Cameroun : L’essayiste et blogueur Enoh Meyomesse arrêté et accusé de vol qualifié

Enoh Meyomesse, un écrivain et blogueur camerounais [en français] a été arrêté le 22 novembre 2011, à l'aéroport International de Yaoundé-Nsimalen, au Cameroun, à son retour de Singapour. Accusé de vol par le tribunal militaire de Bertoua, ville située à l’Est du pays, il est actuellement détenu à la prison centrale de Nkondengui à Yaoundé, qui selon un rapport d’Amnesty International, est un établissement pénitentiaire surpeuplé et où les conditions de vie des prisonniers sont extremement précaires.

L’arrestation d’Enoh Meyomesse a suscité de nombreuses réactions au sein de la blogosphère camerounaise.

 

Enoh Meyomesse and his alleged accomplices - Military Tribunal of Bertoua - From Patrica Nganang Public Facebook profile

Enoh Meyomesse et ses présumés complices – Tribunal militaire de Bertoua – De Patrice Nganang sur son profil public Facebook

Le Cameroun qui, pour la sixième fois de son histoire, a réélu Paul Biya comme président de la République en Octobre 2011, après une élection très critiquée, occupe la 40e place sur 53 pays africains, classés selon les critères de gouvernance et de respect des droits humains, selon le rapport de 2011 de la Fondation Mo Ibrahim.

Un complot politique contre Enoh Meyomesse?

C'est ce que la journaliste Juliette Abandokwe affirme dans un article publié sur son blog intitulé « Cameroun: complot politique contre Enoh Meyomesse, dissident et penseur inflexible» . Elle écrit à ce propos:

L'illustre détracteur de la machine à terroriser du régime Biya, victime aujourd'hui d'un complot digne des années staliniennes les plus sombres, est accusé de “vol aggravé et de détention d'armes de combat”. C'est avec ce chef d'accusation inventé et orchestré de toutes pièces, que Meyomesse est présenté au public et à la presse en tant que “bandit de grand chemin”, en compagnie de ses soi-disant trois complices, dans un climat d'humiliation extrême.

Joël Didier Engo poursuit sur son blog [fr]:

Ce serait le gag de noël au Cameroun de Paul BIYA : “Enoh MEYOMESSE à la tête d’un gang de braqueurs d’or dans l’Est du Cameroun…” De quoi perdre la raison, y compris dans ce pays coutumier des campagnes publiques de délation et de lynchage, orchestrées en haut lieu contre tous les empêcheurs de tyranniser en rond.

Sur Facebook, l'écrivain Patrice Nganang publie régulièrement des photos et des nouvelles de son collègue emprisonné. Son profil personnel est devenu également un forum de discussion pour certains internautes camerounais. Ainsi, Amougou Herman par exemple, a commenté [fr]:

Je pense que ce qui se passe au cameroun aujourdhui en politique, est le véritable problème qui mine les pays en voie de developpement de toujours penser que celui qui ne partage pas nos opinions est notre ennemi. Le problème devient d'autant plus grave lorsqu'on a en face une machine judiciaire corrompue qui ne fait pas son travail.

Le témoignage d’Enoh Meyomesse

Meyomesse a pu rencontrer Jean-Bosco Talla, un journaliste du journal camerounais Germinal, qui lui a rendu visite à la prison de Nkondengui le 31 décembre 2011. Il raconte le déroulement de son arrestation [fr]:

À mon retour le 22 novembre 2011, si mes souvenirs sont exacts, dans le hall de l’aéroport international de Nsimalen, j’aperçois deux personnes qui brandissent une de mes photos (…). Je me dirige vers ces personnes pour chercher à savoir ce qui se passe et tenter de comprendre d’où leur vient ma photo. Soudain, l’une des personnes me fait savoir que je suis en état d’arrestation. C’est plus tard que j’apprends qu’il s’agissait du colonel Oumarou Ngalibou, commandant de la légion de gendarmerie de l’Est-Cameroun. Je suis conduit manu militari au secrétariat d’État à la défense (Sed) à Yaoundé où on me livre à deux enquêteurs pour exploitation. C’est au moment de l’interrogatoire, quand les enquêteurs me demandent de leur indiquer notre cache d’armes que j’apprends que je serais à la tête d’un gang de braqueurs et qu’en complicité avec des forces étrangères, nous serions en train de fomenter un coup d’État. (…)

Il poursuit :

Le 21 décembre 2011, un gendarme vient nous demander de nous apprêter. Quand nous sortons de nos cellules, nous sommes surpris de nous retrouver au milieu d’un attroupement dans la cour de la légion de gendarmerie de l'Est à Bertoua. Une mise en scène destinée à nous présenter au public comme de vulgaires malfrats. Il se dit que presque toutes les autorités de la ville de Bertoua étaient présentes. Les populations, les journalistes, les photographes y étaient également. Menottés, ils ont donné à chacun de nous des papiers sur lesquels ils avaient pris soin d’écrire nos nom, âge et le soi-disant motif de notre arrestation (…) C’est après cette mise en scène que nous avons été transférés à Yaoundé. Le jeudi 22 décembre 2011, nous sommes passés brièvement devant le tribunal militaire qui a décidé de nous placer en garde-à-vue à la prison centrale de Kondengui.

Le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a commenté [fr] sur cette affaire lors d'une conférence de presse en décembre dernier. Selon Cameroon Tribune (le quotidien national bilingue), le ministre a affirmé qu’Enoh Meyomesse a été cité par ses complices présumés dans un vol à main armé perpétré dans une mine au mois de Novembre:

… “vu qu'il s'agit d'un vol à main armée, Enoh Meyomesse est mis à la disposition du tribunal militaire”.

Une campagne de collecte de fonds a été lancée par Internet Sans Frontières en vue de rassembler des fonds nécessaires afin de pouvoir déléguer une équipe d'avocats internationaux qui feront en sorte qu’Enoh Meyomesse, puisse jouir de la défense juridique dont il a droit et bénéficier d’un procès équitable.

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