cette décision m’a fait perdre mon emploi. Mes employeurs m’ont rejeté pour cela. Cela m’a isolé de ma famille… Tout a été gâché.  J’ai erré dans les rues, mangeant des restes. C’était une terrible situation » dit-il. Il s'est réconcilié avec sa famille, des catholiques romains, et maintenant il est déterminé à s'assurer que d’autres transsexuels puissent changer leur apparence physique de façon moins traumatisante.

Andres Rivera observe une distinction entre les luttes des transsexuels et celles de la Communauté Gay. « Nous n’avons pas les mêmes possibilités que les hétérosexuels ou même les gays. Nous sommes punis depuis notre enfance » pour ne pas se conformer aux normes du genre.

Andrès Verbal n’est pas passé sous le bistouri ni ne prend des hormones féminines. « Je me suis toujours sentie femme » dit-elle, mais lorsqu’il/elle a ajusté son apparence extérieure, à 37 ans, « j’avais vraiment peur de ce que ma famille pouvait penser, de ce que la société pouvait penser ». Valentina Verbal ajoute que le Chili a besoin de comprendre « qu’il n’y a pas de différence entre normal et anormal, ou entre sain et malsain ».

 

Katie Manning écrit pour le site www.MiVoz.cl, qui publie quinze sites de journalisme citoyen dans toutes les provinces du Chili. Pour en savoir plus sur notre partenariat avec Mi Voz lire ici.

 

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